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Le candidat
extrait de « la mémoire de l’anchois », à paraître cette année
par nasser*
Mon seul rêve et ma seule ambition, c’est de me lancer dans la politique. Je suis né dans la politique, pour ne pas dire que je suis tombé dedans, comme Obelix dans la potion magique. Rien qu’à voir mon nom. Il est lié à la farouche agression des grandes puissances réunies contre un seul pays du Tiers monde, de très moyenne importance, qui essayait de relever la tête. Et, pan sur le bec ! Le Raïs n’avait commis aucun autre crime que celui de vouloir se réapproprier un morceau de sa terre, qui lui revenait de droit, les deux rives d’un canal : celui de Suez.
Tout jeune, je lisais déjà, le Monde diplomatique alors que les copains s’étaient arrêtés à Spirou et Pif le chien. Un peu moins jeune, tous les mercredis, dès 8 h du matin, je me rendais chez le marchand de journaux le plus roche pour me procurer ma copie du Canard enchaîné. Je ne comprenais pas tout, mais je dévorais les articles de la une qui continuaient en dernière page, ce qui m’évitait d’ouvrir, dans l’autobus, l’hebdomadaire grand format. J’ai également été rôdé au dessin politique que je pratiquerai plus tard et qui n’est, pour moi, rien d’autre qu’une caricature de... situation, à même d’en déceler et révéler la contradiction, l’absurdité ou l’aspect risible. Il ne s’agit pas d’allonger à l’infini le nez de De Gaulle, de rapetisser un président déjà court sur pattes ou de charger, de tous les maux de la terre, la bosse d’Andreotti. Mais choisir la facilité et en faire son fonds de commerce est, hélas, courant de nos jours. Même le talent ne devrait pas pouvoir se passer de l’honnêteté intellectuelle.
Je préfère Che Guevara à Fidel Castro, Lénine à Staline, Marilyn Monroe à Kennedy, Gandhi à Indira Gandhi, Allende à Pinochet, les œillets aux fusils portugais, la movida au couvre-feu, Sartre à Raymond Aron, la guerre froide, qui est restée gelée, aux guerres chaudes qui, elles, éclatent tous les jours au soleil, la plage aux pavés de St Michel, les féminines aux féministes, les gauchères aux gauchistes, les marxistes aux communistes, Chomsky à Henry Lévy, Bourdieu à la sociologie, Gavroche à Julien Sorel, Edward Saïd à VS Naipaul, les indiens aux Cow-boys, le Ricard au Pastis, la rouille à l’harissa, les baleines à Brigitte Bardot, les non violents aux violents, les violents aux plus violents et les plus violents aux responsables hypocrites qui tirent les ficelles, coupables de semer la faim, la guerre et l’angoisse parmi tant d’êtres humains. Comme vous et moi.
Ce que j’ai fait pour en arriver là.
J’ai compris très tôt les limites de la lutte des classes quand, pour la première fois, j’ai vu mon oncle, prolétaire chez Renault à Billancourt, un peu trop pressé d’en découdre avec le patron, confier à ma mère, en sanglotant, après l’échec d’une grève difficile : « Je crois que je ne serai jamais dictateur ».
J’ai vécu la lutte des mouvements de libération et l’espoir de peuples dits jeunes, tout juste sortis de la nuit coloniale. Combien de braves combattants n’ont ni réussi leur conversion à la vie civile, ni su rendre au peuple ce que l’histoire lui avait volé, sa liberté. Combien sont-ils à n’avoir pas pu résister à la tentation totalitaire et à s’être métamorphosés, comme dans un film qui finit mal, en tyrans sanguinaires ?
Avec la plus généreuse des bonnes volontés, les dirigeants les plus justes, ou les moins despotes, peinent à (créer et à) redistribuer une richesse qui ne suffit pas pour tout monde. Et, que penser alors des pays où une élite aisée, corrompue et arrogante règne avec mépris, grâce à des appareils répressifs très sophistiqués, sur des millions de malheureux en colère ? Combien sont-ils, aujourd’hui, à être assis sur un volcan ?
J’ai ressenti le malaise et partagé le sort de mes semblables, en perte désespérée d’identité, à qui il ne restait qu’à singer l’ex-colonisateur ou l’occidental, d’une manière générale, car victime d’une image renvoyée si négative jusqu’à éprouver la haine de soi. Ce processus intentionnel que le temps a fini par structurer est à l’origine du sentiment d’exclusion et de ségrégation. Un (lent) crime (blanc) contre l’humanité.
