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" Main basse sur l’école publique ", Eddy Khaldi, Muriel Fitoussi, éditions Demopolis

Publie le samedi 23 août 2008 par Open-Publishing

Extraits du livre :

Lors de l’élection présidentielle de 2007, fait inhabituel, tous les candidats ont fait l’impasse sur les questions d’éducation, qui ne furent jamais spontanément conviées dans les débats. Il ne fut quasiment question que du problème de la carte scolaire, dont le sort était mis en balance par les deux principaux candidats, qui annonçaient, qui sa « suppression », qui son « assouplissement ». Dans ses discours de campagne sur l’éducation, le candidat de l’UMP n’évoque pas, ou si peu, l’« Éducation nationale » en tant que telle. En revanche, il propose déjà, sans aucune ambiguïté, des privilèges nouveaux en vue d’un redéploiement des établissements privés.
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Certains libéraux ne s’y sont pas trompés et déclarent, sur leur site Internet Liberté chérie : « Voilà sans doute le sujet que Sarkozy semble le mieux avoir compris. En effet, il est partisan de la remise en cause de la planification éducative par la carte scolaire, se posant ainsi en défenseur de la liberté des parents de choisir l’école de leurs enfants. »

Valoriser l’école publique, voilà qui n’est décidément plus un sujet porteur. Exemple révélateur, le journal Libération qui organisait, dans le cadre de la préparation de la campagne « trois jours de débats, d’expression et d’échanges » les 13, 14 et 15 septembre 2006 à Grenoble, abordait quasiment tous les thèmes de campagne, sauf l’éducation. À l’exception d’une unique table ronde sur la citoyenneté, rien ne fut dit sur les structures, les contenus et la gestion du système éducatif…

Malgré ce peu d’intérêt des candidats, un certain nombre d’organisations tentent de peser sur la campagne. Une vingtaine d’entre elles, peu connues du grand public, publient dans Le Figaro du 10 janvier 2007, une plate-forme commune : « Lettre sur l’injustice scolaire », sans doute pour attirer l’attention peu soutenue des présidentiables, et pour s’imposer dans le paysage et les débats politiques de la campagne en désignant les deux ou trois candidats porteurs de leurs desseins.

Rien de neuf sous le soleil de ces mouvements – parmi lesquels « Créer son école », l’OIDEL, et « Enseignement et Liberté » – si ce n’est l’affichage de leurs connexions. Ce qui traduit, sur le terrain de l’éducation, une offensive concertée de mouvements français idéologiquement très proches et liés.

À l’intérieur du vaste essaim de signataires, mentionnons l’association clé (« Catholiques pour les libertés économiques »), dont l’objet n’est pourtant pas celui de l’enseignement, qui est clairement liée à l’Opus Dei, dont elle partage certains locaux parisiens. Les propositions de la lettre publiée dans Le Figaro sont reprises par des think tanks du secteur économique et résumées dans le Guide du candidat 2007-2008 publié par l’ALEPS (Association pour la Liberté Economique et le Progrès social).
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Autre acteur de poids dans la campagne, l’OIDEL (Organisation Internationale pour le DEveloppement de la Liberté d’enseignement), O.N.G suisse reconnue par le canton de Genève, qui s’intéresse de près à la question du dualisme scolaire français. L’organisation a l’insigne honneur de jouir du statut consultatif auprès des Nations unies, de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe. Elle collabore par ailleurs étroitement avec l’Union européenne. Notons aussi que « Enseignement et Liberté » est membre de l’OIDEL.

L’OIDEL est au centre de nombreuses initiatives entreprises depuis quelques années. Ses constats pas toujours objectifs s’appuient principalement sur des accusations sans cesse ressassées, ainsi résumées : l’Éducation nationale est un mammouth ingérable qui coûte cher et fabrique des illettrés.

Ses solutions : suppression de la carte scolaire, un directeur d’établissement chef d’entreprise, la suppression du monopole de la collation des grades, le maintien ou la fermeture d’écoles, la sanction des résultats obtenus, l’ouverture de nouveaux établissements privés.
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L’organisation s’est très opportunément signalée au moment de la campagne présidentielle. Le 22 avril 2007, entre les deux tours, surgit le rapport de l’OIDEL sur « la liberté de l’enseignement en France » :

« Après une première version en 2002, un “Rapport sur la liberté d’enseignement dans le monde” est en cours de préparation. Voici une étude concernant la France pour analyser les politiques scolaires sous l’angle de la liberté d’enseignement. »

Les objectifs de privatisation y sont très clairement exprimés. Ce rapport souligne qu’en 2002, sur 85 pays étudiés, tant dans les dispositions juridiques que dans la pratique, la France est placée en quatrième position, relativement à la « liberté d’enseignement » qui y règne. Nous savions déjà, par plusieurs enquêtes, que l’enseignement privé, presque exclusivement catholique en France, y était surreprésenté, et le mieux financé parmi 25 pays d’Europe.
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L’influence de l’OIDEL sur les propositions de campagne du candidat Sarkozy ne serait après tout pas très nouvelle, si l’on ne précisait la nature véritable de l’OIDEL, qui se présente sous des dehors éminemment respectables d’O.N.G mondialement reconnue, et qui place son combat sous la bannière irréfutable des droits de l’homme. L’État fédéral de Genève affirme, pour sa part, que l’OIDEL est une émanation de l’Opus Dei.

Deux sites du gouvernement fédéral genevois le confirment, dans cette transcription du 5 novembre 2002 des débats relatifs à l’attribution d’une subvention de 160 000 francs suisses à l’UEDH (Université d’été des droits de l’homme), filiale de l’OIDEL, pour 2003, 2004 et 2005. »

http://www.bakchich.info/article4775.html