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« Le syndicalisme est par essence réformiste » P. Martinez

par arnold

Publie le lundi 21 septembre 2015 par arnold - Open-Publishing
8 commentaires

Élu il y a huit mois à la tête de la CGT après la démission de Thierry Lepaon, Philippe Martinez définit la stratégie de sa centrale. Il refuse, pour l’heure, de dire s’il va participer à la conférence sociale du 19 octobre. La CGT tiendra son prochain congrès à Marseille en avril 2016.

Vous avez été élu à la tête de la CGT à la suite d’une crise qui a conduit à la démission de son secrétaire général. La CGT est-elle sortie de cette crise ?

La CGT est sortie de la crise. On reparle plus de nos orientations et de nos activités que de nos affaires internes, même s’il y a encore quelques soubresauts. Involontairement, et à tous les niveaux, on avait un peu lâché la réflexion sur notre conception du syndicalisme.
Dès février, on a repris cette démarche visant à rééquilibrer nos tâches institutionnelles et le lien avec les salariés.

La CGT aurait perdu, en 2014, entre 50 000 et 75 000 adhérents…

C’est faux. Il y a eu un retard dans le paiement des cotisations entre la fin 2014 et le premier trimestre 2015. Aujourd’hui, on a complètement rattrapé le retard et on est même en légère progression. Par rapport à la fin août 2014, on a 2 618 adhérents de plus. Le nombre exact d’adhérents sera connu en fin d’année.

La CGT a subi une série de revers électoraux dans de grandes entreprises publiques. Cela vous inquiète ?

Oui. Il y a des raisons qui sont dues à la crise mais on a aussi une part de responsabilité. Il faut qu’on soit plus attentif à la diversité du salariat dans les entreprises et à la situation des jeunes. Dire à un jeune qui a été au chômage pendant quatre ans et qui décroche un contrat où il va gagner 900 euros que c’est pas assez, que son boulot est pourri, alors qu’il n’a jamais gagné autant, ce n’est pas la bonne attitude. On peut l’encourager à venir avec nous et, une fois entré dans l’entreprise, on milite ensemble pour améliorer sa situation. Il faut passer d’une CGT « donneuse de leçons » à une CGT un peu plus humble, qui écoute plus.

Vous inscrivez-vous dans la mutation de la CGT, engagée par Louis Viannet et poursuivie par Bernard Thibault, qui conduisait à une certaine adaptation de votre syndicalisme ?

Ce n’est pas la lecture que j’en ai. Cette démarche a réaffirmé l’indépendance par rapport aux partis politiques. Ce serait une bêtise de revenir en arrière. Il faut la réaffirmer haut et fort. Il faut réfléchir sur le syndicalisme rassemblé lancé par Louis Viannet en 1995. Le besoin d’unité syndicale demeure, mais il ne faut pas faire semblant d’être d’accord quand on ne l’est pas. Notre priorité, c’est le lien avec les salariés. Il n’y a donc pas de rupture. On s’inscrit dans la continuité mais en prenant en compte la situation actuelle.

Vous estimez que vous passez « trop de temps dans les bureaux des ministres et des patrons », cela signifie-t-il que vous allez être hors du jeu institutionnel ?

Non, c’est une question de rééquilibrage. Il faut du dialogue. La négociation, c’est une des finalités du syndicalisme qui, par essence, négocie. Mais, depuis quelques années, il peut se passer huit mois entre le début et la fin d’une négociation, parce qu’on multiplie les groupes de travail préparatoires et les bilatérales. On passe notre vie sur un sujet qui ne mérite pas autant de temps. Je connais des militants et des dirigeants qui passent quatre jours par semaine avec leur patron mais quand est-ce qu’ils vont voir les salariés ?

Est-ce du temps perdu de rencontrer le président de la République, le premier ministre ou le président du Medef ?

Ce n’est pas du tout inutile. Il ne faut pas les voir pour discuter entre gens de bonne compagnie mais pour leur remettre les pieds sur terre et leur parler de la vraie vie. Je veux bien aller visiter une entreprise avec le président de la République ou un ministre.

Vous avez rencontré Pierre Gattaz ?

Je dois le rencontrer cette semaine. C’est normal de voir le patronat, ce n’est pas du temps perdu. Ce qui est inutile, c’est de passer sa vie avec les patrons et de décider du sort des salariés sans que les salariés s’en mêlent.

Le rapport Combrexelle donne la priorité aux accords d’entreprise, qui devront être majoritaires. Or la CGT signe 85 % de ces accords. Avez-vous peur de la négociation d’entreprise ?

