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Lettre Ouverte aux Concitoyens de Strasbourg à la veille des prochaines élections régionales...

Publie le dimanche 15 février 2004 par Open-Publishing

Lettre ouverte aux Citoyens Strasbourgeois à la veille des prochaines élections régionales

Chers concitoyens,

Comme nous, vous êtes happés par la publication régulière des chiffres de la violence.

Votre réflexe est devenu d’en appeler à la responsabilité de nos élus et à l’attente d’une plus grande « fermeté » pouvant se traduire par la mise en place d’un réseau dense de caméras de surveillance à Strasbourg ou les encouragements du ministre de l’intérieur à multiplier par 2 les gardes à vue ou les reconduites à la frontière.

Mais pour cibler cette stratégie « sécuritaire », il faudrait, au delà des effets d’annonce les plus spectaculaires, déterminer les causes précises des incivilités et ne pas se tromper dans leur hiérarchie.

Il faudrait admettre que les interdictions n’empêcheront pas la misère et les injustices de continuer à proliférer.

Non, il ne s’agit pas de faire preuve de laxisme face aux « incivilités » dans les transports en commun ou dans les établissements scolaires (redéfinissons obstinément « le commun »et cultivons-le dans le quotidien) , mais de rappeler qu’avec les sanctions nécessaires (comme un parent responsable et bienveillant punirait ses propres enfants en mal de repères mais comme il ne manquerait pas, non plus, de s’interroger sur ses propres carences pédagogiques) il s’agit inlassablement de préciser que « la sécurité » de vie ne se définit de loin pas qu’en termes physiques (quelles malchances ai-je de me faire agresser ou de voir ma voiture brûler, aujourd’hui ?) mais aussi, et surtout, en termes de risques d’instabilité de vie salariale (avec ce paradoxe d’une violence inouïe, mais dorénavant admis, que plus une entreprise est prospère, plus elle se doit de licencier), sociale (il faut accorder le droit de vote aux résidents d’origine étrangère, non communautaire, pour que leurs enfants se sentent admis dans la Cité. Comment réagiraient vos propres enfants si vous étiez exclus, de fait, des débats démocratiques et stigmatisés comme « non-citoyen » de 2ème zone ?), médicale(les chômeurs et ceux qui ne disposent pas d’une assurance complémentaire vont moins souvent chez le médecin, l’ AME nouvelle mouture interdit quasiment tout soins courants) , éducative, culturelle, politique ou spirituelle.

Il s’agit aussi de rappeler que les responsables et les victimes des « petites » incivilités qui font le fond de commerce de tous les démagogues (plus personne ne semble pouvoir y échapper !) n’ appartiennent pas aux classes favorisées.

Et si nous nous étions trompés sur le diagnostic ?

Et si les « incivilités » et les « banlieues » n’étaient pas la partie malade de la société mais son malade désigné ? (

Et si le malaise des banlieues n’était que le révélateur des sentiments d’impuissance qui minent « le vivre ensemble «  ?

Ne sommes-nous pas tous co-responsables de la genèse d’une bonne partie de cette détérioration du « climat social » par notre acceptation muette de la détérioration de la protection sociale et de la retraite, de la dérégulation du salariat, de la baisse de la syndicalisation(qui constituent des acquis extraordinaires obtenues par le combat de plusieurs générations d’ouvriers) ?

Toutes ces raisons sont beaucoup plus importantes que les responsabilités individuelles, que nous nous interdisons de négliger bien sûr.

De nombreuses villes ont crée une « cellule de la tranquillité publique », comme si nous pouvions aspirer à une vie sans heurts, sans confrontations et sans doutes.(Voyez ce qu’il en est dans votre propre entourage. Bonjour la tranquillité !)

Ceci était proprement démagogique et encourageait déjà, selon nous, le repli civique de tous ceux qui estimaient faire partie des « citoyens - méritant - la - paix -éternelle -parce-qu’ils-ont du -travail-qu’ils-payent-des-impôts-et -n’habitent -pas -la-banlieue »

Allons donc, les réponses aux peurs civiques ne se trouvent pas dans la répression accrue des marginaux et leur bannissement (voir la floraison des arrêtés anti-mendicités à La Rochelle, Nice, Colmar, etc ?),ni dans la télésurveillance, ni dans le concept de « tolérance zéro », même à la française, importé des USA, qui bientôt ferait de nous de dangereux délinquants si nous avions le malheur de traverser en dehors des clous, de promener Médor sans laisse ou de faire du vélo sans sonnette.

Ne pensez-vous pas, que nous devrions avoir plus peur et honte, des conséquences de la prolifération des armes nucléaires et des déchets radioactifs, des pollutions de notre air, de nos nappes phréatiques, de notre ciel et de la destruction de la chaîne alimentaire et nous en en passons ? ?

Nous croyons qu’une bonne partie de la puissance et de la couleur de l’avenir repose, entre autres, sur la consolidation et la structuration d’un contre-pouvoir civique(pas opposé au pouvoir politique qui est nécessaire) qui continuerait à voir l’implication des membres des classes « moyennes »(professions libérales, artisans, fonctionnaires, patrons de P.M.E.,etc ? ), avides de partager « fraternellement » leur temps libre, leur argent, leurs impôts, leur vitalité et leur créativité pour « prendre soin »de l’Etranger et des Marginalisés, cibles et victimes d’un système devenu cannibale et ayant érigé la « plus-value » comme idole , pour les intégrer au concert social et leur offrir une digne visibilité.

A ne pas agir ainsi, nous faisons courir le risque à nos enfants d’ être les prochaines victimes de ces mécanismes implacables d’ exclusion.

Pour Ras L’ Front Strasbourg

Christian Perrat (Président)

Georges Yoram Federmann(Secrétaire)03 88 25 12 30