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Retraites : Il n’y aura pas de réforme
Publie le vendredi 2 avril 2010 par Open-Publishing6 commentaires
Depuis 2007, la classe politique nous parle jusqu’à la nausée de réformes. En fait de réformer, nous ne faisons qu’assister à une rapide érosion des droits des salariés. Depuis l’annualisation du temps de travail jusqu’à la suppression de la prise en compte des temps de transports des salariés en mission à l’extérieur de leur entreprise, en passant par la suppression déguisée des quotas d’heures supplémentaires ou le travail le dimanche ; le « modernisme » tant invoqué par le pouvoir en place ressemble à s’y méprendre à un formidable retour à l’archaïsme d’avant-guerre.
Le pouvoir en place, et dans une moindre mesure l’opposition, répètent à l’envi que, pour des raisons démographiques, seules trois solutions s’offrent à nous pour « sauver » (sic) notre système de retraites : Le montant de cotisation, le montant des pensions, ou bien la durée de cotisation. C’est ainsi que Xavier Darcos expliquait au début de l’année lors d’un débat au Sénat :
« Face à l’accroissement des déficits, l’exécutif dispose de trois leviers : baisser le montant des retraites, augmenter les cotisations et allonger la durée de cotisation effective. Diminuer le montant des pensions, je vous le dis clairement, serait inacceptable. Quant à l’augmentation des cotisations, j’observe que nous avons déjà le niveau de cotisation le plus élevé d’Europe (...) Je le dis donc sans ambages : dans un pays dont l’espérance de vie s’accroît d’un trimestre chaque année, nous n’avons d’autre solution que de travailler plus longtemps. »
La Mascarade
Ainsi, la pseudo-promesse de Nicolas Sarkozy le mercredi 24 mars 2010 « (...) mon devoir de chef de l’État est de garantir que nos retraites, vos retraites seront financées (...) je ne passerai pas en force. Le temps qu’il faut sera donné à la discussion avec les partenaires sociaux (...) Mais je vous promets qu’avant six mois, les mesures nécessaires et justes auront été adoptées » est une triple mascarade.
La première mascarade étant l’effet d’annonce puisqu’il n’y à là rien de nouveau. Déjà le 22 juin 2009 ce même Nicolas Sarkozy déclarait au sujet des retraites « quand viendra le temps de la décision à la mi-2010, que nul ne doute que le gouvernement prendra ses responsabilités ». Mais passons sur ce tour de passe-passe marketing consistant à faire croire que les élections régionales aient eu quelques conséquences sur la politique nationale. La seconde mascarade est de faire croire qu’il y aura « discussion avec les partenaires sociaux ». Il n’y en aura pas. Les syndicats seront probablement reçus successivement en grande pompe à l’Éysée (et cela occupera à bon compte nos médias nationaux une petite semaine) mais ce n’est que l’air du « cause toujours » qui y sera joué puisque Xavier Darcos nous l’a expliqué « sans ambages » : Il faudra travailler plus longtemps. La troisième mascarade est de faire croire que cela va prendre six mois. Cela ne prendra que tout au plus six minutes, le temps de signer un document, et cela se fera probablement lors d’une chaude journée d’août pendant que la France sera en vacances.
Mais la victoire est déjà acquise pour le gouvernement. Elle a été remportée le jour où, à force de matraquage médiatique, le mot réforme s’est transformé par la magie du Novlang en un synonyme de "efforts supplémentaires pour les salariés". Ainsi la réforme de l’assurance maladie n’a été que créations de franchises sur les médicament ou les soins ; la réforme de l’enseignement n’est que suppression de postes et hausse d’effectifs dans les classes ; la réforme des hôpitaux publics n’est qu’allongement de la durée de travail des infirmières etc.
