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Les oubliés de la révolution tranquille : L’autre côté de la médaille
Publie le vendredi 13 décembre 2013 par Open-PublishingOn dit que c’est à la Révolution tranquille de 1960 que la promotion du Québec et des "Canadiens-Français" d’alors a commencé.
La vérité, c’est que ce fut non pas la promotion de tous les Québécois, mais la promotion d’une élite québécoise, en particulier d’une élite d’affaires.
Désormais, les Québécois étaient plus instruits et pouvaient être patrons.
Rarement, on parle des dégâts qu’a aussi causé cette nouvelle époque au Québec. Car, cette révolution est en premier lieu une révolution bourgeoise où il s’est créée une nouvelle élite bourgeoise au Québec qui a remplacé les anciennes élites d’antan où l’on retrouvait surtout les médecins, notaires, avocats et curés.
La nouvelle élite est clairement d’affaires, constituée bien souvent du patronat et des chambres de commerce.
Cela explique peut-être le tournant utilitaire qu’a pris le Québec depuis 1960.
J’ai déjà expliqué que le Système consistait en une sélection naturelle des plus aptes à répondre aux besoins du Marché.
Ce n’est pas pour rien qu’au début des années 1990, les auteurs Guy Paiment et Julien Harvey parlaient d’un "Québec cassé en deux".
Dans ce Québec cassé en deux, monsieur Paiement faisait la remarque que c’était dans les classes socio-économiques les plus défavorisées qu’il y avait le plus de solitude et le moins d’enfants.
Monsieur Paiement parlera aussi de la différence notable qui existe entre les différentes régions du Québec par rapport au niveau de vie :
"Pour une des premières fois, monsieur Paiement va parler de ce qu’il nomme le « pays réel », c’est à dire les personnes concrètes et le territoire dans lequel elles s’enracinent, par opposition aux représentations et aux constructions théoriques que s’en fait le gouvernement (politiciens et fonctionnaires) à travers les sondages et le fractionnement fonctionnaliste des individus (qui deviendra chez Guy un thème récurrent).
Il va d’abord présenter l’Abitibi comme miroir des régions en voie de désintégration ou de fermeture, en posant la question centrale : voulons-nous vraiment habiter notre territoire québécois ? Cette notion de « territoire », tout comme celle des ré - gions, vont revenir sans cesse sous la plume de Guy, comme unité à la fois plus large et plus locale dans laquelle il faut repenser le pays, et comme appel à dépasser les intérêts immédiats et indi - viduels pour privilégier l’aspect collectif. Il montre ensuite comment « la dynamique sociale a disparu »."
http://www.cjf.qc.ca/upload/cjf_autres/8_1_Brochure_Hommage_GuyPaiement.pdf
Ne s’agit-il pas de la nouvelle société québécoise du chacun pour soi et du "au plus fort la poche" ?
Mais notons que le phénomène est mondial. Un récent article du journaliste français Philippe Grasset parle de la situation en Europe, qu’il compare d’ailleurs à celle aux États-Unis, et qui souligne l’aspect "sélection naturelle" du Système, prolongement attendu à un certain point dans une société basée sur l’utilitarisme :
"La situation à laquelle nous nous référons rappelle celle de certains milieux dirigeants US liés, directement ou indirectement, au corporate power, durant les premières années de Grande Dépression. C’était notamment la position du secrétaire d’État au Trésor Mellon, une des plus grosses fortunes US à l’époque, qui s’opposait en 1931 à certaines tendances et mesures du président Hoover pour venir en aide aux chômeurs et aux “hyper-pauvres” engendrés par la crise. On le rappelait dans un texte du 6 mai 2013 :
« Par ailleurs, il importe de constater qu’existe effectivement un état d’esprit conduisant à envisager des logiques d’élimination (d’extermination ?) de la population, sous la forme de l’argument énoncé techniquement de “forces du travail” devenues inutiles (d’ailleurs inutiles par l’action même du corporate power). On retrouve dans son fondement du capitalisme prédateur et darwiniste l’état d’esprit de la grande Dépression, avant l’arrivée de Roosevelt, lorsque le secrétaire au trésor Mellon (l’une des plus grosses fortunes des USA à cette époque) déconseillait au président Hoover, en 1931, de venir en aide aux chômeurs, estimant que le chômage allait permettre l’élimination des individus inaptes au travail, incompétents, dépourvus de “conscience laborieuse” (c’était l’expression favorite de Mellon). Ce darwinisme social prend aujourd’hui des allures de folie engendrant la situation extrême qu’on connaît, dans tous les cas telle qu’elle est exposée par le système de la communication, et contenant évidemment une dimension d’autodestruction qui n’était pas perceptible durant la Grande Dépression. »
http://www.dedefensa.org/article-ue_la_tendance_g_nocidaire_en_action_10_12_2013.html
Il ne fait aucun doute à partir de ces constats que notre façon de construire le Québec est à revoir.
Le syndicaliste Michel Chartrand, qui avait vécu les bouleversements de la Révolution tranquille avec son côté utilitaire, se rendait compte que cette idéologie défaisait les liens sociaux et nationaux et créait de l’exclusion.
Voilà pourquoi il mettait l’accent sur la citoyenneté plutôt que sur l’utilité des Québécois. Et c’est pourquoi il militait en faveur d’un revenu de citoyenneté universel afin que tous se sentent citoyens du pays et puissent vivre décemment et heureux.