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Procès C. Gauger/S. Suder. Actualité du combat contre le recours à la torture

par linter

Publie le mercredi 29 mai 2013 par linter - Open-Publishing

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Le 23 avril 2013, dans le procès en Allemagne contre Christian Gauger et Sonja Suder, un médecin a déclaré un homme apte à répondre à sa citation comme témoin. Ce médecin sera présent de nouveau le 4 juin pour répondre selon la législation allemande aux questions de la défense.

Qu’y a-t-il là de condamnable ?

Hermann F.

Ce témoin est Hermann F. Volontairement, nous ne citons pas son nom en entier, car c’est bien la juge qui veut l’obliger à revenir au premier plan de l’actualité, 35 ans après les faits.

Qui est Hermann F.? Un militant des années 70 qui avait voulu protester contre la tenue de la coupe du monde de football en Argentine. Un énorme mouvement avait essayé, en vain de l’empêcher. C’est tout près de la prison où tant d’hommes ont été torturés par la junte que se jouaient "les jeux du stade". Hermann F., lui est accusé d’avoir voulu déposer un engin explosif contre le consulat d’Argentine. C’est l’une des innombrables actions, qui ont eu lieu en Allemagne à l’époque, beaucoup revendiquées par les Cellules révolutionnaires, un groupe qui inscrivait son action dans la lutte contre les dictatures, l’apartheid, le nucléaire, les restructurations urbaines. Cet engin explosif avait explosé sur lui, entraînant son amputation des deux jambes - il est depuis maintenu sanglé dans son fauteuil - l’enlèvement des deux globes oculaires, des brûlures sur tout le corps.

L’Allemagne de 1978. Un homme grièvement blessé interrogé en station intensive puis sans interruption alors qu’il était retenu illégalement et isolé dans des locaux de police

Mais on était en 1978. Quelques mois après Stammheim, dans une Allemagne livrée à un état d’urgence, un état d’exception non avoué. Dès le lendemain des opérations, il se trouvait un médecin, pour autoriser l’interrogatoire de cet homme encore en station intensive, sous l’emprise de puissants analgésiques, profondément traumatisé. Hermann F. restera quatre mois et demi dans les mains de la police et du parquet, retenu de manière illégale sans exécution du mandat d’arrêt, isolé complètement de toute personne de confiance : ami ou avocat.

Nous sommes en 2013

Nous sommes 35 ans après les faits, on pense être loin de Stammheim et de "l’automne allemand", loin de l’isolement sensoriel et des assassinats de prisonniers. Et l’on en est tout proche.

La juge qui préside la cour dans le procès contre Sonja Suder et Christian Gauger, Bärbel Stock, veut à tout prix faire citer Hermann F. Durant ces quatre mois et demi de séquestration, il a fait des déclarations, sur lesquelles il est revenu, dès qu’il a pu échapper au contrôle des policiers.

Depuis l’ouverture du procès, la défense se bat pour faire

- Rejeter le recours à ces déclarations et la citation de Hermann F. compte tenu des conditions dans lesquelles elles ont été obtenues,

 Pour faire reconnaître le traumatisme subi à l’époque par Hermann F. et les risques de réactivation de celui-ci.

Des associations de juristes et de défense des droits de l’Homme ont enfin pris la mesure du scandale.

L’ex-compagne de Hermann F., qui est restée auprès de lui durant ces trente-cinq dernières années est maintenant en prison, pour six mois : selon la loi allemande pour refus de témoigner, la juge peut prononcer une contrainte par corps. C’est ce qu’elle a fait. La loi en allemand porte le "joli" nom de "détention pour faire plier" (Beugehaft). Le témoin. Sibylle S. a pourtant clairement indiqué qu’elle refusait de témoigner compte tenu des conditions dans lesquelles Hermann F. avait été interrogé.

Des faits partout ailleurs largement prescrits

L’on peut penser : cela doit être bien grave pour que la juge s’acharne ainsi. Non, les faits sur lesquels devraient témoigner ces deux personnes sont largement prescrits partout ailleurs : trois actions matérielles, contre la vente de technologies nucléaires au pays de l’apartheid et contre la restructuration du centre-ville de Heidelberg.

Mais ce sont les seuls éléments dont elle dispose contre C. Gauger et S. Suder pour cette partie du procès.


Collusion médecins/injustice

Aussi, le 4 juin est-il une date importante. C’est de nouveau, le témoignage de la collusion des médecins avec "l’injustice". En particulier dans ce procès. Ce "docteur" Haag a été désigné par le tribunal, il va dans le sens du tribunal. Il n’est pas spécialiste de traumatologie mais s’érige en expert. Et comble de tout, il n’a pas examiné Hermann F., et a décidé sur dossier.


L’interrogatoire d’un homme grièvement blessé est défini comme "torture"

Et le 4 juin est essentiel. Car c’est de fait la justification de déclarations obtenues dans conditions contraires aux droits humains : l’interrogatoire d’un homme grièvement blessé est défini comme "torture" dans les textes internationaux.

La justification de la torture : un courant qui se développe

La justification de la torture n’est pas étrangère à la juge Stock. Elle a déjà décidé d’une peine minime dans une autre affaire : un responsable policier avait admis le recours à la violence dans une affaire dont il s’occupait. Cela avait entraîné une condamnation de la Cour européenne de justice.

Et la juge Stock n’est pas isolée, c’est un courant qui se développe ouvertement en Allemagne dans les milieux judiciaires et médicaux.


Le combat contre le recours à la torture, un combat toujours d’actualité

Le combat contre la torture est un combat qu’ont mené des militants, des juristes, des femmes et des hommes depuis si longtemps. Le recours légal à la torture a été aboli il y a plus de 300 ans avec le siècle des lumières et l’avancée des révolutions. Mais ce combat n’a jamais cessé depuis. Le symbole en est pour nous en France la guerre d’Algérie. Avec le développement de "l’anti-terrorisme", il est plus que jamais d’actualité.

linter - 29 mai 2013

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