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Mélenchon encore et encore

par Jacques Fortin

Publie le mercredi 3 avril 2013 par Jacques Fortin - Open-Publishing
12 commentaires

On ne peut qu’être inquiet par la tournure que prennent trop souvent les colères justifiées de Mélenchon et des responsables du Front de gauche. Il est parfait de parler de salopards en désignant ces types qui vivent personnellement grassement quand comme Cahuzac ils ne font pas fortune (sale) en politique, qui fréquentent assidûment le beau monde des dominants capitalistes et idéologues libéraux, et qui n’en finissent pas la bouche en cœur d’exiger de la population salariée et retraitée, sans la moindre pudeur et sans aucun doute sans remords, des "efforts", des "sacrifices", de la "responsabilité", de la "prise de risque" et autres balivernes odieuses.

Il est bienvenu de vitupérer contre ce gouvernement qui ne fait qu’enfourner les bottes retirées à Sarkozy, celle de l’enrichissement de quelques uns et de l’appauvrissement général, de la dislocation des liens sociaux, de la misère envahissante et de la peur de l’autre comme du lendemain. En cela la naissance du parti de gauche et la parole de Mélenchon apportent des voix critiques plus vigoureuses que celles du reste de la gauche institutionnelle, dont le PCF toujours englué dans ses ambivalences d’appareil qui godille pour sa seule survie. En cela ils rassemblent des énergies qui hésitent toujours à "trop de radicalité" mais se cherchaient un espace politique.

Avec eux tous et sur toutes ces questions il y a tant à faire, un front commun offensif à construire, une opposition sans ambiguïté au "social libéralisme", un travail de réflexion tactique et stratégique, une élaboration chemin faisant sur ce que serait l’autre monde possible débarrassé du capitalisme, et les moyens d’y parvenir... Mais pour cela il y a quelques obstacles escarpés à aplanir et l’attitude tant de Mélenchon soi-même que de l’équipe dirigeante du PG n’aident pas.

On ne peut pas dire que le congrès du Pg ait été un modèle de déroulement démocratique. Non parce qu’il aurait été le théâtre de coups de force ou de coups fourrés mais que dire d’un congrès qui se déroule autour d’un seul texte ? Où les militants se heurtent à des conditions quasi insurmontables pour s’organiser en proposants alternatifs à la direction sortante ? Où le débat d’orientation est saucissonné par des interventions de lutte, de mobilisation certes galvanisantes mais sentant un peu la noyade de poisson organisée...

Là où ça se gâte c’est au moins sur deux points. D’abord la place de Mélenchon soi-même. Il y a dans ses postures comme un petit air de césarisme de gauche, autour de son moi-je, de ses déclarations dont on pressent trop souvent qu’elles n’ont guère fait l’objet de délibération collective, de ses rapports aux journalistes qui sentent un mépris un peu facile et désinvolte (et grossier) de la presse et de ses travailleurs (somme toute !) qui donne comme un malaise quant à sa conception de la liberté d’expression.

(La grossièreté et la brutalité langagières ne sont pas nécessairement un signe de radicalité encore moins la signature d’une façon d’être "populaire". Surtout quand on a occupé sans coups d’éclats majeurs et durant trente ans un doux fauteuil de sénateur social démocrate. On peut être civil et mordant).

Nous avons besoin, pour reconstituer une vraie gauche de gauche, de transparence, de démocratie, de respect du collectif, et surtout pas d’un leader maximo. Nous avons aussi besoin de partis dans lesquels ne règne plus un noyau resserré qui concentre en son sein les débats et fixe, in fine, les enjeux et les choix à prendre ou à laisser par "la base". Les caciques se feront un jour ou l’autre déboulonner et pendant ce temps la démocratie en perd, elle, du temps.

Enfin là où ça sent quand même mauvais, mais j’y reviendrai c’est sur les solutions et le ton qui va avec. Les déclarations sur la France, l’Allemagne, l’Angleterre (dans son bouquin "qu’ils s’en aillent tous") dessinent une sorte de nationalisme de gauche ou de gauche nationaliste de bien mauvais alois. Car ce n’est pas l’Allemagne des salariés pauvres, des ouvriers soumis à la flexibilité, des femmes encore massivement contraintes au 3K (kirche, kinder, kûsche) qui fait l’euro de Merkel et de ses patrons capitalistes.

Il ne s’agit pas de passer un peu vite sur les collectivités nationales historiques ( imposées aussi à quel prix pour les travailleurs, les minorités de toutes sortes, les petites nations et les réalités locales ! Cela fait partie du bilan des nations et trop chanter La France c’est oublier un peu vite ses victimes), il s’agit de savoir si l’on propose à gauche une solution anticapitaliste ou une solution antiallemande, pour faire bref, clair et net.

Parler de monnaie allemande, de parler français, parfois d’entreprises et d’entrepreneurs français sonne sombrement car cela signifie qu’à la crise monstrueuse de l’Europe capitaliste (et non de l’Europe, ni de l’Europe allemande) on esquisse une alternative... nationale, un repli identitaire plutôt que solidaire, des réponses françaises contre des réponses... autres. C’est un dangereux poison de divisions futures au moment où à l’inverse on a besoin de luttes européennes, de solidarités entre travailleurs sans frontières, de refus des égoïsmes nationaux attisés à l’extrême droite, de coordinations internationales des salariés contre la crise, et d’une réponse européenne unie, unifiante à LEUR crise pour celles et ceux qui, allemands, français, italiens, grecs, chypriotes en font les terribles frais.

Je suis de ceux qui espèrent vivement des camarades du PG, du Front de gauche, qu’ils mettent bon ordre à ce qui serait vite des dérives angoissantes, des dévoiements politiques aux moments difficiles et nous diviserait à l’heure où la crise du pouvoir socialiste et de cette république a besoin de notre unité.
Alors salopards, mille fois oui, mais allemands, non ! Mille fois non.