J’ai réellement pris conscience du projet de société néo-libéral, le jour où la bourse de Wall Street a semé la panique et failli détruire l’économie de la planète... à cause d’une augmentation imprévue de l’emploi ! Ils s’attendaient à une régression, c’est-à-dire, à ce que des millions de ménages soient mis en difficulté et autant d’hommes et de femmes jetés sur le pavé, autrement dit, ruinés. Ils avaient misé sur plus de misère encore !
J’ai découvert le monde souterrain de la micro-finance, au Nord du Cameroun, à Bamenda, une économie parallèle tant décriée, car supposée proche des plus pauvres tenus à l’écart des guichets des banques classiques. Des milliers de micro-dépôts pour des micro-prêts, des micro-crédits, des micro-projets, des micro-entreprises à des gens qui ne peuvent se payer d’autres ambitions que celles de faire des micro-rêves. De ces banques rurales dites des pauvres, la face cachée du système, un micro-groupe de personnes en tire, quels que soient la conjoncture et le cours des changes, des bénéfices de proportion macro.
J’ai approfondi ma connaissance des subtilités du programme de l’extrême droite quand un jeune skin head, en menottes, accusé d’avoir mis le feu à une tente et brûlé vif un couple de campeurs de son âge, déclarait aux juges, préparés à une sentence clémente : « Je me suis trompé, je croyais que c’était des turcs ».
Ladite extrême gauche, renferme, à quelques variantes près, les intellos, les marginaux, les pauvres de droite et les riches de gauches. Cocktail aux contours utopiques, plus ou moins sympa, quand il ne vire pas au folklore. Comme c’est le cas sous certaines latitudes. Cette tendance est considérée comme nécessaire à l’intégration de la marge dans le système.
J’ai été séduit par la générosité social-démocrate, en la présence d’une adorable suédoise, lors d’une rencontre internationale qui se déroulait en Scandinavie. J’ai écouté des heures entières les courageux mineurs anglais, tatoués ou bourrés de bière importée, encadrés par leurs syndicalistes, lors du festival mondial de la jeunesse « anti-impérialiste », à Moscou.
J’ai pratiqué le troc, au sud de Tombouctou, en respectant scrupuleusement le taux de change local : deux oranges vertes contre un sachet moyen de cacahuètes. Sous le regard attentif, mais pas du tout méfiant, de ce garçon-vendeur, sorti de nulle part, qui n’avait sans doute jamais vu de sa vie une pièce de monnaie.
Invité, à la Fête de l’Huma, à La Courneuve, près de Paris, j’ai chanté « Ma môme » avec Jean Ferrat, « Hexagone » avec Renaud, « l’Internationale » avec Yves Montand, ri avec Guy Bedos, espéré avec Arlette Laguiller, dansé sur des airs de musette et mangé, à la bonne franquette, des sandwichs merguez frites.
J’ai enregistré, de la télé, la dernière sortie de José Bové, chantre de l’alter mondialisme et infatigable destructeur de Mac Donald, quand il est passé chez Ardisson, l’autre soir. Je n’ai jamais manqué une élection présidentielle, à l’époque, à la radio et puis, plus tard, à la télévision : De Gaulle, Lecanuet, Giscard, Mitterrand I, Mitterrand II, Chirac Premier et Chirac Second, Reagan, Clinton, avant et après Lewinsky. Bush, père, fils et bis et même Bouteflika ! Belote et rebelote, lui aussi.
Ah, j’oubliais l’élection municipale, à Rome, premier vrai débat libre de l’après-guerre, après la chute du « parti unique » démocrate-chrétien, entre Rutelli, gauche tendance pâquerettes, et Fini, néo-fasciste sortable. Lequel est en train de réussir à lui seul, ce que tout une nation, institutions et société civile comprises, n’a pas été fichue de faire en 60 ans : se défasciser.
Bref, la politique n’a plus de secrets pour moi. Elle peut paraître à l’homme de la rue - que je respecte beaucoup, car chaque voix compte - comme étant l’expression fidèle des conflits de société. Qu’ils soient économiques, sociaux ou autres. Rien de tout cela, les vrais enjeux - circonscrits d’alliances historiques ou alors atypiques, fruits de prévisions aléatoires et de nature plus ou moins stratégique - sont rarement rendus publics. Comme les nombreux mécanismes d’enrichissement, sans citer les mensonges qui entourent même la sacro-sainte sphère de la science. Mais, consolons-nous avec Voltaire, « puisqu’il n’est de vérité que le temps ne révèle ».