On n’est pas contre la négociation d’entreprise, mais il ne faut pas inscrire dans la loi une dérogation généralisée au code du travail. Ce n’est pas la peine de diminuer le volume du code s’il est fait pour décorer une vitrine. Le code du travail, c’est la loi et elle doit être la même pour tous les salariés. Le respect de la hiérarchie des normes est indispensable. Après, dans les branches puis dans les entreprises, il faut des négociations parce qu’il y a besoin d’adapter. L’organisation du travail n’est pas la même dans un service public et dans une entreprise.

Tout est-il à rejeter dans ce rapport ?

On ne rejette pas tout. Les accords majoritaires, on est pour. Mais on ne veut pas de négociations où le patronat fait du chantage en disant ou vous acceptez ce qu’on propose, ou on ferme et on délocalise.

Vous récusez la ligne de partage entre syndicats réformistes et contestataires ?

Je préfère dire qu’on n’a pas la même conception du syndicalisme. Il y a des syndicats qui considèrent que le rapport de forces n’est plus d’actualité. Ils sont plus dans la délégation de pouvoir que dans le lien avec les salariés. C’est leur droit. Nous, on ne veut pas qu’on nous impose du dehors notre conception du syndicalisme.
Nous sommes pour des réformes – les 32 heures, c’en est une – à condition qu’elles ne signifient pas un recul des acquis sociaux. Le syndicalisme, par essence, est réformiste. Mais gouvernement et patronat ont dévoyé le mot réforme.

Vous organisez une nouvelle journée d’action le 8 octobre. Mais les précédentes journées ont eu peu d’écho.

La précédente journée du 9 avril était plutôt réussie. Il y a beaucoup de luttes dans les entreprises, souvent gagnantes. Au plan national, un des rôles de la confédération est d’essayer de coordonner ces luttes. On a besoin de plus de batailles « idéologiques » parce que la crise pèse sur les revendications. Tout le monde est d’accord pour dire que ça ne va pas, mais tout le monde n’est pas d’accord sur le comment faire autrement. Il est important que la CGT appelle plus souvent à des mouvements pour peser dans le débat.

Mais à l’arrivée le gouvernement ne bouge pas…

La politique du renoncement ne date pas d’aujourd’hui. Le gouvernement a choisi son camp. Par rapport aux promesses du candidat Hollande, il y a un décalage qui pèse forcément dans les mobilisations. Ce n’est pas parce qu’on est à contre-courant qu’on a tort.

Entre Hollande et Sarkozy, il n’y a pas de différence ?

Sur les questions économiques, il n’y a pas beaucoup de différence. Sur le rapport Combrexelle, les éloges sont venus du parti des Républicains.

Que pensez-vous de la déclaration d’Emmanuel Macron mettant en cause le statut des fonctionnaires ?

Ces propos sont déplacés et contribuent à la campagne de dénigrement des fonctionnaires et du service public. Ils consistent à opposer les salariés entre eux pour éviter de parler des vraies raisons de la crise.

propos recueillis par Michel Noblecourt

L’article p.8 Le Monde du 22 09 2015 : http://dl.free.fr/hv7H6dyh9

Messages

  • Alors, Martinez, quand tu vas te pointer au mur des Fédérés du cimetière du Père Lachaise au printemps, c’est pour la posture et les photos ? T’as ton selfie ?
    Un petit côté versaillais, Martinez ?
    Ou bien tu ignores que ce n’étaient pas des "réformistes" que les versaillais ont assassiné ?

  • Le syndicalisme est par essence (?) réformiste dans le sens où la révolution est une question de pouvoir politique, de destruction de l’état et de toute la superstructure conservatrice de l’ordre établi.
    Mais ce que défend Martinez ce n’est pas le réformisme c’est un syndicalisme de collaboration de classe, de négociation par principe, de trahison.
    On ne peut obtenir des réformes réelles et des améliorations des conditions de travail réelles que par un syndicalisme de lutte de classe, c’est à dire un syndicalisme qui emploi des méthodes de lutte qui passent par l’établissement d’un réel rapport de force n’excluant pas l’illégalité et la violence.
    Et tendant dans la mesure du possible à l’élargissement des luttes.
    Mais les bureaucrates préfèrent défendre l’organisation qui leur assure un mode de vie non négligeable et continuer à s’interroger depuis plus de 30 ans sur la manière d’intégrer les jeunes prolétaires dans leur minables enjeux de pouvoir.