Le temps de cotisation
Et pourtant, le système du régime général des retraites mériterait bien une véritable réforme, un changement de paradigme même, tant l’évolution de la société l’a rendu injuste son seulement par le creusement des écarts de salaires, le développement de la précarisation, mais également la multiplications de sources de revenus autres que celui venant du travail de l’intéressé. L’illustration la plus marquante étant le système de décompte de la durée de travail que sont les fameux trimestres. Les assurés sociaux imaginent souvent que trois mois de travail équivalent à un trimestre cotisé, quoi de plus logique ? Et bien non, ce n’est pas le cas. Le décompte du temps de travail ne se fait pas sur la base du temps effectif de travail, mais sur la base des revenus ! Il faut toucher 200 heures de SMIC afin de valider un trimestre. Ainsi le travailleur précaire payé au SMIC, devra cumuler 800 heures de travail afin de valider son année complète, soit environ 6 mois à temps complet. En revanche, le cadre qui gagne 2 fois le SMIC validera son année complète, soit 4 trimestres, en ne travaillant que 3 mois !
Le fossé de l’injustice est d’autant plus creusé que ce sont justement ceux qui sont payés au SMIC horaires qui subissent de plein fouet la précarisation du monde du travail : Mission intérimaires, temps partiels imposés, et travaux les plus pénibles. Où est la pertinence de cette comptabilisation en trimestres dans une société où, ainsi que le raconte Florence Aubenas dans « Le quai de Ouistreham », la portion toujours plus grande des plus précaires de la société ne cherchent pas un contrat de travail, mais des heures de travail ? Il est également nécessaire de prendre en compte la pénibilité du travail. Tout le monde en conviendra, la sciatique dont souffre François Fillon est probablement bien moins handicapante à son bureau de Matignon qu’elle ne le serait en portant des cartons de carrelage sur un chantier...
C’est pourquoi il serait vital de décorréler la mesure du temps de travail des revenus. L’acquisition en droits à la retraite ne devrait plus se faire en terme de revenus cotisés et trimestres. Si l’on suppose qu’il faille cotiser l’équivalent de 40 années actuelles, soit environ 64000 heures, alors le seuil pour la retraite pleine devrait être concomittant à l’acquisition de 64000 "points de droits".
Un tel système aurait de multiples intérêts. Le premier d’entre eux étant de prendre en compte plus simplement tant la pénibilité des travaux par l’établissement d’une grille de bonus que la diversité des conditions de travail dans la société moderne. Mettons à titre d’exemple des bonus de 5% pour le travail de nuit, et de 5% pour le travail en station debout, le serveur d’un restaurant pourrait ainsi acquérir 1,1 point pour une heure de travail de 22h à 23h.
C’est d’ailleurs aussi probablement le seul moyen de prendre en compte la pénibilité dans la carrière d’un salarié qui, dans ce monde actuel, est condamné à changer 10 ou 15 fois de métier et de condition de travail dans sa carrière. C’est également un moyen juste de prendre en compte l’évolution des conditions de travail au fur et à mesure de l’évolution des technologies et de la société (s’il est généralement admis que conduire un TGV est devenu physiquement moins pénible qu’une locomotive à vapeur, on peut en même temps se demander si le travail d’un professeur de collège en banlieue n’est pas devenu plus pénible qu’il ne l’était il y a 30 ans).
En plus d’une incontestable régression des injustices, un tel système offre de multiples leviers dans la future gestion du régime de retraite : Le montant global de points à obtenir bien sûr (et donc la durée de cotisation de base) mais également les bonus obtenus selon les conditions de travail et de pénibilité. Il prend en compte également l’explosion de la diversité des conditions de travail dans la société moderne : Si en 1950 l’immense majorité des salariés travaillait du lundi au vendredi de 8h à 17h, le monde du travail s’est aujourd’hui infiniment complexifié. Depuis les centres commerciaux ouverts le week-end et tard la nuit, jusqu’aux astreintes, temps partiels et nombreux déplacements, ils existe maintenant un large spectre de typologies de salariat. Ce spectre s’élargit d’autant plus du fait des privatisation et de la disparition des régimes spéciaux. En effet les domaines dans lesquels, lors de l’après-guerre, il y avait des horaires décalés ou des contraintes spécifiques relevaient soit du service public, soit d’une branche particulière disposant d’un régime spécial. Le régime général n’a pas été conçu pour les spécificités de ces métiers.
