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Lutte anti-nucléaire : solidarité avec les trois inculpés de Valognes.

par Collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île du nucléaire

Publie le samedi 22 septembre 2012 par Collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île du nucléaire - Open-Publishing
2 commentaires

LA JUSTICE ATOMISE

Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire

EN NOVEMBRE 2011, un appel lancé par le collectif Valognes-Stop-Castor invitait à venir s’opposer au régime ordinaire de l’industrie nucléaire. Ce texte annonçait un campement pour perturber le passage d’un train CASTOR (transport de déchets nucléaires hautement radioactifs) en provenance de l’usine de la Hague et à destination du site de stockage de déchets de Gorleben, en Allemagne, où l’attendaient des dizaines de milliers de contestataires, comme chaque année à la même période depuis une vingtaine d’années. Au même titre que les trois personnes qui seront jugées à Cherbourg le 9 octobre 2012, nous sommes plusieurs centaines à avoir répondu à cette proposition et à nous être rendus dans le Cotentin, cette presqu’île du nucléaire, pour vivre une opposition concrète au nucléaire. La lutte antinucléaire semblait en effet à beaucoup coincée dans une impasse. A coups de slogans simplificateurs, de manifestations ritualisées jusqu’à l’ennui, de contre-expertises sans conséquences et d’alternatives dérisoires, elle s’est vue réduite au fil des ans à un simple marketing. Le désastre de Fukushima nous a brusquement rappelé que le nucléaire est d’abord terrible en ce qu’il nous dépossède durablement de nos conditions d’existence et étouffe toute aspiration à la liberté. Quelle vie reste-il à mener un dosimètre autour du cou ?

EN VISIBILISANT LA BANALITÉ des transports de matières radioactives, l’action de Valognes a voulu rappeler qu’en France nous vivons tous à bout portant du nucléaire, notamment dans le Cotentin1. Et qu’il est encore possible de renouer avec des actions directes collectives et publiques comme le mouvement antinucléaire en menait lors des luttes contre l’installation des centrales (Plogoff, Chooz, Golfech, SuperPhénix, Flamanville, Le Carnet pour n’en citer que quelques-unes). Le campement de Valognes s’est donc accompagné d’un effort d’explicitation afin de désamorcer une figure médiatique et policière – le casseur masqué – et afin de rendre le plus largement public ce type d’action. Mais pris au jeu d’un coup d’éclat spectaculaire, on est passé de la réunion publique au communiqué de presse, de la presse locale aux caméras du « 20 heures » et, en chemin, de l’explicitation à la publicité. Ce glissement a amené à désigner des porte-parole. Trois personnes durent endosser ce rôle inconfortable au cœur d’un dispositif simpliste et abêtissant où l’efficacité de l’action politique et l’existence d’un mouvement se mesurent à l’aune de la couverture médiatique.

CETTE EXPOSITION MÉDIATIQUE a offert les images dont la justice s’empare à présent pour fabriquer des chefs. Le raisonnement du parquet est le suivant : le rôle qu’ont joué les inculpés dans les médias prouverait leur implication dans le collectif Valognes-Stop-Castor et les rendrait responsables de l’organisation du campement, de la coordination des actions sur le terrain et, par là-même, des dégradations. La justice achève ici de faire disparaître le caractère collectif d’actes dont le code pénal fait des délits. Pour instruire cette affaire et fabriquer ces trois coupables, elle atomise et attribue des responsabilités individuelles comme elle le fait jour après jour dans tous les tribunaux de France. Il s’agit moins de criminaliser une parole publique que de protéger la propriété privée et les intérêts de l’État. Rien de nouveau sous le soleil vert d’une société entre autres nucléarisée.


