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Le Vatican s’inquiète de ne devenir qu’un groupe de pression parmi d’autres en Europe

Publie le jeudi 21 octobre 2004 par Open-Publishing
2 commentaires

de Henri Tincq

Tout discours de certitude éthique ou religieuse passe pour décalé, voire liberticide.

Il y a des mots qu’il vaut mieux ne pas employer à la légère. Celui d’"Inquisition" par exemple, quand on est cardinal. Même si l’Eglise a fait "repentance", on ne peut oublier le bilan, en nombre de morts et en humiliations, de cette entreprise d’oppression qui dura jusqu’au XVIIIe siècle, au nom d’une vérité tyrannique, sous prétexte de chasse aux sorcières et aux hérésies. Or, selon Renato Martino, cardinal de la Curie romaine, Rocco Buttiglione serait aujourd’hui victime d’une "Inquisition antichrétienne". On veut "intimider" les catholiques, se plaint-il. Leur faire subir une "discrimination" qui ne serait acceptée pour aucune autre confession.

Pour le Vatican, il y a délit d’opinion, en effet. A travers le philosophe de Communione e Liberazione, puissant mouvement italien de défense de l’identité catholique, c’est le pape - dont il fut le collaborateur pour la rédaction de quelques encycliques - qui est visé. Vittorio Messori, autre nom de l’intelligentsia italienne, écrit, dans Il Messagero du 14 octobre, qu’il n’y a désormais plus que trois catégories - "les catholiques, les fumeurs et les chasseurs" - dont on peut continuer à dire le plus grand mal, sans violer le "politiquement correct" ! L’antisémitisme, ajoute-t-il, a été "remplacé, dans la culture occidentale, par l’anticatholicisme".

Déjà, il y a quelques années, dans un livre à succès, l’historien français René Rémond s’était inquiété du discrédit dont souffrirait le christianisme, parlant de "culture du mépris". On y retrouvait toute la matière explosive contenue dans la polémique Buttiglione : la montée d’un "laïcisme" ignorant tout du fait religieux, sauf pour le tourner en dérision et le contester ; la suprématie d’une doxa (discours commun) interdisant toute voix discordante, toute défense d’un absolu religieux ou d’une transcendance.

Sur ces questions, qui ont fait déraper Buttiglione, de l’homosexualité et du statut de la femme, toute orthodoxie trop affirmée équivaut à de l’intégrisme. Tout discours de certitude éthique ou religieuse passe pour décalé, voire liberticide. Faut-il s’interdire d’avoir des "convictions privées" sous prétexte qu’on devient commissaire européen ?

Le divorce s’aggrave entre le christianisme de conviction d’un Buttiglione et une Europe sécularisée, laïcisée, pour qui l’Eglise n’est plus qu’un groupe de pression parmi d’autres. Scénario insoutenable pour le Vatican, qui a bataillé des années entières - en vain - pour inscrire dans le préambule de la Charte, puis de la Constitution européenne, une référence claire aux racines chrétiennes de l’Europe. Non pour défendre ses intérêts, plaidait-elle, mais par évidence historique. Qui peut ignorer la part du christianisme dans le patrimoine culturel et celui des valeurs européennes ? Pour la première fois, l’Europe débattait de son identité. Etait-il choquant de définir des références communes, au moment où de nouveaux défis apparaissent (élargissement, montée du racisme et de l’antisémitisme, frustrations sociales, etc.) et où la Turquie musulmane frappe à la porte ?

La réaction du Vatican dans l’affaire Buttiglione est disproportionnée. Cette caricature de combat, à l’échelle européenne, entre "cléricalisme" et "laïcisme", date d’un autre âge. Si la mention "chrétienne" ne figure pas dans la Constitution, celle-ci, dans son fameux article 51, garantit aux Eglises une reconnaissance et une indépendance que certaines d’entre elles n’ont jamais connues, dans des régimes de séparation (France), autant que de religion d’Etat (Grèce ou Finlande). Elle invite à une collaboration "à l’allemande" entre l’Etat et les confessions, qui a dû échapper aux parlementaires les plus chatouilleux en matière de laïcité. Et, vilipendée par le Vatican et ses voisins pour sa loi interdisant les signes ostensibles à l’école, la France est-elle aussi antireligieuse qu’on l’a dit ? Accueillant le pape à Lourdes, en août, Jacques Chirac lui a présenté l’hommage de la France, "vieille nation chrétienne".

