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Monsieur le président, la France doit être exemplaire dans la lutte contre le terrorisme
par Ligue des droits de l’Homme
Publie le jeudi 25 février 2016 par Ligue des droits de l’Homme - Open-PublishingMonsieur le président de la République,
Plus de 60 organisations membres de la FIDH <https://www.fidh.org/fr>
, dont, bien
sûr, la Ligue française des droits de l’Homme <http://www.ldh-france.org/>
, sont
particulièrement préoccupées par la situation des libertés publiques et
individuelles en France. Tous nos membres ont été horrifiés par les attentats commis
durant l’année 2015 à Paris et Saint Denis. Ces actes de terrorisme sont commis
partout dans le monde et il est de la responsabilité des Etats d’y répondre de
manière à préserver la sécurité de tous ainsi que les libertés. La FIDH et ses
organisations membres, s’appuyant sur leur expérience bientôt centenaire, affirment
que cette lutte doit impérativement se mener dans le respect des droits de l’Homme
sous peine de porter atteinte aux principes mêmes de la démocratie, satisfaisant
ainsi aux objectifs des criminels. A quoi s’ajoute le fait que, à ne pas respecter
les libertés fondamentales, on nourrit stigmatisations et discriminations, au risque
de mettre en péril la cohésion d’un pays.
Nos organisations, mais aussi les gouvernements du monde entier et les instances
internationales, sont attentifs à la réaction des autorités françaises. Toute mesure
attentatoire aux droits des individus et aux libertés publiques serait un reniement
des engagements internationaux de la France et indigne du pays de la Déclaration des
droits de l’Homme. Elle ne manquerait pas d’être prise comme exemple par les régimes
les plus autoritaires pour légitimer leur politique de répression des opposants
politiques, journalistes ou ONG comme les nôtres, menée au prétexte fallacieux de la
lutte contre le terrorisme.
C’est pourquoi nos organisations s’inquiètent particulièrement de la prorogation de
l’état d’urgence , et plus encore de son renouvellement annoncé à partir du 26
février. Si de nombreux gardes fous républicains permettent d’examiner les
conditions de sa mise en œuvre, plusieurs informations et témoignages font état d’un
recours à la force inutile et d’erreurs dans le cadre des plus de 3000 perquisitions
exécutées sans l’autorisation du juge judiciaire. Près de 400 assignations à
résidence ont par ailleurs été décidées par les préfets sur la base de simples notes
blanches, certaines dépassant le strict cadre de la lutte contre le terrorisme pour
concerner par exemple des militants écologistes. Ces actes ont été validés dans leur
quasi-totalité par la justice administrative dont le contrôle, exercé a posteriori,
s’est révélé largement insuffisant voire inopérant lorsqu’il s’agit de
perquisitions. Nous relevons au surplus que, de l’avis même du mécanisme
parlementaire de surveillance de l’état d’urgence, les modalités d’action instaurées
par celui-ci ne sont presque plus utilisés par les services concernés. Nous en
concluons que les moyens du droit commun permettent de faire face à la situation
actuelle.
Le projet de réforme de la Constitution sur l’état d’urgence et la déchéance de
nationalité, ainsi que le projet de réforme de la procédure pénale qui viennent
s’ajouter à la loi sur la surveillance électronique et à trente années de
législation abondante sur la lutte contre le terrorisme, inquiètent également quant
aux risques accrus de violations des libertés et droits fondamentaux des citoyens
qu’elles comportent. La France sera un des seuls pays dont la Constitution inclut
trois dispositifs d’exception.
Nonobstant le soutien dont les sondages d’opinion semblent créditer ces réformes,
nous craignons vivement, pour notre part, qu’elles ne renforcent au sein de la
population, et singulièrement parmi les plus vulnérables, un sentiment d’arbitraire,
qu’elles ne favorisent des actes de stigmatisation et de discrimination et ne
fissurent davantage la cohésion sociale.
Il serait pour le moins paradoxal que, sous couvert de favoriser l’union nationale,
les réformes engagées encouragent au contraire la désunion et, in fine, ne
bénéficient principalement qu’aux forces politiques les plus extrêmes de la société
française. C’est pourtant la profonde préoccupation que ces réformes nous inspirent,
à l’aune de l’expérience douloureuse que nous avons suivie dans nombre de pays
depuis le 11 septembre 2001.