Sans adhérer à théorie dite du complot, je sais - et je le sens parfois - que la réalité se passe souvent ailleurs. Cette thèse exprime l’idée que, quoi qu’on fasse, tout est décidé pour nous, à l’avance et que les dés sont pipés. La marge de manœuvre restante serait infime voire, insignifiante. Cette idée déresponsabilise, elle rend encore plus puissants les puissants et totalement impuissants les moins puissants et les plus faibles. On peut toujours faire quelque chose, toujours. C`est ma maîtresse de yoga qui m’enseignait que même l’indifférence était une réaction et de toutes les manières, que nous le voulions ou pas, nous communiquons tout le temps. Quoi ? Eh, bien, je l’ignore. Mais rester zen, avec les doigts de pied croisés et orientés vers le Gange, pendant que tout s’agite autour de vous, ça ne doit pas être tous les jours facile.
Ce à quoi nous assistons n’est qu’une mise en scène, bien goupillée, certes, des contradictions, des oppositions et des divergences apparentes, somme toute inhérentes à tout groupement humain constitué. « On nous cache tout, on nous dit rien » Jacques Dutronc, mais, « Société, tu m’auras pas ! », Renaud.
De la politique, je connais les moindres arcanes, les nuances les plus subtiles, les tenants et les aboutissants, comme dirait un autre homme de la rue, qui peut être le même. Je sais décrypter les cartes, décoder les discours et lire les dessous de cartes d’Arte. D’ailleurs, j’adore la géographie. Les dessous de table, le juge Decaillou s’en charge bien.
Mais, est-ce raisonnable de continuer à penser de la sorte alors que la mort clinique des idéologies vient d’être décrétée, de manière solennelle et définitive aux USA ? Un ami américain, digne de foi - car ils croient tous en quelque chose dans cette contrée - m’a récemment confirmé l’information.
Ce que je n’ai pas fait.
Outre avoir été désigné, après un vote unanime à main levée, délégué de classe, en sixième, je n’ai jamais osé me présenter à une quelconque élection ou faire de la politique. Y’avait-il eu, avant ce plébiscite, un débat contradictoire ? Je ne m’en souviens plus. Toujours est-il que je pense avoir bien rempli mon premier et unique mandat, pour avoir défendu la cause d’un copain de classe et sauvé du renvoi - en présence des professeurs, de parents d’élèves et de Monsieur le Directeur. Il était, certes, un peu turbulent, mais d’origine très modeste. Il avait aussi la sale manie, alors que nous étions en récréation, d’aller placer des punaises sur la chaise des profs. Inutile de vous dire que certains le prenaient mal.
À ce jour, je n’ai jamais manifesté, je ne me suis jamais inscrit à un parti, ni jamais adhéré à aucune association, ni participé à un aucun mouvement d’opinion, ou regroupement civil, sportif, culturel, militaire, artistique ou autre. Vous ne trouverez mon nom nulle part. En tout cas, sur aucune liste de ce genre. Je n’ai ni dettes, ni ennemis connus ou reconnus. « All by my self », comme dit Céline Dion qui croit tout devoir à René, prononcé Rainai.
J’ai toujours pensé que les affinités et le sens de la solidarité pouvaient être vécus autrement. Qu’ils pouvaient être exprimés par une libre adhésion intellectuelle, par un soutien critique, par une prise en charge morale, à titre individuel. Foutaises ! Je m’étais trompé sur toute la ligne. Et, je fais là, mon premier mea culpa public. Au fait, existe-t-il des mea culpa privés ?
Je connais aujourd’hui la raison de mon refus de tout ce qui s’apparente à un embrigadement : mon sens de la liberté, mais, surtout, mon aversion envers toute forme de compétition. Synonyme, pour moi, de devoir défaire les autres donc de fabriquer forcément des battus. Alors que personne n’ignore le traumatisme que peut provoquer l’échec. Rien qu’à voir Raymond Poulidor, sympathique aux yeux de tous, mais éternel second. L’ombre du perdant casuel d’hier veille comme un vautour sur le déclaré loser d’aujourd’hui.
Je n’ai jamais participé, de mon gré, à un concours, même si j’ai reçu, de bon cœur, des bons points, à l’école primaire, des prix, pendant le secondaire et, plus tard, des félicitations et autres reconnaissances professionnelles. Sachant pourtant que la compétition est une seconde nature chez les humains, une course, comme la course au fric, la course à la séduction, la course à la notoriété, la course au succès, la course à...pieds !
« Si tu ne t’intéresses pas à la politique, de toute manière, la politique s’intéresse à toi » ne cessait pas de me répéter ma petite cousine vendeuse chez Léonidas à Créteil. Mais comment ai-je fait pour mettre tant d’années à le comprendre ?