1 Le Cotentin est une des régions les plus nucléarisées du monde : à La Hague, une usine de retraitement des catastrophes quotidiennes qui stocke le combustible d’une soixantaine de réacteurs ; à Flamanville, un EPR, étendard mondial et déjà mité des centrales nucléaires françaises ; à Cherbourg, un arsenal militaire consacré à la terreur atomique mondiale ; à Digulleville, un centre de stockage de déchets radioactifs qui contaminent la nappe phréatique ; partout autour, ces territoires quadrillés, assujettis et balafrés par ces lignes « très haute tension » (THT) destinées à alimenter le marché concurrentiel et international de l’énergie.
Dans cette histoire, c’est la SNCF qui veut se voir rembourser 163 000 euros de dégâts sur une ligne. Et c’est l’État français – producteur et exportateur d’énergie nucléaire à l’échelle mondiale – qui voudrait retrouver le calme et la soumission qui accompagnent d’ordinaire son florissant commerce.

TENTANT DE FISSURER cette chape de plomb, Valognes se voulait un début. Quelques mois plus tard, un rassemblement s’organise au Chefresnes, dans la Manche. Il invite les opposants au nucléaire à rejoindre la résistance à la construction de la ligne électrique à très haute tension Cotentin-Maine. Cette fois l’action est brutalement réprimée, faisant des blessés graves et une arrestation entraînant une condamnation à trois mois ferme. Dans le même temps, les membres de l’assemblée du Chefresnes sont inculpés les uns après les autres ; inculpations répondant manifestement aux multiples perturbations qu’ont connu les chantiers durant des mois et tout particulièrement depuis Valognes... Ces tentatives d’organisation collective n’ont pas ralenti le rouleau-compresseur de l’industrie nucléaire et le nouveau gouvernement français n’a d’ailleurs rien perdu de son arrogance2. Elles ont néanmoins jeté quelques bases pour recomposer une opposition antinucléaire en France. D’une part, l’expression d’un mouvement excluant toute illusion citoyenne et refusant toute reconnaissance à l’État pour négocier une quelconque sortie du nucléaire. D’autre part, le souci d’horizontalité et l’absence de hiérarchie dans la prise de décisions qui ont offert la possibilité d’une action directe collective.

LE PETIT THÉÂTRE JUDICIAIRE et son rythme usant ne nous feront pas oublier les raisons du rassemblement de Valognes, dans cette région rongée par les cancers et le silence où plus qu’ailleurs encore, le nucléaire, on en vit et on en crève. Solidarité avec les inculpés de la presqu’île du nucléaire et rendez-vous au tribunal de Cherbourg avec les inculpés de Valognes, pour que ce procès ne reste pas enfermé dans le huis clos judiciaire.

Collectif de soutien aux inculpés de la
presqu’île du nucléaire
lajusticeatomise 9Ba yahoo.fr

Les trois inculpés sont convoqués le 9 octobre 2012 à 10 heures au tribunal de Cherbourg pour les chefs d’inculpation suivants :
. Complicité de destruction de biens d’autrui par l’effet d’un moyen dangereux pour les personnes.

. Incitations directes ayant provoqué un attroupement de plusieurs centaines de personnes dont certaines étaient armées.

. Organisation d’une manifestation sur la voie publique ayant été interdite.

Coordonnées pour envoyer les soutiens financiers :
chèque à l’ordre de APSAJ - 6 cours des Alliés – 35000 Rennes
ou – IBAN FR76 4255 9000 5541 02001473 207 BIC code CCOPFRPPXXX
Contacts : legalteamvalognes 9Ba riseup.net


2 En quelques mois, il aura nommé comme porte-parole du gouvernement Cazeneuve – député Cogema dans la Manche depuis des lustres –, relancé la recherche sur le surgénérateur Astrid de quatrième génération, acté le maintien du parc nucléaire actuel, annoncé l’ouverture de la plus grande mine d’uranium du monde à Imouraren au Niger, validé le développement de l’EPR en France et à l’international, poursuivi la construction de la ligne THT Cotentin-Maine, etc.

