Accueil > Retour sur la grève victorieuse à l’Université de São Paulo contre (…)
Retour sur la grève victorieuse à l’Université de São Paulo contre l’homophobie des chefs
par Alice Leiris
Publie le lundi 18 mai 2015 par Alice Leiris - Open-Publishing« Au commencement, il y a l’injure », disait Didier Eribon. Ce sont des scènes qui pourraient avoir lieu n’importe où en France ou au Brésil : une fonctionnaire dénonce qu’elle se fait traiter de « gouine » tous les jours par ses chefs, un autre est exclu des réunions de service parce que homosexuel, une autre salariée est mise à l’écart des autres par ses chefs parce que lesbienne. Sauf que cette fois-ci c’était l’injure de trop : les salarié-e-s de l’administration de la Cité Universitaire de São Paulo ont fait 20 jours de grève au mois d’avril contre le harcèlement homophobe des chefs.
La première réaction de l’administration a été de militariser la Cité Universitaire, faisant appel à la Police Militaire pour intimider les grévistes. La réponse des salarié-e-s ne s’est pas fait attendre puisqu’ils organisaient le lendemain un rassemblement contre la répression avec le soutien des étudiant-e-s. A l’occasion de ce rassemblement, grévistes et étudiant-e-s ont aussi exprimé leur solidarité avec Verônica, femme trans noire arrêtée et torturée par la Police Militaire de Sao Paulo, la même qui a militarisé la Cité Universitaire. Mais cette grève, en plus d’avoir été une lutte contre l’homophobie des chefs a été également l’opportunité de dénoncer les conditions de travail, revendication commune à l’ensemble des salarié-e-s. La mobilisation unitaire des dizaines de travailleur/euses a été le moyen de mettre un coup d’arrêt à l’homophobie dans les services, car finalement le 28 avril les les grévistes de l’Université de São Paulo obtiennent un accord qui garantit à la fois le renvoi des chefs et le paiement des jours de grève, faisant de cette grève un exemple de solidarité contre les oppressions.
Le SINTUSP, syndicat de site, et son Secrétariat de femmes (où les militant-e-s trotskistes de le la LER-QI - maintenant MTR - occupent une place importante) a eu un rôle crucial dans la direction de cette grève. Un autre conflit victorieux avait déjà eu lieu à l’USP à l’hôpital universitaire en 2014, pendant lequel les salarié-e-s avaient animé des ateliers sur l’homophobie et le sexisme. Le SINTUSP a d’ailleurs réalisé début mai son sixième Congrès, avec un plénier spécifique sur les oppressions. La discrimination à l’embauche et la discrimination dans le lieu de travail sont des principaux problèmes auxquels font face les personnes LGBTI, car le travail conditionne à la fois les conditions de vie matérielle et la condition sexuelle de millions de travailleur/euses. C’est pour cela que l’exemple du SINTUSP, un syndicat qui a pris en charge les questions de genre au quotidien, est à suivre en France.
Le Brésil est un pays où les violences LGBTI-phobes sont monnaie courante et prennent parfois une étonnante brutalité (sans que la France soit épargnée de ce constat, bien sûr), comme c’est le cas de l’arrestation et du tabassage de Verônica par la PM. A cette occasion les médias ont mené une campagne réactionnaire essayant de consolider l’opinion publique transphobe pour justifier les agressions souffertes par les femmes trans et noires. Dans les entreprises, tandis que les chefs font librement régner la terreur et souvent attisent l’homophobie des collègues, les travailleur/euses LGBTI sont poussés au suivi psychiatrique et à la solitude, quand ils ne sont pas poussé-e-s directement au suicide. Contre la perspective noire à laquelle sont destiné-e-s les personnes LGBTI, pour qui l’injure serait une « sentence quasi définitive, une condamnation à perpétuité, et avec laquelle il va falloir vivre », pour revenir à Eribon, la grève de l’administration de la Cité Universitaire montre non seulement qu’il est possible de vaincre l’homophobie, mais aussi le rôle que peuvent jouer les travailleur/euses dans la lutte pour le libre exercice de nos sexualités.
Source : http://www.ccr4.org/Retour-sur-la-greve-victorieuse-a