Certains me reprocheront de ne pas avoir fait ma traversée du désert, de ne pas en avoir assez bavé. Sans souffrance, dans ce bas monde , il n’est guère de salut. Je n’ai pas osé m’aventurer, c’est vrai, à plus de 500 kilomètres, au sud d’Alger, l’orée du plus grand et, sans doute, plus beau désert du globe pourtant, le Sahara. Ai-je eu tort ? Alors que même le fils de la Dame de fer, Thatcher, a été plus loin et s’y est perdu. Puis retrouvé miraculeusement, après des jours de recherche, par la gendarmerie algérienne. En voilà un qui n’aura pas connu le sort de Bobby Sand. Qu’on a laissé crever de soif après - une grève de - la faim.
D’autres élus ont choisi le grand large et, habitués aux chèques en blanc, ils ont préféré le check in de l’aéroport au parloir de la Santé, avant d’organiser leur retour en grandes pompes, une fois que les eaux troublées (Simon & Garfunkel) s’étaient calmées. Mais, si mon conseiller à l’image le juge capital, on peut toujours arranger ça, il me reste encore des amis en Algérie.
C’est vrai que mon intégrité et mon sens de la chose publique peuvent constituer un obstacle, poser problème, dirait l’homme de la rue. « Il n’a été cité dans aucune affaire », genre mani pulite, le scandale du sang contaminé, les emplois fictifs à la mairie de Paris. Car, derrière chaque grand homme politique, il y a souvent, une grande femme oui, mais aussi, de grandes affaires. À la mesure du personnage, quoi. Si Berlusconi est convoqué par un nombre impressionnant de tribunaux de la péninsule, ce n’est sûrement pas pour le vol tablette de chocolat.
De moi, on pourrait même penser : « Il n’a souffert d’aucune injustice » avant d’être lavé de tout soupçon, pour être, plus tard, adopté et protégé comme on aime le faire avec les victimes. Les victimes, ça passe bien à la télé. Le citoyen s’identifie, c’est le sens de l’injustice qui l’interpelle, il réagit, il commente et prend position. Il a comme l’impression que son sort dépend de lui. N’arrête-t-on pas de nous répéter, à longueur de journée, lors des grands événements, « C’est au public de décider, en son âme et conscience, comme le juge le fait, en s’adressant au jury ? ». D’où , sans doute, la légendaire expression : « Le public a tranché ! ».
Les plus résolus iront jusqu’à exiger réparation, sous menace de descendre dans la rue, après avoir inondé de lettres de protestation les rédactions des quotidiens ou fait explosé le standard téléphonique des stations de radio à grande audience.
Les hommes politiques tombés en disgrâce, et lâchés des leurs, savent que le public le plus apprivoisé peut se transformer en bête féroce et devenir aussi cruel que le plus méchant des bourreaux. Quand un brin d’injustice fait défaut au candidat et qu’aucune histoire sordide ne lui est associée, cela peut le desservir. Pire lorsque l’aficionado a l’impression de ne pas avoir assez contribué à son lancement. Dans ce cas, si mon conseiller aux sondages a concocté quelque chose à ce sujet, je n’y verrai pas d’inconvénients. La faim justifie les moyens.
Ce que je ferai.
« Il a tout l’air d’un électron libre, où sont ses alliés ? Qui sont ses sponsors ? Ses mentors ? Et pourquoi donc voter pour lui ? » « Au fait, pour qui roule-t-il ? »,. Questions pertinentes et légitimes, le candidat le reconnaît.
La réponse est simple : je ne roule pas, je marche, car, piéton dans l’âme et de longue durée, je suis un habitué des voix de la cité. Mes arguments sont les suivants : je prends tous les matins, au bar, mon capuccino avec un cornetto à la crème. Je me fais découper un morceau de pizza marguerita aux environ d’11 heures. En été, quand il fait chaud, je vais faire trempette à la plage d’Ostie, la baignoire nationale des romains. En hiver, je pratique le ski de fond sur les montagnes d’Ovindoli, dans les Abruzzes. Je vais au cinéma, le mercredi, car c’est jour de réduction. J’ai une écharpe jaune et rouge de l’A S Rome que je ne trahirai jamais. Je joue au calcio tous les dimanche matin et, le samedi soir, on se rencontre à la trattoria De l’Angolo pour faire la fête, entre couples d’amis. Toujours les mêmes.