LA JUSTICE ATOMISE(pdf)

Messages

  • Je vous envoie cette reponse, faite pour le Cran, de Caen, car, comme à l’ordinaire, le fait que des indivudus soient sous le coup de la justice ne doit pas rendre aveugle sur leur faiblesse et celle de l’opposition à laquelle ils participent.
    Peter Vener

    A propos des suites judiciaires de l’affaire de Valognes
    Je viens de recevoir par mail, du Collectif radicalement antinucléaire caennais, le Cran, « La justice atomise », signé par le collectif de soutien aux inculpés de la presqu’île, à commencer par les trois qui sont poursuivis suite à l’affaire du blocage du train de poubelles nucléaires à Valognes. Après de multiples lectures et mûres réflexions, j’ai décidé de ne pas le diffuser. Non pas parce qu’il est minimaliste ou que les inculpations m’indifférent, mais parce qu’au nom de la solidarité contre les persécutions exercées par l’Etat, il continue à défendre des positions déjà critiquées, en particulier par moi dans le texte « A propos de l’appel de Valognes », positions reconduites, certes avec des réserves et des réticences envers l’appellisme, dans « Valognes et après », comme je l’ai signalé dans des « Notes » disponibles sur le Web.
    En effet, bien que « La justice atomise » reconnaisse le côté médiatique de l’opération de Valognes et de ses suites, et n’appelle pas à quelque campagne de soutien opportuniste dans la lignée de Tarnac, ses auteurs, comme ceux qui rédigèrent « Valognes et après », n’en tirent pas toutes les conclusions. Pire, ils laissent entendre que des « personnes » durent endosser le rôle de porte-parole. Or, le rôle en question, elles avaient la possibilité de le refuser. Bien d’autres rétifs, y compris les rétifs opposés au nucléaire, le refusent, parfois depuis longtemps. La nécessité de ne pas avoir, en règle générale, de relations avec les médias a déjà été abordée mille fois, y compris à la veille de Valognes, à Paris et ailleurs. La chefferie appelliste, épaulée par des membres d’associations écologistes et de lobbies comme le réseau Sortir du nucléaire, nous a traités de sectaires, au prétexte que la couverture médiatique était l’un des moyens utiles pour assurer la visibilité de l’action et en faciliter la compréhension auprès des populations que le nucléaire inquiète, mais qui rejettent l’idée d’actions effectuées sur le mode conspiratif. Au local de la rue des Pyrénées, à Paris, à la veille de Valognes, les apologistes de l’appel du même nom affirmèrent même que ladite « couverture pouvait participer à gripper les dispositifs de la justice ». Ce qui constitue le comble du crétinisme républicain. Comme toujours, nous voyons aujourd’hui le résultat de telles tentatives d’utilisation des médias. En acceptant de jouer au jeu de la représentation face aux caméras, les futurs inculpés oubliaient qu’elles constituent aussi des caméras de surveillance et que la mise en spectacle est aussi affaire de police. Accepter d’être reconnus comme porte-parole par les médias, c’est en fin de compte accepter d’être reconnu également comme tels par l’Etat. Ce qui est logique puisque les médias participent, en démocratie, à l’action de l’Etat. Tel est donc pris qui croyait prendre, hélas.
    Loin d’être l’un des accidents de parcours de l’opposition au nucléaire initiée à Valognes, l’affaire révèle au contraire l’un de ses vices de forme et de contenu essentiel, à savoir son esprit citoyenniste. Par suite, la moindre tentative d’avancer réellement passe par la rupture avec « l’esprit de Valognes », en d’autres termes avec la posture d’indignés du nucléaire, identique à celle de bien d’autres indignés, qui contestent tel ou tel aspect de la domination actuelle, au nom de la démocratie. Problème que « La justice atomise » ne soulève pas. Bien au contraire. Les auteurs affirment presque l’inverse, présentant, dans l’optique de « Valognes et après », la tentative de bloquer le train et le reste comme « l’expression » potentielle d’oppositions « excluant toute illusion citoyenne ». Si les illusions citoyennes sur l’Etat nucléariste étaient en cours de liquidation, on ne comprend pas pourquoi des gens ont tenu à être reconnus par les médias, c’est-à-dire, en dernière analyse, par le pouvoir d’Etat. Car la question de la représentation, et donc celle de la reconnaissance par l’Etat, est bien plus large que celle de la reconnaissance comme interlocuteur et négociateur. Il est possible d’être reconnu à titre de trublions, voire de dangereux rétifs, en particulier lorsque des individus acceptent de monter sur les planches du spectacle en live. Nul besoin de votes, à notre époque, pour être considéré comme représentatif. Il suffit d’être reconnu comme tel par les médias. Par leurs propos, les auteurs montrent qu’ils partagent encore en partie les illusions qu’ils croient avoir dépassées, en prenant de la distance, sans le dire, envers le show que nous prépare, dans la tradition de Tarnac, les appellistes regroupés à Rennes. Bref, comme d’autres appels de la même veine, « La justice atomise » reconduit, au nom de l’anti-répression, des thèses indéfendables, ici sur Valognes et ses suites, en particulier sur le désastre prévisible de l’opération du Chefresne, sorte de répétition, mais en pire encore, de celle de Malville. Ce qui n’est pas acceptable.
    Peter Vener
    Septembre 2012

