On a toujours raison de se révolter

Quel rapport entre la chaîne humaine à Notre-Dame-Des-Landes et les affrontements du Trocadéro ? Il serait facile de vanter la première comme un exemple de la fraternité non-violente de l’écologie et de stigmatiser les seconds comme ceux de la violence produite par la logique marchande du capitalisme.

Certes, à NDDL, c’était un vrai moment de convivialité : tutoiement de rigueur et "prix libre" pour la soupe comme pour les crêpes ; rêver - les fesses dans l’herbe et les oreilles entre ZEP et des gwerz bretonnes - à ce que pourrait être une autre société, autogérée, écologiste et multiculturelle ! Mais les barricades encore visibles sur les routes pour empêcher la progression des CRS, les "zadistes" installés dans des habitations précaires dans les bois, les panneaux de certains d’entre eux ne souhaitant pas la bienvenue aux participants à la chaîne, rappelaient qu’il n’y a pas si longtemps, les affrontements aussi y étaient violents. Il y a à NDDL une jeunesse qui refuse radicalement – et parfois violemment - le monde qui lui est proposé et rejette les médiations actuelles de la politique, mêmes celles qui se disent "écologistes" ou "plus à gauche".

Et le Trocadéro ? L’actuel président du PSG et ses actionnaires ont défiguré un sport populaire et turbulent en spectacle standardisé pour droits télévisuels planétaires, avec Tour Eiffel en fond : des jeunes émeutiers l’ont fait exploser en direct. A la différence des zadistes de NDDL, ils n’auraient pas de projet ? Quand on parle "ultra", on amalgame un peu vite les fachos de la tribune de Boulogne et ceux de celle d’Auteuil où se vivait une fraternité multiculturelle, antiraciste et populaire, que les gestionnaires du PSG ont éliminée du Parc des Princes. Front contre Front ?

Tout au long de l’histoire, des Jacqueries du Moyen-âge aux émeutes de 2005 en banlieue, les colères populaires ont été dépolitisées parce que leur message de douleur sociale et de refus de la société était impossible à intégrer, y compris par ceux qui, comme nous, jouent finalement le jeu, d’élections en manifestations Bastille-Nation... Solidarité avec les émeutiers et merde aux Condés !

Stéphane Lavignotte, 17 mai 2013

St. Lavignotte est militant écologiste, pasteur à la Maison verte Paris 18e, président du Christianisme social

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