Messages

  • il n’y a pas que le PG qui soit bousculé par une certaine perte de repère. Il semble que le fil à plomb ne soit plus l’anti-capitalisme, l’anti-impérialisme, l’anti-colonialisme, l’anti-racisme, mais une idéologie brouillée faite d’anti-lobbies, d’anti-élites, de sur-déterminations religieuses (islamophilie versus islamophobie), de communautarismes ou d’identités régionalistes.
    Un article dernièrement dans l’Huma reprenait des réflexions du MRAP sur les nouvelles idéologies racistes qui avançaient masquées derrière les différents communautarismes.
    Dans les pertes de repère, je recevais dernièrement (de la part d’un anti-islamophobe d’extrême-gôche) de la pub pour un bouquin propagé sur les réseaux salafistes : "La haine de la religion ; quand l’athéisme est devenu l’opium du peuple de gauche"...
    Dans les pertes de repères, je recevais aujourd’hui d’un "ami facebook" du NPA, un montage photo ignoble de Christine Boutin dans les pommes sur laquelle on avait collé "l’origine du monde " de Courbet. En cette période où l’on traite de pute les filles en jupe, où des militantes égyptiennes se font violer, où le viol est une arme de guerre, je me suis dit que certains courants du NPA sont en train de déraper eux aussi.
    La haine machiste des uns, comme les cocoricos franchouillards des autres, ça va pas faire l’affaire

    • Ce qui ne le fait pas non plus, c’est comparer de un individu anonyme, du NPA ou ailleurs, qui fait une connerie dans son coin, contre le féminisme de son parti, et l’affirmation antidémocratique et chauvine du dirigeant maximo du PG...

    • ok, le camarade a fait une connerie machiste dans son coin, mais au vu et au su de pas mal de monde du CE et du CPN eux aussi sur FB et qui n’ont pas pris soin de condamner ... Mais bon tu as peut être raison, ma méthode n’est peut être pas la bonne. Mais je suis très en colère contre ce genre de truc.

    • Le montage Boutin/Origine du monde une connerie ? Une preuve de phallocratie, de machisme ? Une erreur politique d’un militant du NPA ?

      Je me pince.

      Il y a un océan entre votre perception et la mienne. J’en ai un peu le vertige...

      Moi j’ai beaucoup aimé, tant sur le plan humour 1er degré que sur le plan du message politique et de la réflexion historique et artistique que cela peut provoquer.
      L’art détourné/utilisé contre l’obscurantisme, un classique, j’aime.

      Chico

    • Généraliser à partir d’un exemple ?

      Le militant du NPA qui a fait un montage photo : un cas particulier.

    • Le militant du NPA qui a fait un montage photo

      Le montage n’a pas été fait par ce militant, il n’a que fait suivre quelque chose qui a circulé sur le net et qu’on a vu à maintes reprises dans divers zapping à la télé.

      On voit comment naissent et se propagent les rumeurs...

      Chico

    • le montage photo...
      Effectivement : rumeurs....

      je voulais simplement dire que ce montage photo ne devrait pas retenir toute notre attention, et certainement pas être associé au NPA.

    • je n’ai jamais écrit que c’était un militant NPA qui a fait ce montage. Par contre il l’a bien retransmis. Ensuite ... c’est peut être de "l’art", mais le commentaire qui va avec ? OK c’est du 3ème degré. C’est vrai on peut y deviner une Christine Boutin en burqua, burqua relevée ... Comme ça& on fait d’une pierre deux coups ... Ca va encore faire un problème avec les salafistes (Dans ce cas je préfère nettement le film Wadjada). Mais si on y voit cela, je repense aussi à cette égyptienne, à terre, voile relevé sur sa poitrine par la flicaille.
      Non vraiment il y a d’autres manière de faire de la politique et de dénoncer Boutin homophobe et anti-ivg ...

  • "Je suis de ceux qui espèrent vivement des camarades du PG, du Front de gauche, qu’ils mettent bon ordre à ce qui serait vite des dérives "
    Tu "espère"
    et tu fais quoi
    Mélenchon encore et encore
    tu te goures

    • Allez voir le documentaire sur Angela Davis. Les luttes antiracistes et sociales ont ce visage.
      sur le fond la remarque du camarade est recevable.
      mais je dois dire que devant la bêtise de l’extrême droite, l’humour est salutaire.
      et puis camarade je suis partisan "de rire de tout mais pas avec n’importe qui."
      je pense la que ton argumentaire encore une fois pertinente mélange les genres en y mêlant un fait privé sur un débat public.
      "l’Homme Nouveau" issu du socialisme on a donné.

    • quand l’athéisme est devenu l’opium du peuple de gauche"...

      C’est Tevanian, ca, non ?

      — - inquiétant pour ceux qui essaient encore d’utiliser leur capacités logiques, ce petit courant islamophile....

    • exact ce livre " la haine de la religion" est de PIERRE TEVENIAN , attention je ne fais pas de la pub, j ai lu par hasard un extrait de cet "ouvrage" sur le site "rouge midi " , sous prétexte de livrer une analyse critique de ceux qui à gauche font de l’ antireligion l’alpha et l omega de la révolution , TEVENIAN se livre à une attaque contre l’ athéisme en faisant un amalgame nauséabond entre islamisme radical et athéisme considérant que que les deux sont devenus le nouvel opium du peuple qu’il faut combattre . Ce qui transparait , c ’est que TEVENIAN se fout de l’athéisme mais qu’il utilise la radicalité de certains athées pour attaquer la religion musulmane .