Le montant de cotisation
En ce qui concerne le montant de cotisation, les systèmes de retraite complémentaire utilisent depuis longtemps des "points de retraite". Appelons donc ces points des "points de revenus" pour les distinguer des "points de droit". En plus de simplifier la lisibilité pour les assurés, cela aurait également le mérite de simplifier les éventuels transferts de droits entre les différents régimes de retraite, et bien évidemment la "valeur du point" offre ainsi un curseur supplémentaire dans la gestion du régime de retraite.
La pension et la solidarité
En ce qui concerne la pension, un système de "points de revenus" ne peut se suffire à lui-même. Beaucoup considèrent la pension de retraite comme une rente à vie. Cependant il ne faut pas oublier que l’assurance vieillesse reste et demeure une assurance ! Cela peut paraître être une tautologie, cependant ce n’est pas ce qui est appliqué actuellement. Dans l’après-guerre, lorsque le système général de l’assurance vieillesse a été mis en place, il était exceptionnel pour un salarié de tirer des revenus d’autre chose que son travail. Mais maintenant, la société a évolué. Ainsi que l’assurance chômage ou d’autres prestations sociales n’indemnisent qu’en cas de « sinistre social », l’assurance vieillesse ne devrait que protéger contre le sinistre de la vieillesse.
Comment ne pas s’insurger lorsqu’on voit un retraité encaisser de confortables pensions grâce aux cotisations de sa carrière brillamment menée, et en même temps encaisser 2000€ supplémentaires mensuels par la location de 4 chambre de bonnes à Paris saignant ainsi jusqu’à la dernière goutte de jeunes actifs qui, au nom de la solidarité entre les génération, versent déjà plus de 8% de leur salaire pour financer ladite pension ?
Ainsi qu’on le voit dans d’autres systèmes d’assurances sociales, par le biais par exemple du RSA ou de la prime pour l’emploi, l’assurance vieillesse devrait être différentielle. Si l’on suppose par exemple un différentiel de 50%, le retraité qui encaisse 2000€ grâce à ses placements en bourse ou ses revenus immobilier se verrait signifier par le régime général « Vous avez gagné 2000€ de plus, tant mieux pour vous, nous allons donc réduire votre pension de 1000€ puisque nous ne sommes là que pour vous assurer contre la misère liée à la vieillesse, et non pas pour vous verser une rente ».
Ce taux de 50% n’est indiqué qu’à titre d’exemple, cela peut être plus, cela peut être moins, cela peut même être un taux progressif sur le modèle de l’impôt sur le revenu : Les 1000 premiers euros de revenus annexes n’ayant pas de conséquence, les 1000 suivants entrainant une baisse de la pension de 100€, les 1000 suivants entrainant une baisse de la pension de 200€ supplémentaires etc. Ces taux fournissant ainsi un curseur supplémentaire dans la gestion du système de retraite.
Un tel système différentiel serait d’autant plus pertinent que ceux ont pu le plus investir sont ceux qui ont le mieux gagné leur vie, et donc ceux qui touchent les plus grosses retraites, profitant là d’un formidable effet de levier au détriment des jeunes générations.
Il n’y aura pas de réforme
Voilà cher lecteur, je ne cherche pas à te convaincre qu’un système tel qu’il est décrit ici serait bon, meilleur ou le meilleur ; mais je cherche à t’expliquer qu’une réforme ne doit pas être de l’immobilisme. Une véritable réforme consisterait à modifier en profondeur le système, en prenant en compte les évolutions passées et futures de la société et du monde du travail.
Mais rassures-toi, il n’y aura pas de réforme, puisqu’on nous l’a dit « sans ambages » : Il faudra travailler plus, pour très certainement gagner moins.
