Accueil > Le greenwashing de Pizzorno

Le greenwashing de Pizzorno

par Michel Varnier

Publie le jeudi 27 juin 2013 par Michel Varnier - Open-Publishing
1 commentaire

Le Groupe Pizzorno Environnement s’est vu attribuer de multiples récompenses pour son engagement en matière de RSE. Mais ces gestes de reconnaissance ne doivent pas faire oublier les scandales environnementaux à répétitions dans lesquels cette entreprise trempe encore aujourd’hui. Dans le département du Var, ils ne sont d’ailleurs plus un secret pour personne.

Inscrire son action dans la dynamique du développement durable est devenu un enjeu majeur pour les entreprises aujourd’hui. Faute d’y parvenir, certaines se contentent d’associer leur nom à cette dynamique avec plus ou moins de succès. Il en est une qui s’y efforce en tout cas : il s’agit du Groupe Pizzorno Environnement, dont la capacité à se médiatiser dépasse assurément son engagement environnemental réel. Petite leçon de greenwashing illustrée.

Quand Pizzorno récite son texte

En février 2009, le Groupe Pizzorno Environnement (GPE) faisait partie des premières entreprises à se voir décerner un Trophée RSE Var. Pizzorno a ainsi été nommée lauréate pour faire valoir « ses atouts sérieux […] au niveau régional » et récolter « les fruits de leurs engagements », rapportait alors Le Journal des Entreprises. Quelque semaine plus tard, l’entreprise remportait même le trophée régional RSE PACA. Dans le communiqué annonçant sa victoire, Francis Pizzorno, le dirigeant de l’entreprise déclarait : « notre ambition c’est de continuer, de créer des emplois, d’avoir des partenaires sur le plan social, que tout le monde soit heureux ».

Le patron de GPE se veut volontariste. Interrogé par le site Développement Durable.com, Francis Pizzorno explique son action. « Nous organisons des visites pour les écoles et les citoyens dans nos centres de valorisation afin de les sensibiliser à la réduction et au tri des déchets. Nous intégrons des critères de développement durable dans la sélection et l’évaluation de nos fournisseurs. Et évidemment, nous participons activement à la semaine du développement durable ». Ce volontarisme affiché ne date pas d’hier à en croire Francis Pizzorno : « nous avons toujours été engagés sur les principes du développement durable sans en poser le mode, donc dès notre création en 1974 », poursuit-il plus loin. Pizzorno se présente comme une entreprise verte par essence, et le credo fonctionne puisqu’il lui a même valu d’obtenir une Marianne d’or du développement durable en 2011.

Récompensée et primée, Pizzorno présente l’image d’une entreprise parfaitement responsable. Son patron n’hésite pas à se poser, aux côtés de sa société, en chantre du développement durable. Cycliste de surcroit, il va jusqu’à conseiller au public de « faire du vélo » afin de retrouver « un regard direct sur la nature, et sur les agressions qu’elle subit ». Mais n’en fait-il pas un peu trop ? Difficile de ne pas le penser quand on connaît les bévues environnementales à répétition commises par cette entreprise. À la manière de celui de l’acteur récitant un texte prétendument improvisé, le jeu de Groupe Pizzorno cache mal le peu de conviction de l’entreprise à l’égard de la « responsabilité sociétale » dont elle se réclame pourtant.

Une drôle de manière de pratiquer le développement durable

Car le moins que l’on puisse dire, c’est que tout n’est pas vert chez Pizzorno. Et dans l’absolu, l’entreprise semble pour résolument plus intéressée par le profit que par l’utilité sociale de son action. Pizzorno est par exemple l’exploitant de la décharge du Balançan située dans le Var. « Créé voilà 40 ans pour 29 communes, le site traite aujourd’hui les déchets ménagers de 122 communes varoises en plein cœur d’une réserve naturelle », rappelle Varmatin. Les maires de la région ont bien tenté de contester la gestion de Pizzorno qui augmente régulièrement les quantités de déchets accueillies sur ce site, mais leur protestation face à la surexploitation de cette zone naturelle protégée a été vaine jusqu’à aujourd’hui.

Pizzorno, c’est également l’entreprise qui, en avril 2013, a fait appel d’une condamnation prononcée plutôt par le tribunal correctionnel de Draguignan. L’entreprise avait en effet été mise en demeure de verser près d’un million d’euros d’amende pour avoir procédé au « déversement non autorisé à Bagnols-en-Forêt de 87 000 tonnes de mâchefers de l’usine d’incinération d’Antibes, ainsi que de boues de stations d’épurations ». Ces déchets toxiques ont en effet été stockés illégalement et dans le plus grand secret pendant une dizaine d’années dans la décharge de Bagnols, censée n’accueillir que des déchets inertes. La commune a porté plainte pour la pollution occasionnée et a finalement obtenu un jugement favorable que Pizzorno s’efforce aujourd’hui de casser.

Mais il n’y a pas qu’en France que l’entreprise s’est fait remarquer pour sa propension à jouer des coudes sans faire grand cas de son environnement. La société aurait été également directement impliquée dans une affaire de trafic d’influence en Tunisie, avant que ne soit renversé le gouvernement de Ben Ali. Comme l’explique Nice Matin, la Commission tunisienne d’investigation sur la corruption et la malversation rendait public un rapport de 500 pages répertoriant les cas « les plus flagrants et avérés » de « délinquance d’État » du temps de Ben Ali. Suite à la publication de ce rapport, la commission a notamment déposé une plainte à Tunis, afin de contester « les conditions d’attribution du marché de la gestion des déchets » dans cette ville. Sont ainsi convoqués au tribunal la société Pizzorno et son actionnaire et proche collaborateur François Léotard, ancien ministre de la Défense, qui « a usé de son autorité et ses relations personnelles avec les responsables tunisiens pour influencer le cours du marché, le conclure en faveur de Pizzorno/Sovatram et donc s’octroyer un avantage injustifié » selon la commission tunisienne.

Sites pollués et surchargés, stockage de matériaux dangereux dans des centres inadaptés, activités illégales soigneusement dissimulées : comme le rappelle Francis Pizzorno dans l’interview citée plus haut, « le traitement demeure [le] “cœur de métier” » de l’entreprise, et quelle façon de le pratiquer ! Un rapide tour d’horizon des dossiers dans lequel le groupe s’est impliqué permet de conclure au greenwashing. La politique du « faite ce que je dis, pas ce que je que je fais » à la vie dure en matière environnementale, mais fort heureusement il n’a jamais été aussi facile de démasquer ce genre d’attitude qu’à l’heure d’internet. Que la vindicte ne fasse donc pas perdre de temps aux authentiques défenseurs de la cause durable : la chasse au greenwashing est loin d’être terminée.