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Mercredi 27 février 2013
Que dire, qu’écrire ?
Je suis un chômeur/travailleur précaire de 56 ans et je suis dans cette situation depuis une bonne dizaine d’années. Avec la distance que me donne mon âge qui est maintenant plus proche de la retraite que du début de ma vie professionnelle je peux affirmer que je n’ai rarement aimé le monde du travail. Je n’ai pas aimé les contraintes, les consignes contradictoires, la pression du "paraître" (= faire semblant). Celui qui se montre comme il est, qui dit ce qu’il pense, qui ne fait pas comme tout le monde est vite mis à l’écart.
Dans mon début de mon parcours professionnel je me suis trouvé dans le monde des cadres, des jeunes et moins jeunes cadres "dynamiques" qui étaient obligés de se montrer enthousiastes dans leur travail. Il ne fallait pas compter ses heures, or moi je les comptais car j’avais d’autres envies et d’autres intérêts en dehors de mon boulot. Le travail était un passage obligé pour vivre, or j’étais content quand je pouvais rentrer chez moi et penser à autre chose plus agréable. Je pouvais faire de belles activités qui me plaisaient dix fois plus que le travail. Parfois j’ai parlé dans mon entourage de travail à temps partiel. Travailler deux jours et demi au lieu de cinq avec un salaire de cadre m’aurait bien plu, or quelques collègues bienveillants m’ont pris de côté pour me dire de ne jamais parler de ça au travail, avec aucun collègue et aucun supérieur car je serais perçu comme quelqu’un qui ne serait pas motivé, qui ne serait pas derrière son travail à 100 pour cent.
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Jeudi 9 mai 2013
Quand il se raconte, le réel est une fiction comme une autre.
Quand l’avenir appartient aux patrons dont les ouvriers se lèvent tôt.
Quand l’usine où tu viens d’être embauché fait des contrats hebdomadaires, soit alors jusqu’à 18 mois 72 contrats d’une page format 21 x 29,7 cm comprenant durée du contrat, personne que tu remplaces et convention collective auquel tu es rattaché. Mais bon, tu ne vas pas y passer ta vie.
Quand un collègue, te voyant passer avec un transpalette te clame « Alors, t’es dans les transports ? »
Quand tu dis que tu es ouvrier et que les gens te disent « Ah ! »
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Jeudi 9 mai 2013
De la liberté d’échouer
Depuis petite j’ai toujours su ce que je voulais faire et je faisais tout pour réussir. J’ai fait des études, j’ai deux masters, j’ai fait des stages dans des entreprises prestigieuses. J’ai pu avoir la sécurité de la part de mes parents, de pouvoir accepter des stages non-rémunérés, nombreux, beaucoup trop nombreux, et surtout de pouvoir me consacrer à mes études sans penser à comment remplir le frigo. Oui, j’ai été extrêmement bien lotie par rapport à la plupart des étudiants. En échange, on attendait de moi le meilleur. Que je réussisse mes examens, que je sois parmi les premières. Je n’ai pas pu faire une terminale L, parce qu’en province, c’est pour les ratés et je devais donc aller en S. J’ai accepté.
Et puis voilà, fin des études. Je souhaite faire de la recherche, mais ce n’est pas ce qui est attendu de moi, et puis après 7 ans sur les bancs de la fac, on attend autre chose. Que j’entre dans la vie active. J’y vais, j’essaye, je cherche différents boulots. Les premiers mois, je travaille pour trois entreprises différentes, à la journée. Je dois être toujours prête au cas-où on m’appelle. Puis je trouve un autre travail en CDI, payé 1500 euros net par mois. La cadence à l’air terrible, mais c’est une boite jeune avec possibilité d’évoluer. J’accepte, je déménage à la suite de la signature de ma promesse d’embauche. Je travaille de 8h30 à 20 heures tous les soirs, sans pause, mais ce n’est pas grave, j’avais été prévenue. Et puis viens le moment de la signature du contrat. Où le salaire indiqué est de 1500 euros brut. Malaise. Puis discussion (hurlements) avec le patron. Au bout d’une demi-heure, il me dit : « tu signes ou tu pars ». Je le regarde, je prends mes affaires. Je pars. Il me rattrape, modifie le contrat, se fait mielleux : « nous nous sommes mal compris » me dit-il. Très bien. Je reste alors. Et je signe.
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