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Miséricorde !
par Sébastien Fontenelle
Publie le mercredi 15 mai 2013 par Sébastien Fontenelle - Open-Publishing2 commentaires
Le Monde vient de publier une très instructive tribune d’un certain Étienne Madranges, « magistrat et historien », en forme d’hommage aux « religieuses qui depuis près de 150 ans assuraient une présence au Dépôt du Palais de Justice de Paris », mais qui « ont cessé leur mission ».
On apprend, à le lire, que les sœurs « de la Congrégation de Marie Joseph et de la Miséricorde, qui a toujours eu pour objectif principal, depuis sa fondation au 19e siècle, l’accompagnement des prisonniers », ont toujours été présentes « depuis cent quarante huit ans au Dépôt de Paris », où elles vivaient et dormaient « dans des cellules identiques à celles occupées par les détenues ».
Elles y ont « toujours eu un rôle essentiel auprès des femmes déférées à la justice », et d’ailleurs, « elles ont longtemps été seules à encadrer, jour et nuit, les détenues, les policières n’arrivant qu’en 1999 » - explique Étienne Madranges...
...Qui apporte ensuite l’utile précision que « leur statut de contractuelles du service public, rémunérées sous forme de subvention par la préfecture de police, avait été contesté devant le juge administratif par certains fonctionnaires soucieux de laïcité, qui demandaient leur expulsion au motif que le service public d’une République laïque ne saurait s’associer des religieuses »...
...Mais que, fort heureusement : « Le Conseil d’Etat, en 2001, avait rejeté leurs arguments en observant que, dès lors que l’intervention des soeurs était exclusive de tout prosélytisme, le principe de laïcité ou celui de neutralité du service public n’était pas remis en cause. »
Et de fait, il suffit de quelques clics pour retrouver, sur le site de cette vénérable institution, la trace de « la requête, enregistrée le 9 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par le Syndicat National Pénitentiaire Force Ouvrière », qui « demand(ait) l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2001-427 du 18 mai 2001 relatif à l’attribution d’une prime de sujétions spéciales à certains personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire en tant que ce décret accord(ait) le bénéfice de la prime de sujétions spéciales aux surveillants congréganistes » - comprendre : les sœurs de Marie Joseph et de la Miséricorde.
Et pour constater que, dans sa décision n°235806, lue le 29 mai 2002, le Conseil d’État a jugé que cette requête devait être « rejetée ».
Car, certes : la rémunération des « tâches confiées » à ces religieuses dans certaines prisons était « calculée par référence aux primes allouées aux personnels fonctionnaires ».
Et certes encore : « La rétribution du service rendu » était « assurée par le versement à la congrégation "d’une indemnité globale équivalente, pour chaque soeur, à un traitement correspondant à l’indice brut 226, augmenté des indemnités de résidence, de sujétion et de chaussure“. »
De sorte que les sœurs étaient bel et bien payées par l’État pour une mission d’« intérêt général » et de service public.
Mais cependant, et selon le Conseil d’État : « La rémunération des tâches effectuées par les membres de la congrégation pour le concours apporté au service public pénitentiaire ne méconna(issait)t pas les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, aux termes desquelles "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" ».
Car : « Eu égard à son objet, et dès lors que l’intervention des membres de la congrégation (était) exclusive de tout prosélytisme, il » ne pouvait pas « être soutenu » qu’elle transgress(ait) le principe de laïcité ou celui de neutralité du service public ».
Et ça, n’est-ce pas ?
C’est une information véritablement passionnante – parce que d’un autre côté, rappelons-nous, que se passe-t-il, dans notre cher et vieux pays, depuis la fin des années 1990 (1) ?
Il se passe que, dès qu’une musulmane prétend se coiffer d’un foulard – comme font les sœurs de Marie Joseph et de la Miséricorde ?
La pauvre femme est, dans l’instant, ensevelie sous l’opprobre des nouveaux croisés du priiinciiipe deee laïïïciiitééé – et ça se termine souvent par une pétition où Caroline Badinter et Élisabeth Fourest (liste non exhaustive) clament qu’urgerait qu’on circonvienne l’odieuse provocatrice.
Et si, d’aventure, l’impudente mahométane prétend cumuler le port du foulard et l’exercice d’un métier qui la mettrait au contact du public – genre la triste démente se prend carrément pour une religieuse catholique ?
Elle doit de surcroît endurer les imprécations d’éminences gouvernementales (et bien des fois « socialistes »), qui hurlent que jamais ils ne laisseront Fatima Ben Laden fanatiser le bon peuple – attends, Jack, eeet laaa neuuutraaaliiitééé duuu seeerviiiceee puuublic, t’en fais quoi-ce ?
Mais que savons-nous désormais ?
Nous savons désormais que ces si vigilantes sentinelles – les mêmes, qui ne restent jamais plus de quelques semaines sans suggérer (à tout le moins) qu’une mahométane en foulard est forcément (et par essence) née pour prêcher, et qu’il faut par conséquent la tenir à (lointaine) distance des petits nenfants (mais pas que) – ne se sont guère émues de ce que des religieuses catholiques aient été seules à encadrer, jour et nuit, des détenues.
Nous savons désormais que, dans le même temps qu’elles psalmodient que les musulmanes sont forcément suspectes d’être des prosélytes : elles s’accommodent tout à fait bien, merci pour elles, de l’affirmation – que chacun(e) est prié(e) de tenir pour vraie - que l’intervention des sœurs à qui l’État délègue des missions de service public serait exclusive, quant à elle, de tout prosélytisme.
Nous voilà édifié(e)s : merci, Étienne Madranges.
(1) Disons comme ça pour aller vite…
Messages
1. Miséricorde !, 15 mai 2013, 10:11, par Samantha Cavalli
toujours un plaisir de vous lire cher monsieur Fontenelle.
2. Miséricorde !, 15 mai 2013, 12:39, par philippe
Il y a une ressemblance republicaine avec l’Irlande catho qui a peut être un peu changé depuis ! Là-bas aussi des religieuses remplissaient des tâches de service public (instit dans les ecoles "publiques", infirmières anti avortement). L’etat chargeait l’eglise de sous traiter des services publics. Elles n’étaient pas payées et le fric allait à leur congrégation. C’était de l’esclavage. Elles exploitaient à leur tour des jeunes filles enlevées à leur famille pour cause de grossesse (et encore pas toutes !) exploitées à vie dans des bagnes de filles mères. C’est le stade suprême de l’esclavage domestique imposé aux femmes, meme pas mariées !