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Le 10 décembre, c’était la journée des droits de l’Homme (mais pas tous)

par EH

Publie le vendredi 11 décembre 2015 par EH - Open-Publishing

Journée des droits de l’Homme, mais pas de tous

Le 10 décembre est connu dans le monde entier pour être "la journée des droits de l’Homme". Au cœur de l’Etat qui l’incarne et le crie haut et fort, ces droits ne sont pas respectés pour tous. C’est le cas des détenus basques. Collectifs et associations sont là pour le rappeler, à un mois des manifestations organisées à Bayonne et Bilbo.

Une "chaîne de foulards" était organisée à Bayonne.

Le 10 décembre est la très symbolique journée internationale des droits de l’Homme. L’État français est une référence en la matière, connu comme le "pays des droits de l’Homme" dans le monde entier. Derrière le beau décor et les flonflons, la réalité est tout autre, à commencer par les droits fondamentaux des détenus, en l’occurrence basques. Si certains états semblent parfois l’oublier, un détenu est une femme ou un homme avant tout.

Cette "journée des droits de l’Homme" est l’occasion pour les familles des détenus basques de rappeler à quel point ces droits sont bafoués par les Etats français et espagnol. Leur association, Etxerat, a organisé "une chaîne de foulards" (blancs avec une lampe, symbole d’Etxerat) dans différentes capitales de provinces du Pays Basque, à Gasteiz, Iruñea et Bayonne.

Leur objectif est de dénoncer la violation de droits qui découle de l’application de la politique de dispersion mise en place presque systématiquement depuis plus de 25 ans. Aujourd’hui, 91 détenus basques sont dispersés dans les prisons françaises.

Coupure du lien familial

"Une des conséquences la plus catastrophique de la dispersion est le coupure du lien affectif", alarme Muriel Lucantis d’Etxerat. En effet, il est difficile pour des personnes âgées ou des enfants de voyager des centaines voire des milliers de kilomètres pour rendre visite à leur proche.

Ce n’est pas tout. La dispersion engendre un coût colossal pour ces familles dont un membre est en prison. Pour Etxerat, la dispersion a un prix physique, psychologique et économique. Pour le démontrer et interpeller les élus locaux, l’association de familles a constitué un dossier mettant en lumière ces coûts.

Au cours des chaînes humaine du 10 décembre, ce dossier a été remis aux Parlements de Navarre et de Gasteiz. L’association a aussi appelé à participer aux manifestations du 9 janvier prochain à Bayonne et Bilbo.

L’accès aux soins

Cette manifestation est organisée par Sare et Bagoaz. Ces collectifs militent aussi pour le respect des droits de ces détenus. En prison, tout est plus long, et même les choses les plus simples se compliquent, à commencer par l’accès aux soins : "il est compliqué pour un détenu de voir un dentiste, par exemple, même en cas de rage de dent", alarme Emilie Martin de Bagoaz.

D’autres droits sont bafoués comme le droit d’étudier. "Il y a des soucis pour que les détenus suivent le cursus de leur choix, des difficultés pour récupérer les cours ou faire corriger les copies", souligne Emilie Martin.

L’expression "comme une lettre à la poste" perd tout son sens pour un détenu basque quand on sait combien de temps met une lettre à arriver à son destinataire et la réponse à son expéditeur. Communiquer par téléphone n’est pas non plus chose aisée, ni parfois accordée. La liste des entraves est longue, comme le droit à parler dans la langue de son choix, ou encore le droit à la sexualité...

http://mediabask.naiz.eus/eu/info_m...

Arbitraire carcéral

Avant de mourir, on refuse à la mère d’un prisonnier politique basque le droit de revoir son fils

Cela faisait un certain temps déjà que l’état de santé de la mère d’Unai Bilbao se dégradait. Incarcéré dans le centre pénitencier d’Albolote, à près de 860 km en Andalousie, cela faisait de nombreuses années qu’Unai ne pouvait voir sa mère, incapable de faire le long voyage en raison de sa maladie dégénérative. Jusqu’à la veille de son décès, samedi 5 décembre au matin, les autorités carcérales ont fait traîner en longueur les procédures exceptionnelles de déplacement sous escorte, empêchant ce combattant de la cause abertzale et sa mère de se revoir une dernière fois.

Corinne Rozenn

La dernière demande avait été déposée il y a deux mois maintenant. La semaine dernière, les autorités ont enregistré la procédure, mais l’état de santé de la mère d’Unai a connu une aggravation soudaine. Les appels pressants des proches d’Unai à la prison d’Albolote, ainsi que les avis circonstanciés des médecins, n’ont servi à rien. Les autorités avaient annoncé que la demande ne serait prise en considération qu’à partir du mardi 8 décembre, piétinant ainsi les derniers avis rendus par l’Audience nationale, la plus haute autorité en matière de justice de l’État espagnol.

Dans l’un de ses derniers arrêtés, en effet, l’Audience nationale reconnaît que lors d’une incapacité de « déplacement sur le lieu de détention d’un membre de la famille, que ce soit pour des raisons d’âge, d’état de santé, ou de difficultés économiques, [le détenu] peut solliciter des permis extraordinaires ». Il s’agit, bien entendu, de déplacements temporaires sous escorte policière. Mais Unai n’a même pas pu en bénéficier.

Cette situation rappelle que Madrid, autant que Paris, continue à déroger aux recommandations de la Cour européenne de justice, qui exige que les détenus soient incarcérés à proximité de leur domicile. Au contraire, l’État espagnol et l’État français continuent à pratiquer à l’encontre des prisonniers politiques basques (mais également turcs, kurdes, corses ou bretons) une politique de dispersion des détenus dans de multiples maisons centrales et d’éloignement systématique.

Dans le cas d’Unai et de ses proches, à qui nous transmettons toutes nos condoléances, il faut aujourd’hui rajouter à ces manquements la tristesse d’un deuil qui sera encore plus douloureux à faire. Mais sans doute aurons-nous droit, jeudi 10 décembre, à des spots officiels des gouvernements espagnol et français à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme. En ces temps de restriction systématique des libertés, le cynisme de ces messieurs, en effet, n’a pas de limite.

http://www.revolutionpermanente.fr/...

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