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Lettre à tous les acteurs du monde des arts et de la culture qui interpellent les candidats à l’élection présidentielle

Publie le jeudi 12 avril 2007 par Open-Publishing

Vous êtes très nombreux, associations, syndicats, réseaux, etc…à questionner et interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur leur programme en faveur des arts et de la culture.

Vos préoccupations, si elles sont souvent représentatives d’une profession ou d’un secteur d’activité spécifique soulèvent des enjeux communs à l’ensemble des acteurs du champ culturel et artistique, et au-delà, bien sûr, à l’ensemble de nos concitoyens.

C’est pourquoi, il nous a semblé nécessaire, à ce moment de la campagne présidentielle, d’essayer de formuler une réponse qui puisse satisfaire la particularité de chacune de vos sollicitations, tout en mettant en valeur la convergence des mesures qui doivent être prises pour développer une politique ambitieuse en faveur des arts et de la culture dans notre pays.

En préambule, nous souhaiterions rappeler que marie George Buffet, tout au long de cette campagne présidentielle, à l’occasion des manifestations publiques qu’elle assure et encore dernièrement lors de son meeting à Bercy, a toujours pris soin de mettre en débat les questions et les enjeux de culture qui font parties des quinzes priorités de son programme.

« Il n’y a pas de progrès social sans un développement des arts et de la culture qui puisse être partagé par toutes et tous. », telle a été l’introduction de son intervention au Cabaret Sauvage, le 1er mars dernier, à l’occasion d’un débat où elle a répondu pendant plus de trois heures aux questions des 300 acteurs du monde des arts et de la culture réunis pour l’occasion.

Nous souhaitons, avec ce texte que nous vous adressons aujourd’hui, poursuivre ce dialogue partagé et espérons que la forme que nous avons choisie pour vous répondre saura vous satisfaire.

Dans le domaine du spectacle vivant, du cinéma de l’audiovisuel, du livre, de la musique, des arts plastiques, vous appelez de vos souhaits ou revendiquez la mise en œuvre d’un projet politique favorable au développement de la création et de la diversité culturelle.

Vous êtes en attente de réponses sur les mesures envisagées pour :

1.faire face au développement du « formatage » des œuvres lié à celui de la concentration financière des secteurs de l’industrie culturelle (notamment le cinéma, l’audiovisuel, le livre…)

2.défendre les droits et les conditions de travail de ceux qui participent aux créations dans ces différents domaines.

3.permettre le partage des œuvres et des cultures dans leur diversité avec l’ensemble des citoyens

C’est donc au travers de ces trois axes que nous avons rassemblés ci après les principales prises de positions de Marie-George Buffet

Nous vous joignons également quelques réponses à des questionnaires qui lui sont parvenus auparavant.

1. Face à la concentration et l’emprise des groupes financiers sur l’ensemble des médias et de l ‘édition, seule une intervention publique peut soustraire l’art et la culture aux logiques marchandes, construire de nouvelles formes d’appropriation sociale et garantir la liberté des créateurs et la diversité de leurs œuvres.

Cette intervention doit s’appuyer d’une part, sur des moyens financiers renforcés, en portant l’ensemble de la dépense publique (Etat et collectivité territoriale) à 1% du PIB, soit environ 10% d’augmentation moyenne des budgets publics pendant 5 ans et se traduire par la mise en oeuvre de dispositions légales et institutionnelles visant à limiter les concentrations et à défendre l’existence et la diversité des secteurs indépendants pour les filières de production et de diffusion dans le domaine de l’image, du son et de l’écrit. Il sera ainsi proposé de faire adopter par le Parlement une loi qui réforme les dispositifs anti-concentration et interdise, notamment pour les grands groupes financiers, industriels et de services, les situations de quasi monopole national ou régional dans la presse, l’audiovisuel et l’édition. Cela s’accompagnera également d’ une réforme de l’actionnariat des principaux groupes privés en progressant dans le sens d’une appropriation sociale basée notamment sur la réévaluation de la place et de la représentation des salariés dans les conseils d’administration de ces entreprises.

Des mesures seront prises en faveur de la préservation de tous les secteurs associatifs des industries culturelles à fins non lucratives (exemple : garantie l’existence des médias du tiers secteur ou associatifs), les coopératives et les intervenants qui fonctionnent sur les principes de l’économie sociale et solidaire.