UN DISCOURS DE DISCRÉDIT

Le Vatican est mal venu de crier à l’antichristianisme de la nouvelle Europe. La vérité est ailleurs. Des pays comme l’Espagne - où le mariage homosexuel sera bientôt légalisé - ou l’Autriche, qui perd des dizaines de milliers de fidèles dans les scandales de prêtres pédophiles, illustrent le naufrage du catholicisme en Europe. Sa parole ne pèse plus guère. Si l’Eglise est parfois requise pour jouer les pompiers dans les banlieues, ses avis sont ignorés quand elle se bat pour la régularisation des immigrés sans papiers, la défense de l’emploi des travailleurs menacés, le respect de la cellule familiale et de la vie.

On ne retient plus de son discours que ses interdits sur la contraception, le préservatif, l’avortement, l’homosexualité. Ses avertissements sur les manipulations d’embryons ou l’euthanasie active se heurtent à une générale surdité.

Sans doute l’Europe perdrait-elle à se couper d’un christianisme "expert en humanité" (Paul VI), porteur d’une tradition sociale, d’un patrimoine de valeurs et d’une expérience militante. Un homme comme Jacques Delors, ex-président de la Commission européenne, n’a jamais eu besoin de cacher ses convictions chrétiennes. C’est au nom du "témoignage chrétien" que des catholiques ont participé aux combats de la Résistance, du monde ouvrier, à la construction de l’Europe.

Mais un Buttiglione, comme un Jean Paul II, paie aujourd’hui tout un discours de discrédit de la société moderne répété depuis des années. Marteler que la loi morale est supérieure à la loi civile, que la légalité d’un acte ne le rend pas forcément éthique, que le rôle de l’Etat ne doit pas se borner à acquiescer à la volonté d’une majorité ne manque pas de panache. C’est ce qu’a voulu dire Buttiglione, se référant à Kant. C’est ce que répètent Jean-Paul II et des mouvements de reconquête catholique comme Communione e Liberazione. Mais ils ne devraient pas s’étonner d’un tel retour de bâton.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-383670,0.html

Messages

  • Eh oui, il faut payer maintenant de s’être si peu préoccupé du peuple et de son devenir. Avec toutes les prières que les catholiques et les chrétiens ont lancé vers le ciel depuis des millénaires, je me demande toujours pourquoi la France s’est tellement dégradée et tourne si mal. Est-ce que je me trompe lourdement si je pense que le Vatican a peut-être eu la même quantité d’effet que Amnesty International, donc comme un groupe de pression parmi d’autres mais qui en plus a l’avantage de ne pas avoir un terrible passé d’oppression ? Si le Vatican veut plus que ce que le Peuple veut bien lui laisser, il devrait peut-être devenir musulman. En Orient, on semble accepter plus facilement que la religion et non la morale réaliste (http://www.alter-france.net/article.php3?id_article=807) domine le peuple.

    Mado

  • Bonjour,

    Je viens de découvrir votre forum ou site, je suis assez débutante sur internet !

    Si je me décide à répondre à cet article c’est que je suis très sensible aux sujets ayant trait à la réligion et spécialement à ce que l’on appelle généralement les religions chrétiennes. J’ai 62 ans et il m’a fallu des années de lutte intérieure pour me libérer du conditionnement que m’a donné l’Eglise catholique qui est une véritable secte. Des années de souffrance pour devenir libre et penser par moi-même et plus comme l’Eglise me l’avait imposé !!

    Comme Tolstoï je dit que les Eglises officielles ont imposer leurs dogmes à la place du seul commandement utile qui est l’amour et le respect de la vie !!

    Après ma libération j’ai écrit un livre dans lequel je raconte tous ce que j’ai vécu dans les Eglises chrétiennes, catholiques et protestantes !! Avec comme titre :

    "Ces chrétiens, Ambassadeurs du Christ !"

    Comme Nietszche je dit que la plus grande ironie universelle c’est de voir les chrétiens à genoux devant l’inverse de l’Evangile".

    Ces Eglises ont ridiculisés le Christ et son enseignement.

    Je viens de faire une conférence dans laquelle j’en parle, si elle vous intéresse, je peux vous l’envoyer...

    Le Vatican s’inquiète et il a bien raison de s’inquièter lui qui fait partie d’une véritable mafia qu’est le gouvernement mondial, dont il fait partie avec sa banque et l’Opus Deï !

    Cordialement Eléonore Visart