Et, si nécessaire, faute d’être italien, je deviendrai Romain à Rome, sans attendre que le ciel me tombe sur la tête. Je mangerai des tripes au Parmesan, des gnocchi le jeudi à midi, des fèves au mois de mai, des grains de lupins, j’avalerai des couleuvres, je serai plus superficiel, éclectique, baroque et meilleur comédien. Je parlerai plus fort que ceux qui m’entourent. Chambreur, je le suis déjà. J’apprendrai à bluffer et à rouler les autres dans la farine aussi facilement que mes électeurs le souhaitent.
Je ferai tout pour la paix quitte à aller faire la guerre à des gens qui habitent au bout du monde, que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam.
Et, face aux questions difficiles des plateaux de télévision, j’exposerai à l’écran, avec des schémas à l’appui, toutes sortes de preuves qui justifient mon obligation morale d’ingérence humanitaire. Mais, si j’ai en face de moi un journaliste qui veut en savoir trop ou qui doute du bien-fondé des arguments, je resterai calme et serein en invoquant aussitôt le secret défense. Ou la lutte contre le terrorisme.
Jusqu’à ce jour, j’ai été un homme tout court. Erreur ! Ça ne suffit pas. J’avoue que je n’ai rien fait d’autre que de la philosophie politique. Alors que c’est le monde réel qui compte, pas seulement son interprétation. J’ai envie de me frotter aux adversaires (féminines, bien entendu), briller dans les débats télévisés, être reconnu par mes pairs - et mes impairs, en vacances à Quimper. Et, avec le temps et l’expérience, être apprécié par les grands ténors de ce monde comme Mandela, ou ceux en passe de le devenir, du style Sarkozy. « Je serai opportuniste et je retournerai ma veste toujours du bon côté » (Jacques Dutronc). Ça, je vous le promets.
Je serai homme politique ou rien. J’apprendrai par cœur les œuvres de Machiavel, de Montaigne, et d’Ibn Batouta. Je dirai des gros mots en romanaccio, dialecte romain, je lancerai des citations en latins, je ferai des salamaleks en arabe, quelques erreurs d’anglais et des réflexions en français. Car, il m’est difficile, hélas, d’habiter un autre lieu que mon pays, le français.
Aux soirées mondaines, auxquelles mon conseiller aux soirées aura prévu ma présence, car utile à mon image de marque, j’empoignerai une guitare et je chanterai des chansons kabyles, si la jolie femme qui m’observe, en silence, me le demande des yeux.
Je ferai tout, mais alors tout ce qui est en mon pouvoir, pour arracher les voix qui mènent à Rome. Je n’attends de vous qu’une seule chose, car vous n’avez qu’une seule voie. Une forme de réparation, en guise d’humble dédommagement, pour tant d’années passées à s’ignorer mutuellement, vous, e-lecteurs et moi, candidat. Comme ça, sans raison, alors que tout prédestinait notre rencontre. Si hier c’était trop tôt, aujourd’hui le moment est venu de descendre dans l’arène. D’ailleurs, le Colisée est à peine à une station de métro.
Et, puisqu’à tout homme revient le devoir de trouver sa place dans ce monde, la mienne est dans la politique et nulle part ailleurs. Faire de la politique, par ailleurs, signifie s’occuper des affaires de la polis. La cité, en grec, pas les poulets !
Alors, sans faire durer plus longtemps le suspens, c’est avec émotion que je vous révèle mon rêve : celui d’être élu Maire de la rive gauche de l’Aventino.
A Rome.
* Ecrivain né à Paris et établi à Rome.
Auteur de « Cocktail story », Editions Le Manuscrit, Paris 2003
et de « La mémoire de l’anchois », à paraître cette année.
Messages
1. > Le candidat, 7 août 2006, 17:00
Bonjour amis la rédaction,
Merci d’avoir publié une aussi belle nouvelle. sensible et perspicace.
Merci Nasser,
vous avez tout compris.
Katerina, d’Athènes.
Nous sommes pressés de lire "la mémoire de l’anchois"’.
1. > Le candidat, 17 octobre 2006, 09:47
Bonjour chers amis
Alors, je vous annonce que "LA MEMOIRE DE L’ANCHOIS " (Editions Castelli) sort le 16 novembre à la librairie francaise de Rome, La Procure.
Nasser
2. > Le candidat, 17 octobre 2006, 09:51
CHER NASSER
COMMENT PEUT-ON ETRE AUSSI DROLE, INTELLIGENT ET SUBTILE A LA FOIS ?
On ainera sûrement " La mémoire de l’anchois".
Meryem,
Journaliste
3. Le candidat, 4 mai 2007, 16:08
Nasser,
On est heureux du sussès obtenu à Rome par "La mémoire de l’anchois"" , Félicitations !!!
Marianne