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Le chef de l’Etat cherche, à contrecœur, une solution de rechange à Jean-Pierre Raffarin

Publie le lundi 29 mars 2004 par Open-Publishing

Cette fois, Jacques Chirac est resté à Paris. C’est dans son bureau de l’Elysée, entouré de proches collaborateurs, que le chef de l’Etat a pris connaissance, dimanche 28 mars, de la cuisante défaite de la droite aux élections régionales et cantonales. Au soir du premier tour, prenant ses distances, il avait attendu les résultats en Corrèze, avec son épouse, Bernadette.

L’Elysée n’a pas livré de commentaire à chaud sur cette déroute. " Même s’il était pessimiste, Chirac ne voyait pas venir une raclée pareille", estimait, dimanche soir, un familier de la présidence, ajoutant : " Maintenant, il cherche." L’hypothèse du maintien de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, longtemps soutenue à l’Elysée, encore évoquée en début de soirée par François Baroin, vacillait sérieusement.

M. Chirac " déteste agir dans la précipitation et sous la pression", assure l’un de ses amis. Mais le chef de l’Etat ne peut que constater que la stratégie de l’entre-deux-tours, qui a consisté à laisser entendre que M. Raffarin devait continuer sa tâche, n’a fait qu’amplifier la défaite du 21 mars. Comment garder un premier ministre aussi fortement désavoué sans être accusé d’ignorer le vote des Français ? Comment maintenir un chef de gouvernement dont l’autorité est à ce point affaiblie auprès de ses ministres ?

Le président, que la gauche accuse d’avoir oublié, depuis deux ans, à qui il devait son exceptionnelle réélection en mai 2002, se trouve devant un choix difficile. Désavouer M. Raffarin, c’est se désavouer lui-même. C’est admettre qu’il s’est trompé en choisissant l’ancien président de la région Poitou-Charentes pour incarner la proximité et être l’homme qui serait capable d’expliquer les réformes à ses concitoyens.

QUI D’AUTRE QUE NICOLAS SARKOZY

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M. Chirac ne peut pas dire qu’il n’a pas été alerté. Les députés de l’UMP ont défilé à l’Elysée dès l’automne pour dire à quel point, vue du terrain, la politique du gouvernement apparaissait cacophonique. Il n’a pas échappé non plus au chef de l’Etat que le débat enflait, au sein de la majorité, entre des libéraux, jugeant que les réformes n’allaient pas assez loin, et les députés plus "sociaux", considérant que des signes négatifs étaient envoyés aux populations fragiles.

Exemple emblématique, la réforme de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), destinée aux chômeurs en fin de droits, dont la durée d’attribution doit diminuer à partir du mois de juillet. Au moment de la discussion au Parlement, M. Chirac s’était rendu à Valenciennes, avec le ministre délégué à la ville, Jean-Louis Borloo, reprenant son discours de 1995 sur la "fracture sociale". Interrogée par les journalistes sur cette contradiction flagrante, Claude Chirac, fort embarrassée, avait alors répondu : " Joker."

Certains députés avaient estimé à l’époque que le ministre des affaires sociales, François Fillon, réputé "gaulliste social", était à contre-emploi dans cette affaire, comme dans d’autres par la suite. " S’il avait bien fait le job, on n’en serait pas là, et c’est lui qui s’imposerait comme premier ministre", regrettait l’un d’entre eux.

Ainsi, M. Chirac se retrouve, en quelque sorte, dans la situation de 1997, lorsque tout le monde lui disait qu’il devait se séparer d’Alain Juppé. Il répondait invariablement : " Oui, mais qui ?" Qui d’autre que Nicolas Sarkozy ? " C’est le problème d’origine. S’il y avait eu une relation normale entre Chirac et Sarkozy, il n’y aurait pas eu Raffarin", estime un bon connaisseur de la Chiraquie. Avec un premier ministre qui aurait pris toute sa place, le président aurait pu se consacrer à ce qu’il préfère, les questions internationales, et se borner à donner de grandes orientations sur la politique intérieure. En confiance.

Mais ce mot n’existe pas entre lui et le ministre de l’intérieur. S’il préserve les apparences d’une entente au sommet de l’Etat, M. Chirac n’a oublié ni la trahison de 1995 au profit d’Edouard Balladur ni les attaques plus récentes. L’idée de passer d’une cohabitation de cinq ans avec Lionel Jospin à une autre avec M. Sarkozy lui faisait horreur en 2002. Elle ne lui plaît pas davantage aujourd’hui. Il devra peut-être s’y résoudre. " Il faudrait trouver quelqu’un qui n’aspire pas à être président de l’UMP ni président de la République", rêve un député chiraquien. Et qui soit capable de mener à bien la réforme de l’assurance-maladie, de franchir le cap des élections européennes et de calmer le climat social. Mais celui-là existe-t-il ?

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