Aussi, nos organisations appellent au non renouvellement de l’état d’urgence, au
retrait des réformes constitutionnelles proposées, et à l’encadrement par un strict
respect des droits humains, de toute réforme entreprise et de la politique étrangère
de la France relatives à la lutte contre le terrorisme.
Nous appelons aussi les autorités françaises à renouer le dialogue avec l’ensemble
de la société civile et à s’appuyer sur son expertise.
Enfin, nous vous recommandons d’inviter officiellement en France aux fins d’enquête,
les principaux organes du Conseil de l’Europe et des Nations unies compétents, pour
évaluer les mesures en vigueur ou proposées et les pratiques en cours, à l’aune des
obligations internationales conventionnelles souscrites par la République française.
Parmi eux, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et le
Rapporteur spécial de l’ONU sur la lutte contre le terrorisme et le respect des
droits de l’Homme nous semblent devoir être invités prioritairement.
La France entend agir dans le cadre des systèmes onusiens et européens de protection
des droits, qu’elle soutient par ailleurs et qu’elle s’est engagée à respecter et
promouvoir. Une telle invitation nous semblerait cohérente, nécessaire et opportune.
Pour notre part nous organiserons à bref délai une mission d’enquête internationale,
espérant de la part des autorités française une collaboration active.
Restant à votre disposition, nous vous prions de croire, Monsieur le président de la
République, à l’assurance de notre haute considération.
Signataires :En AfriqueLigue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) – Côte d’IvoireOrganisation nationale des droits de l’Homme (ONDH) – SénégalMouvement ivoirien des droits humains (MIDH) – Côte d’IvoireRencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) – SénégalNSANZURWIMO – RwandaMaison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC) – CamerounDITSHWANELO – BostwanaZimRights – ZimbabweGroupe LOTUS – RDCKenya Human Rights Commission – KenyaLigue tchadienne des droits de l’Homme – TchadAssociation tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH)– TchadLigue djiboutienne des droits de l’Homme – DjiboutiEn AmériquesRéseau national de défense des droits humains (RNDDH) – HaïtiLigue des droits et libertés du Québec – CanadaLiga argentina por los derechos mumanos (LADH) – ArgentineCCR – USACNDH – République DominicaineLimedddh – MexiqueCentro de Capacitación Social de Panamá – PanamaComisión de Derechos Humanos de El Salvador (CDHES) – El SalvadorCELS – ArgentineCoordinadora Nacional de Derechos Humanos (CNDDHH) – PerouEn AsieMouvement Lao pour les droits de l’Homme (MLDH) – LaosComité Viet Nam Pour la défense des droits de l’Homme – VietnamSave Tibet – TibetHuman Rights Commission of Pakistan – PakistanCommonwealth Human Rights Initiative – IndeOdhikar – BangladeshALTSEAN – BirmanieADHOC – CambodgeArmanshahr/OPEN ASIA – AfghanistanPhilippine Alliance of Human Rights Advocates – PhilippinesEn EuropeLigue des droits de l’Homme – FranceLigue des droits de l’Homme – BelgiqueMalta Association of Human Rights – MalteHellenic League for Human Rights – GrèceLIDU- Lega Italiana dei Diritti dell’Uomo – ItalyIhmisoikeusliitto – Finnish League for Human Rights – FinlandeLatvian Human Rights Committee – LittonieHuman Rights Association (IHD) – TurkeyCommittee on the Administration of Justice (CAJ) – UKLeague for Human Rights Netherlands – NetherlandsLiga für Menschenrechte – AllemagneEn Europe de l’Est et Asie CentraleKazakhstan International Bureau for Human Rights and Rule of Law – KazakhstanHuman Rights Movement « Bir Duino-Kyrgyzstan » – KirghizistanHuman Rights Center (HRIDC) – GéorgieCivil Society Institute – ArméniePromo-LEX Association – MoldavieAnti-Discrimination Centre « Memorial » – RussieBureau for Human Rights and Rule of Law – TadjikistanHuman Rights Organisation « Citizen’s Watch » – RussiePublic foundation « Legal clinic « Adilet » – KirghizistanInternational human rights organisation « Fiery hearts club » – OuzbékistanHuman Rights Centre « Viasna » – BélarusAu Maghreb et au Moyen-OrientLigue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) – TunisieAssociation tunisienne des femmes démocrates (ATFD) – TunisieDOUSTOURNA – TunisieForum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) – TunisieCairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) – ÉgypteAssociation marocaine des droits humains (AMDH) – MarocOrganisation marocaine des droits humains (OMDH) – Maroc