Accueil > Sagesse, où es-tu ?
Je préviens tout de suite, ce qui suit est une disgression impromptue, une critique qui vaut surtout pour moi... et pour pas mal d’autres.
Voilà : plus j’écris, plus je lis, plus je m’informe, plus je tente de m’exprimer, de donner mon avis, d’échanger, de naviguer dans la virtualité des idées et des débats, plus je me sens... con. Bête. Manichéen. Sectaire. Agressif. Méchant.
Au fur et à mesure que j’essaye de communiquer mes émotions et les connaissances que je pense avoir acquises, je m’enfonce...
J’essaye d’être indépendant, de penser par moi-même, de chercher et trouver seul, et ma foi je perds ma liberté, mon insouciance, ma sérénité.
Je théorise, je réfléchis, je construis des raisonnements et je perds mon humanité.
Je critique les médias "dominants" en raison de leur comportement et à la première occasion je me comporte de la même façon, participe avec la même sauvagerie à la curée. Parfois sur des cibles différentes, parfois sur des cibles identiques.
Je me prétends humaniste, je me comporte comme un fasciste virtuel, clouant au pilori les voix dissidentes de la mienne. Usant volontiers de l’anonymat lâche et assassin.
J’obéis à des clichés. Des clichés bourgeois, des clichés populistes, des clichés mous, des clichés durs, ça dépend du sujet évoqué.
J’aime bien taper sur l’Amérique parce que c’est consensuel. Mais là aussi je me rends compte que c’est stupide. Alors je me rabats sur des sujets de société, des choses qui m’intéressent ou m’interpellent et là, point de salut, je dois choisir mon camp.
Quoique l’on dise, on finit toujours dans le camp de quelqu’un.
La solution est-elle de se taire et de ne plus rien dire ?
De regarder sans juger ni parler ?
Je peux choisir d’être rationnel, de défendre ma position sociale, ma classe. Mais cela m’apparaît vite odieux, égoïste, arrogant. Je suis alors mes émotions, mes idéaux. J’essaye de défendre des valeurs. Mais elles ne pèsent pas lourds face à la réalité. C’est surtout une manière de se donner bonne conscience.
Donc il ne me reste plus que la vie elle-même. L’amour de ma compagne. Les potes. Les choses aussi (merci Perec). Mes bouquins. Mes vidéos. Mes disques. Donc mon canapé, ma télé, ma chaîne hi-fi. Mon ordinateur que j’utilise sans cesse pour aller porter la bonne parole virtuelle ou juste me divertir. Mes bibelots improbables ramenés d’un peu n’importe où. Mon lit que j’estime bien confortable. Mes vacances que je me paye de temps en temps pour m’évader. Les gamins qui arriveront un jour.
Et puis mon boulot qui me permet de payer tout ça, de "consommer".
Ce boulot à la fois aimé et détesté. Les choses intéressantes que je peux y faire mais qui s’inscrivent hélas éternellement dans la même logique de business. Toutes les choses qui ne servent à rien dans l’absolu mais qui ramènent du fric à la boîte. Qui me revient en partie dans mon salaire et dont je profite. Dont je profite pour me payer des choses et des émotions. Pour consommer quoi.
Au bout d’un moment, ça m’écoeure. Faut que ça sorte, que j’en sorte. Que je gueule, que je crie, que moi aussi je montre que je ne suis pas d’accord.
Et d’ailleurs tout le monde autour de moi est d’accord pour dire qu’il n’est pas d’accord avec tout ça.
Et après avoir bien tapé sur les capitons de la cellule, après avoir trouvé une victime - le système, les riches, une chercheuse chez EDF, la CGT, le Medef - je me calme.
Et me rendors.
Et le cycle recommence.
Sans cesse.
Ah, sagesse, où es-tu ?