Car, telle est la musique du Novlang :
La réforme c’est l’immobilisme ;
l’ignorance de la Princesse de Clèves c’est la force ;
la vidéosurveillance c’est la vidéoprotection ;
la modernité c’est la régression au 19ème siècle.
Et n’oublie pas, cher lecteur : On nous regarde.
Par Aegir
Messages
1. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 2 avril 2010, 09:08, par momo11
Bon je me redis sans doute,mais réformons les retraites des politiques,elles sont dorées !Après avec toutes ces économies ,nôtre système sera sans doute excédentaire.momo11
2. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 2 avril 2010, 10:28
Comme tous les articles sociaux démocrates sur le sujet, ce article fait une triple impasse :
-1-Le chômage pénalise les rentrées dans les caisses retraites. Donc le pb des retraites est , avant tout un pb d’emploi. Le plein emploi résoudrait totalement le pb retraites !
-2-Raisonner en terme d’allongement de durée de cotise revient à admettre que les gains de productivité peuvent être totalement engrangés par le capital, donc exonérés de cotises retraites !
-3-Toutes les solutions proposées visent à masquer une réduction du montant des pensions, et donc à taire les effets pervers sur l’activité économique qui en découlera !
Enfin, il semble que le bourgeoisie pense sérieusement à l’après Sarko. Carbonisé pour carbonisé, celui-ci a donc pour objectif principal, sinon unique, de produire, avant 2012, une "réforme" la plus profonde possible en faveur des intérêts de la bourgeoisie. Sa dernière intervention sur le sujet est explicite, "10 mois" a-t-il dit le reste n’est que de l’emballage !
1. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 2 avril 2010, 10:50, par pilhaouer
D’accord sur le point 1, mais pas sur les deux autres points :l’article ne reprend absolument pas les mesures visant à augmenter le temps de cotisation, il cite Darcos pour critiquer justement les leviers proposés et conclut d’ailleurs ironiquement : "Il faudra travailler plus, pour très certainement gagner moins"
L’intérêt de cet article est d’une part le fait de dire qu’il n’y aura ni réforme (mais destruction) ni pseudo-concertation (tout est déjà décidé), mais aussi d’analyser la décorrélation du temps de travail et des revenus.
2. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 2 avril 2010, 13:02
Plus SD et démago que çà, tu meurs. Pourquoi les loyers sont chers à Paris ? A cause des proprio qui arrondissent leurs retraites, ou du déficit de logements, sociaux en particulier, dans la capitale ?
Et encore :
Pas toujours vrai, voir prof libérales, commerçant, agriculteurs, artisans,...etc qui n’ont que des retraites symboliques et qui compensent par la capitalisation, et les aléas qui vont avec...C’est d’ailleurs ce système que veut généraliser la bourgeoisie.
Et toujours un parfum de division intergénérationnel, et inter retraité (cadres-ouvriers, privés-publics....) mais rien sur les revenus des jeunes capitalistes !
Après on peut toujours inventer de meilleurs systèmes de calcul, mais l’important c’est ce qui tombe dans la dernière case : Net à payer !
3. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 2 avril 2010, 17:33, par (k)G.B.
Les deux. Ou plus particulièrement, à cause AUSSI des proprios multiples, qui, non contents d’avoir une résidence principale, une secondaire, ont parfois 1, 2, 3 ou plus appartements qu’ils louent à des gens qui n’ont pas les moyens d’être, eux, propriétaires.
Je trouve totalement indécent que certains puissent avoir plusieurs domiciles alors que nombreux sont ceux qui n’en ont même pas un seul. Retraités ou pas, ça ne change rien à l’histoire.
4. Retraites : Il n’y aura pas de réforme, 3 avril 2010, 09:00
Je regrette mais je crois plus pertinent, avant de s’occuper des retraités qui ont louent 1,2,3 logements, de s’occuper des particuliers ou des sociétés immobilières qui louent 4, 5, 100, 1000 logements....... Et le meilleur moyen est encore de mettre sur le marché assez de logements pour faire plonger les loyers et... la spéculation.