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Rachida Dati : l’incongrue de la République

Publie le dimanche 26 avril 2009 par Open-Publishing
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On savait que Rachida Dati était plus préoccupée par ses robes que par son Ministère de la justice. A l’occasion des élections européennes, elle se révèle désinvolte, inculte, et totalement à côté de ses pompes

Ian Hamel - le 25 avril 2009, 22h02
 Le Matin Dimanche

La phrase barre la une du journal Libération, illustrée par une photo de Rachida Dati : « L’Europe s’occupe de ce qu’on lui donne à s’occuper avec les personnes qui peuvent porter ces affaires à s’occuper... » Vous n’avez sans doute rien compris ? Eh bien les jeunes de l’UMP venus écouter la ministre de la Justice mercredi dernier à Paris ont eu, eux aussi, beaucoup de mal à suivre son discours totalement décousu. Arrivée avec une heure de retard, Rachida Dati n’a jamais cessé de pouffer de rire et d’ânonner des bêtises du genre : « Alors je récite (rires), 77% de notre énergie provient du nucléaire... C’est ça ? (rires). De l’électricité ? Oh bah, on m’avait dit de l’énergie (rires). »

En campagne

Or, il ne s’agissait pas d’une petite fête entre amis mais d’une réunion à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la campagne pour les élections européennes. En présence de Xavier Bertrand, le secrétaire général de l’UMP, de Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, tête de liste en Ile-de-France, et de Jean Sarkozy, le fils du président de la République. Rachida Dati est numéro deux sur cette liste. Sauf surprise de dernière minute, elle devrait se retrouver députée européenne à Strasbourg en juin prochain.

« L’Europe, c’est une opportunité »

La star du théâtre politique tricolore a-t-elle brusquement pété les plombs cette semaine ? Certainement pas.

En mars, « Le Matin Dimanche » était à Maisons-Alfort, en région parisienne, à l’occasion du lancement de la campagne électorale de l’UMP. Les mêmes acteurs animaient cette réunion, à savoir Xavier Bertrand, Michel Barnier et Rachida Dati. Nous avions pu approcher la ministre de la Justice, toute de noir vêtue. Elle s’était montrée incapable d’aligner trois mots cohérents sur l’Europe. C’est pourtant, avait-elle dit en affichant un sourire éclatant, « sa vraie passion ».

Première question : « En quoi consistera votre engagement ? » Rachida Dati sourit, sourit encore, agite ses boucles d’oreille, et noie le poisson. « Eh bien l’Europe, c’est un défi. Car l’Europe compte de plus en plus. L’Europe, c’est une opportunité. » Puis, après s’être tortillé les mains, elle assure que « l’Europe améliore la vie des citoyens ».

Deuxième question : « Comment cela ? Pouvez-vous préciser ? »

L’ancienne étoile du sarkozysme change de registre. « La vie politique n’est pas que gouvernementale. Je suis dans cette campagne pour les élections européennes de mon plein gré. Je ne change pas de mission, je change de responsabilités », assure-t-elle. « Je vais continuer l’action du président de la République à la tête de l’Europe. En Géorgie, au Proche-Orient, c’est lui qui a obtenu un cessez-le-feu. »

Puis Rachida Dati s’esquive quelques minutes, le temps de se faire briefer par un conseiller sur les subtilités de l’Union européenne. « Je vais vous parler de la justice : l’Europe va permettre la collaboration entre les 27 dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité, le trafic de produits stupéfiants, la pédophilie », explique-t-elle, pleine d’enthousiasme.

Nouvelle question : « Mais cette collaboration n’existe-t-elle pas déjà ? » « Euh, oui. On va la renforcer. Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, les frontières ne sont plus un frein pour exiger les pensions alimentaires. »

Dernière question : « Nicolas Sarkozy s’est-il occupé lui-même des pensions alimentaires ? » « Euh, oui, sans doute. Enfin, nous voulons une Europe qui protège. »

Objectif : Mairie de Paris

En fait, Rachida Dati se moque du Parlement européen comme de sa première robe de soirée. Elle n’y siégera pas davantage qu’au Conseil municipal de Paris, où elle a été élue l’année dernière. On la voit plus souvent au Mathis, un bar ultrabranché des Champs-Elysées, qu’en train de serrer des mains à Conflans-Sainte-Honorine ou à Rosny-sous-Bois. La beurette de Saône-et-Loire (elle y est née le 27 novembre 1965, deuxième d’une famille de 11 enfants) a d’autres ambitions : elle s’imagine maire de la capitale. Rien de moins. En attendant, elle intrigue pour prendre la présidence du prestigieux Institut du monde arabe. Tant pis si elle ne lit ni n’écrit l’arabe.

Incompétente, colérique, machiavélique, ignare, capable de dire tout et son contraire, plus experte en passe-droits qu’en droit, Rachida Dati n’en reste pas moins une icône incontournable. « Beaucoup plus en raison d’une alchimie entre sa fonction et sa personnalité qu’à cause de sa surface politique et ses idées », analyse le sociologue Bernard Cathelat.

La danse du ventre des élus de droite

La fille du maçon marocain fait l’unanimité contre elle dans les rangs de la droite. Mais les élus de la majorité sont contraints de la soutenir à la demande de l’Elysée, qui tente de la marginaliser, mais ne l’abandonne pas tout à fait. Ainsi à Maisons-Alfort, le très sérieux Michel Barnier, grand spécialiste de l’Europe, ne cessait de lever les yeux au ciel et de prendre un air désespéré quand Rachida Dati tentait de répondre aux questions. Heureusement pour lui, entre le lancement de la campagne à Maisons-Alfort, et la réunion de l’Assemblée nationale, il n’a pratiquement jamais vu la ministre de la Justice. Cette semaine, Michel Barnier a prétendu que la conférence sur l’Europe n’était, en fait, qu’« un exercice humoristique ». Et que Rachida Dati était « dans le ton »...

A Maisons-Alfort, Xavier Bertrand, le secrétaire général de l’UMP, s’était arrangé pour arriver le plus tard possible. « Je respecte le Code de la route. Je ne fais donc pas d’excès de vitesse », a-t-il dit sans rire pour justifier son retard. En 2007, à l’occasion de l’élection présidentielle, la piquante Rachida Dati et le rond Xavier Bertrand étaient les deux porte-parole de Nicolas Sarkozy. La première représentait la France plurielle, l’autre, la France provinciale et rassurante. Depuis, ils se détestent. Pourtant, comme Michel Barnier, Xavier Bertrand a couru les médias pour minimiser les bourdes de Rachida Dati. « On ne lui passe rien », commente-t-il, dénonçant une campagne de « harcèlement », et en se disant « choqué » par « le déferlement médiatique ».

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