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Petite leçon de droit à destination du ministre de l’Intérieur

Publie le mardi 2 février 2010 par Open-Publishing

Petite leçon de droit à destination du ministre de l’Intérieur

Brice Hortefeux, le 30 janvier 2010, au sujet de l’assassinat d’un couple de septuagénaires par, semble-t-il, des cambrioleurs, a dit :

« Les sanctions pénales seront aggravées pour ce type de délinquance. […] Ce n’est pas la même chose d’agresser, de cambrioler un octogénaire. »

Code pénal, art. 221-4 [2] :

« Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis [notamment] sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. »

Heu, chef, comment on aggrave la perpétuité ? On garde le cadavre en prison ?

Ah, mais non, le chef parlait de délinquance, et non de criminalité. Il parlait donc des cambriolages des maisons de petits vieux.

Code pénal, art. 311-4 [3] :

« Le vol est aggravé [notamment] lorsqu’il est facilité par l’état d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. »

Vous connaissiez la règle « un fait divers, une loi ? ». Elle a atteint un nouveau pallier : désormais, c’est « un fait divers, votons ce qui existe déjà ».

À lire chez maître Mô, le coup de sang de Marie [4], magistrate du parquet (mon excellent quoique septentrional confrère a plus de chance que moi en adoptant des parquetiers : je n’ai eu que des mâles…) qui fait le tour des infractions d’ores-et-déjà aggravées.

J’en profite pour tirer ma toque au Garde des sceaux qui s’est comporté en Garde des sceaux (ça nous change) en refusant cette démagogie [5]. Merci, madame le ministre.

Et je rends confraternellement hommage à Frédéric Lefebvre, auteur de cet impérissable apophtegme [6] :

« A force de réfléchir avant de légiférer, […] on reste immobile. »

Il parvient presque à faire oublier l’abject titre de cet article du Figaro.

Source : Journal d’un avocat