  • Les mots "réforme" , "réformisme" et "réformistes" sont source de beaucoup de confusions.
    Vers mai 68, le mouvement ouvrier réclamait des réformes. Maintenant, c’est la droite qui en réclame dans le sens opposé.
    Le réformisme est une stratégie politique visant à rompre progressivement avec le capitalisme pour aller vers le socialisme en investissant l’état bourgeois pour le transformer . Cette stratégie a toujours été mise en échec, mais il y a d’autres définitions du réformisme.
    Des commentateurs qualifient des organisations syndicales comme la CFDT ou la CFTC ou la CFE-CGC de réformistes. Est-ce que pour autant la direction de la CGT ne serait pas réformiste et adopterait un syndicalisme de lutte de classes ?
    Il faut savoir que les révolutionnaires se battent pour des réformes. Les vraies questions sont donc quelle réforme ? ou quel programme (ensemble de réformes) ?

    • Il faut passer d’une CGT « donneuse de leçons » à une CGT un peu plus humble, qui écoute plus.

      Plus humble que ça , tu meurs

      Je veux bien aller visiter une entreprise avec le président de la République ou un ministre.

      Commencez a la direction par vous deplacer dans les entreprises quand les travailleurs y sont en lutte

    • Tu devrais pour lire l’ITW de Martinez retirer tes lunettes déformantes .... Ni sortir une phrase (2 en l’occurrence) de leur contexte ...

      Alors tu trouveras dans cet entretien de Martinez la réponse a ta question ,

      Le retour a l’essentiel c’est a dire
      les BOITES .....

      Et la
      PRIORITÉ a donner a notre lien avec les salariés et ce a tout les niveaux de la CGT...

    • Il faudrait plutôt appeler les prétendues réformes : des contre-réformes. Puisqu’elles tendent à revenir sur les acquis et précariser le salariat.
      Depuis 30 ans les contre-réformes sont le fait du patronat dans le but de flexibiliser et de précariser le salariat et de le mettre en concurrence ce qui, entre parenthèse, a entrainé une complexification toujours plus grande du code du travail. Selon le *** Badinter, il est passé de 800 articles en 1974 à 8000 aujourd’hui.
      Les patrons le trouvent aujourd’hui trop compliqué ! En vérité Ils l’ont compliqués et rendus obscur en multipliant les dérogations, les petits arrangements, les clauses, les mini reformes etc. toujours dans le sens de leurs intérêts.
      La grande simplification qu’ils réclament aujourd’hui ne sera pas un retour à l’époque ou la classe ouvrière était forte et avait su imposer des limites à l’exploitation. Au contraire il s’agit de créer un code du travail légalisant la toute puissance du Medef.

      Seul un syndicalisme de lutte de classe peut faire échec aux agressions permanentes du patronat contre les travailleurs.

    • Je fait pas la meme analyse que toi, probablement que nous avons pas les même lunettes.

      Je retrouve pas dans cette ITW les réponses en gras que tu sites.

      Je ne voie pas la réprobation de la ligne Viannet / Thibault qui nos a conduit ou `
      nous sommes ( dans la merde ).

      Rien sur la CES .

      Bref le changement dans la continuité si le congres ne fait pas avancer les choses.

    • PRIORITÉ a donner a notre lien avec les salariés et ce a tout les niveaux de la CGT.

      . Exact
      tiens THIBAULT, qui était à "un certain niveau" de la CGT il a ,en lien " avec la CGT et la direction de l’eXCISL devenue C.S.I, trouvé un job en 2014

      Bernard Thibault, dont la candidature découlait d’un accord signé entre les affiliés français de la Confédération Syndicale Internationale a été élu membre du groupe des travailleurs au sein du CA pour un mandat de 3 ans

      3 ans certes c’est qu’un CDD ..
       :)
      "De quoi attendre sans s’en faire
      Que l’heure de la retraite sonne"

      chante FERRAT (la MONTAGNE)

      La luttecontre le chomâgge c’est la priorité, merde !

      Tiens LE PAON..
      EMBAUCHE , recasé au CESE

      3.787 euros par mois,

      Comme il avait pris 3000O euros de"licenciement CGT (REgion NORMANDIE vers CONFEDERATION) ça prouve bien que, à tous les niveaux, à la Cégèt on soutient les..travailleurs ..venus de l’"usine Montreuil"

      Et le DUIGOU Jean-Christophe , en charge des retraites et des questions économiques jusqu’en 2008...homme de"dialogue" très estimé en "hauts lieux"

      Il est reparti, le pauvre," travailler" aux IMPOTS

      OUI comme conservateur des hypothèques à Corbeil, avec un salaire de 9.000 euros par mois, et la retraite conséquente qui va avec.

      …Je pourrais vous en citer cinquante, de ces"dirigeants" si jamais mon commentaire énerve

      50 de ces types qui ont accompagné la liquidation du courant révolutionnaire dans notre CGt, qui bouffent aux rateliers européens (C.E.S) ou dans les mangeires du MEDEF..

      Je connais des cas à faire gerber !!

      Alors svp..calmos, le S.O de MONTREUIL

      A.C

      ex militant CGT BNPparibas