Accueil > Nouveau procès d’excision

Nouveau procès d’excision

Publie le samedi 24 janvier 2004 par Open-Publishing

Femmes solidaires partie civile d’un nouveau procès d’excision à Paris


Les bancs du public étaient clairsemés : les 12 et 13 janvier 2004, à
la grande cour d’assises du palais de justice de Paris, comparaissait
une Malienne accusée d’avoir fait exciser trois de ses filles en
France, entre 1991 et 1995. Elle a été condamnée à cinq de prison
avec sursis, et trois ans de mise à l’épreuve. Son mari, absent au
moment des faits, n’était pas poursuivi. L’aînée de ses filles, âgée
de quinze ans, assistait également à l’audience.

La lutte contre les violences faites aux femmes : tel est l’une des
priorités de l’association Femmes solidaires, qui s’était constituée
partie civile dans ce procès. Maître Catherine Mabille plaidait ainsi
aux côtés de Linda Weil-Curiel, qui intervenait pour la CAMS
(Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles). Née en 1945
des comités féminins de la résistance, l’Union des Femmes Françaises,
devenue depuis Femmes solidaires, a participé à la plupart des procès
d’excision depuis 1982. Une action qui s’inscrit dans la continuité
de son engagement en faveur de l’accouchement sans douleur, de la loi
Veil, de la criminalisation du viol, mais aussi contre les commandos
anti-IVG, la lapidation au Nigeria ou plus récemment la laïcité et la
mixité. « Il ne s’agit pas, a rappelé Catherine Mabille, d’un combat
des femmes contre les hommes, mais d’un combat en compagnie des
hommes pour une humanité sereine, dans l’égalité et le respect
mutuel. La coutume de l’excision n’a pas sa place dans ce type de
relation. Le respect de l’intégrité physique est une valeur
universelle. Si vous coupez le clitoris d’une petite fille noire ou
d’une petite fille blanche, le résultat est le même : une femme est
mutilée. Et l’Etat leur doit la même protection ».
Comme l’indiquait Emmanuelle Piet, pédiatre en PMI, entendue comme
témoin, la pratique de l’excision qui concernait 5000 à 6000 femmes
et de fillettes en France, a fortement reculé en dix ans, passant de
150 signalements par an à zéro en Seine Saint Denis, par exemple. La
raison en est d’abord l’information. Vingt ans de procès, une
mobilisation dans les PMI, ont porté leurs fruits. « Dire que c’est
interdit, c’est aussi permettre aux familles de protéger leurs
enfants de la pression coutumière qui pèse encore sur eux, ici comme
au pays. » La prise de conscience se diffuse peu à peu également en
Afrique, a souligné Maître Weil-Curiel.
« Au début, les Africaines
pensaient que la paix, le développement étaient plus importants. Mais
elles considèrent aujourd’hui que les combats sont liés, et nous ont
demandé de les aider à protéger leurs petites filles. » Car la
pratique de l’excision ne recule que très lentement : on compte entre
100 et 130 millions de femmes excisées dans le monde, et deux
millions de fillettes sont encore mutilées chaque année.
Enfin, Hélène Altaï, conseillère conjugale au planning familial, est
venue témoigner des effets de l’excision sur les jeunes filles nées
en France, qui entrent aujourd’hui dans l’adolescence. « Je n’ai pas
de mots pour décrire la rage qui est la leur quand elles sortent du
rendez-vous avec le gynécologue. Elles se sentent trahies, flouées,
et sombrent souvent dans une dépression grave. » Le Pr Paniel, du
CHU de Créteil, faisait état quant à lui d’une nouvelle pratique
chirurgicale permettant, dans certains cas, de reconstruire le
clitoris excisé. Un espoir pour toutes celles qui, aujourd’hui, ne
peuvent se résigner à la mutilation qu’elles ont subie. Car ainsi que
le rappelait Maître Weil-Curiel en citant une jeune fille : « 
L’excision, c’est affreux le jour où tu tombes amoureuse. »

Elise Thiébaut
revue Femmes Solidaires