L’ensemble de ces dispositifs se déclineront bien sûr différemment en fonction des spécificités des secteurs, mais pour tous doivent désormais également être pris en compte les bouleversements introduits dans les conditions de production et de diffusion des techniques et technologies numériques. Il convient de refonder un pôle public de télévisions digne de ce nom, qui se distingue réellement du secteur privé, en se dotant de vrais moyens de productions en supprimant les décrets « Tasca » et en se « libérant » du diktat de l’audimat et de sa dépendance vis à vis des recettes publicitaires, par la suppression progressive de la publicité en trois ans sur les chaînes de service public. Pour compenser la perte de recettes, une taxe de 5% sur l’ensemble des ventes d’espace publicitaire serait élargie à tous les médias et Internet et permettrait d’alimenter un fonds de répartition géré par l’Etat en faveur du pôle public des médias, mais aussi de la presse écrite d’information générale indépendante (fonds de modernisation de la presse aide aux journaux disposant de peu de rentrée publicitaires), de l’AFP et des éditeurs indépendants. Un fonds de soutien à l’expression audiovisuelle citoyenne serait également créé et financé par une taxe parafiscale sur les chiffres d’affaires des entreprises qui exploitent les ressources hertziennes (bien public inaliénable) à des fins commerciales. Par ailleurs, le produit de la redevance pourrait être augmenté, mais en modulant la redevance en fonction des ressources de chaque foyer à l’instar de l’impôt sur le revenu.

La meilleure garantie pour lutter contre le formatage des œuvres et défendre la diversité est l’aide aux créateurs. Si les obligations des chaînes de télévision et des nouveaux opérateurs dans le domaine de la production et de la diffusion doivent être maintenues (contribution au Fonds de soutien, obligation de réinvestir dans la production nationale, quotas e diffusion de films français et européens), un décret pourrait rapidement être pris pour revoir la répartition des aides accordées par le CNC afin de favoriser les aides « sélectives » dont bénéficie le cinéma d’auteur plutôt que les aides automatiques qui avantagent les films réunissant déjà de meilleures conditions de financement. L’effort public doit également soutenir l’équipement du tissu des salles indépendantes notamment en moyens de diffusion numériques afin de les préserver de la pression des grands distributeurs qui en leur imposant leur norme technique influent sur le choix des films à diffuser. Par ailleurs, la chronologie des médias doit être préservée afin d’éviter de faire des salles de cinéma les antichambres du DVD comme le préconisait récemment un dirigeant de Disney.

Dans le domaine de l’industrie du livre, la loi sur le prix unique du livre doit être défendue, notamment pour préserver la référence à notion de qualité de services rendus par rapport à celle de quantité des acquisitions dans les rapports régissant les différents acteurs de la chaîne du livre. Pour favoriser les circulations entre éditeurs et libraires indépendants, des tarifs postaux préférentiels pour les livres et les revues devront être établis.

Les dispositions en faveur du prix unique, d’un taux de TVA réduit pour le livre, tout comme celles en faveur des aides originales pour la création cinématographique ont été prises au nom de l’exception culturelle. Préserver, défendre et développer, dans l’ensemble des domaines, cette conception des arts et de la culture contre le « tout marchand » impose de transformer également la donne en Europe.

Cela devra se traduire notamment par la croissance du budget européen et le choix, dans tous les domaines artistiques, de coproductions européennes, pour résister aux majors, et pour l’ensemble des médias, de coopérations européennes et internationales soutenues par des organismes bancaires associés.

Cela ne sera possible que si sont remis en cause le pacte de stabilité européen et la transformation du rôle de la BCE. Par ailleurs, la convention pour la diversité culturelle de l’UNESCO5 devra bien sur être appliquée, mais celle ci restera lettre morte si les actions nécessaires en faveur de l’exception culturelle ne se développent pas au sein de l’OMC.

2. Dans cette perspective, la défense des droits et des conditions de travail des différents acteurs du monde artistique et culturel me semble primordiale et essentielle.

La diversité culturelle est directement menacée quand est remise en cause, par la commission de Bruxelles (et le traité constitutionnel rejeté par nos concitoyens en 2005) la présomption de salariat des professions artistiques, du spectacle vivant de l’audiovisuel et du cinéma qui fonde les conditions de la production artistique dans notre pays et la solidarité interprofessionnelle à leur égard.

Cette « présomption de salariat », opposée à la conception qui voudrait assimiler le travail artistique et culturelle a de l’artisanat ou de l’entreprenariat est au cœur des dispositions du régime d’assurance chômage spécifique au spectacle, au cinéma et à l’audiovisuel.

La première mesure qui doit être prise pour la défense de la diversité culturelle et de la création est donc de rétablir les artistes et techniciens dans leur droit par le vote de la loi PPL du « Comité de Suivi » comme un cadre exprimant la volonté politique du gouvernement favorisant une négociation entre partenaires sociaux qui permettra le retour aux 507 heures annuelles avec date anniversaire et le respect des droits sociaux afférents. Cette question « dite » des intermittents revêt un triple enjeu. Un enjeu social, puisque des milliers de professionnels risquent de se retrouver exclus de leur métier. Un enjeu de société, puisque c’est de l’avenir de la création dont il s’agit. Un enjeu démocratique, puisqu’on refuse d’entendre une profession unanime et la représentation parlementaire unie dans le Comité de suivi.