    • Commentaire du commentaire précédent (du 22 septembre 21:54, par Peter Vener)

      Encore un coup de Peter-”j’vous l’avais bien dit que c’était pas la peine”-Vener. A croire que l’idéologie du blocage est celle de l’inactif. Personne ne l’incite à se mouiller, mais se moquer de ceux qui ont bu la tasse quand on a gardé son Perfecto au sec n’est pas une attitude que je qualifierais de camarade, et encore moins d’amicale. C’est celle du spectateur bien informé, du spéculateur ex ante ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Ex_ante ) des luttes. Parier sur les luttes, faire du tricot communicant est un loisir.

      Que le procureur se couvre digniment l’épaule de sa toge en hochant la tête dédaigneusement est la réaction logique de qui juge les contradictions après avoir décidé, “mûres réflexions” aidant, de ne pas y participer plutôt que de les éprouver telles qu’elles sont vécues. Si au moins la critique contemptrice élaborée au sec améliorait celle des acteurs, elle pourrait s’avérer contributive, mais ce n’est pas le cas.

      Le texte ne “laisse” pas “entendre” que “des personnes” durent endosser le rôle de porte-parole”, il l’affirme, et explique que ce fut la conséquence de s’être laisser prendre “au jeu du coup d’éclat spectaculaire”, ce qui conduisit à passer “de l’explicitation à la publicité”. Le procureur glose sur la même critique, mais décide de ne pas relayer le texte.

      Pourquoi ? Parce que le texte “continue[rait] à défendre des positions déjà critiquées, en particulier par [lui]” ? Parce qu’il en aurait eu la préscience* ? Parce qu’il faudrait lui en léguer le copyright ? Parce qu’il a l’apanage de cette critique ? Parce qu’il n’est pas de lui ?

      Que Peter Pépère ne soutienne pas les inculpés le 9 octobre à Cherbourg, le public numérisé s’en tape. Qu’il le fasse savoir en méprisant ceux qui en ont fait "l’expérience”**, maintenant tout le monde le sait.

      *Voici ce qu’en dit le texte qu’il ne relaie pas : ”D’autre part, le souci d’horizontalité et l’absence de hiérarchie dans la prise de décisions qui ont offert la possibilité d’une action directe collective.” (La justice atomise) [A comparer avec la note suivante]

      **”Bien qu’il soit possible de faire des rencontres intéressantes à Valognes et sans faire preuve de mépris envers ceux qui veulent tenter l’expérience, parfois en prenant de la distance envers l’appel, je ne veux pas participer à des réunions et à des opérations placées sous le signe de la hiérarchie et destinées à favoriser l’autovalorisation des leaders autoproclamés. Je préfère m’abstenir.” (A propos de l’appel de Valognes, signé Peter Vener).