Les grandes oreilles de l’Oncle Sam

Espionnage François Hollande exhorte les États-Unis à stopper toute surveillance. Les Européens entre naïveté et colère

Même José Manuel Barroso, qui brigue le secrétariat général de l’Onu ou de l’Otan (et qui a vraiment besoin de faire ami-ami avec les Américains) fait semblant de s’émouvoir. Le président de la Commission européenne a demandé un contrôle de la sécurité des bâtiments de la Commission à Bruxelles. C’est bien le moins : les révélations du magazine allemand Spiegel sur l’espionnage des institutions européennes par les États-Unis ont provoqué une colère qu’il faut bien prendre en compte. De François Hollande à l’entourage d’Angela Merkel, les mots sont durs contre ces « alliés » qui trahissent la confiance qui devrait être de rigueur entre le vieux et le nouveau monde. Le président français a sommé les États-Unis de mettre fin « immédiatement » à leur malsaine curiosité concernant ce qui se passe de ce côté de l’Atlantique.
Les grandes oreilles de l’Oncle Sam

À vrai dire, les Américains n’arrêteront rien du tout et les Européens découvrent (ou font mine de découvrir) un monde que les décideurs économiques et les spécialistes de la Défense connaissent bien : la lutte pour la suprématie mondiale ne connaît pas d’états d’âme et le renseignement — de tous ordres — est primordial. Les « grandes oreilles » américaines dépassent du bonnet de l’Oncle Sam depuis les révélations sur l’existence du réseau Échelon à la fin des années 90. La Guerre froide, déjà, était terminée.

En 2003, des installations d’écoute avaient été découvertes dans le bâtiment du conseil européen à Bruxelles, où les bureaux français et allemands — entre autres — avaient été piégés. L’enquête belge n’avait rien donné.
Naïveté

Les Américains ne sont pas les seuls susceptibles d’avoir placé ces oreilles électroniques. Les Chinois, les Israéliens, les Suisses et bien des États membres de l’UE, dont le Royaume-Uni et la France, savent écouter leurs adversaires… et leurs partenaires. Il est d’autant plus étrange que l’Union européenne ait fait tester son système de cryptage… par la NSA américaine (1). Celle-là même qui est aujourd’hui prise la main dans le sac ! Naïveté ? C’est comme si vous demandiez à un cambrioleur de percer le système d’alarme de votre maison ! Espérons que Barroso ne va pas confier l’inspection des immeubles européens à la CIA ou au FSB russe…

Dans l’espionnage, tout est permis, sauf… se faire prendre. L’affaire Snowden-Spiegel ne peut plus être réglée discrètement comme il est de règle dans ce monde d’initiés. Elle pourrait rendre beaucoup plus difficiles les discussions commerciales transatlantiques qui s’engagent, voire les faire capoter. Tout le monde ne s’en plaindra peut-être pas : la France n’aurait plus à défendre pied à pied son exception culturelle et agricole.

http://www.leprogres.fr/politique/2013/07/01/les-europeens-entre-naivete-et-colere