Cette mesure devra être également accompagnée de celles en faveur de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels tout au long de la vie afin de répondre aux aspirations de ceux qui sont confrontés à la précarité. La Commission européenne y répond en invoquant, dans son Livre Vert, la “ flexicurité ” sous couvert de “ moderniser le droit du travail ”. Cette démarche constitue une fuite en avant dans les déréglementations engagées ces dernières années, à travers les diverses réformes du marché du travail, inspirées par les recommandations du fameux agenda de Lisbonne de l’an 2000. Là encore, une véritable rupture avec ces logiques libérales est indispensable : rupture débouchant sur un système réellement nouveau garantissant la continuité de l’emploi et d’une bonne rémunération tout au long de la vie professionnelle, y compris dans les périodes — indispensables — de formations qualifiantes. Dans ce contexte, les représentants des salariés doivent avoir des pouvoirs renforcés pour dire ce qu’ils proposent en particulier de l’avenir de leur profession ou de l’entreprise où ils travaillent.

Les professions artistiques non salariées (auteurs de l’écrit, compositeurs, plasticiens..) devront également bénéficier d’une protection sociale accrue au sein du régime de sécurité sociale. Pour les plasticiens, les activités dites annexes doivent être mieux prises en compte par la sécurité sociale, leur protection étendue aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, et enfin le droit de présentation publique, devra être respecté par l’ensemble des collectivités publiques qui rechercheront les meilleures conditions de mise en œuvre en partenariat avec les différents organismes représentatifs des plasticiens.

Leurs droits patrimoniaux devront être respectés et renforcés, notamment dans le cadre des transformations des conditions de diffusion des œuvres par Internet, pour éviter que les marchands s’approprient de plus en plus les droits d’auteurs.

Une réforme de la loi DADVSI est à ce titre indispensable. Elle n’a pas empêché les organismes privés de mettre en place une licence globale, mais privée qui n’avantage pas la rémunération des auteurs et des interprètes, mais profite à ceux qui font commerce de la diffusion. La protection de la propriété intellectuelle et morale sera garantie dans ces conditions, par la mise en place d’une plateforme publique de téléchargement qui diffusera l’ensemble des œuvres répertoriées en respectant la chronologie des médias et qui sera financée par une extension des redevances sur l’ensemble des matériels et supports permettant d’assurer le stockage, le traitement, la diffusion de données numériques et l’accès à Internet.

Par ailleurs, ce sont aux auteurs de dire comment leur droit moral sur une œuvre doit être respecté et défendu. La Licence Créative Common est, à ce titre, un exemple intéressant. Les auteurs ne sont pas dessaisis de leurs droit moral puisqu’ils décident s’ils doivent être cités ou non, si on peut modifier leur œuvre, en faire un usage commercial ou pas, etc. Tout se fait sous leur responsabilité.

L’avantage de cette licence est qu’elle incite en quelque sorte à une contribution à la création, à un échange encore une fois entre celui qui a créé une œuvre et celui qui a envie de se l’approprier, de la modifier et cela peut permettre l’innovation.

3. Dans tous les domaines, et sur tous les territoires, les pratiques permettant d’associer créateurs, artistes et citoyens doivent être développées pour favoriser la « démocratie culturelle ».

Dans cette perspective, des Etats généraux du spectacle vivant seront réunis pour élaborer une loi cadre qui bénéficie à la liberté de création, qui encourage l’innovation, favorise les actions transversales à tous les arts en multipliant les lieux de création.

Une attention particulière sera portée à l’action des associations d’éducation populaire. Il est proposé que leur rôle important et spécifique pour le développement des pratiques artistiques et de l’accès de toutes et de tous à la culture soit soutenu par la création d’un ministère regroupant la jeunesse, l’éducation populaire et la vie associative.

Le statut de bénévole associatif sera également reconnu. Les pratiques amateurs seront encouragées ainsi que le maillage des équipements culturels de proximité.

Une loi de démocratisation du système éducatif, fondée sur le droit et la capacité de chacun à accéder à l’éducation prendra bien sur également en compte l’objectif de faire accéder, de l’école à l’université, l’ensemble des jeunes à l’éducation artistique et culturelle. Cette visée nécessitera une réelle prise en compte des pratiques artistiques de nos concitoyens et de leur accompagnement. Les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique, les lieux de création joueront un rôle majeur. La synergie et la création de différents espaces de dialogues entre les différents acteurs, et les différents niveaux de l’action publique, seront ainsi des leviers essentiels comme par exemple, au niveau départemental ou régional, des conférences annuelles de l’éducation artistique réunissant services déconcentrés de l’Etat, les enseignants, les artistes, les acteurs culturels, les parents d’élèves.

Cette action sera complétée en favorisant et en rémunérant les rencontres nécessaires d’artistes, de comédiens de techniciens de créateurs dans leur diversité avec les publics scolaires, les étudiants et d’une manière plus générale les citoyens dans les espaces publics de rencontres.

Enfin toutes les mesures concernant l’audiovisuel public, notamment pour le dégager des logiques mercantiles seront décisives pour permettre un véritable partage des arts et de la création.

En annexe : trois réponses plus particulièrement sur Médias, Cinéma et Auteurs

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Cinema
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