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Sarkozy : communiqué, c’est emballé !

Publie le dimanche 12 juillet 2009 par Open-Publishing
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Juan - blogueur associé - | Dimanche 12 Juillet 2009, MARIANNE

Quand Nicolas Sarkozy parle du G8, il se veut pédagogue. Un exercice difficile puisque le sommet du G8 fut, concrètement, un échec complet, un exercice de communication qui tourna à la farce. Cette semaine, la 114ème depuis l’élection présidentielle de 2007, Nicolas parle, parle et parle. On l’entend, mais qui l’écoute ?

Rocard à la soupe
Lundi, Nicolas Sarkozy a jeté sa dernière petite bombe dans la marre médiatique : un communiqué de la Présidence informe que le Monarque nomme Rocard et Juppé pour animer le spectacle du moment - réfléchir aux priorités du futur emprunt national. Michel Rocard est tout sourire. Il s’est même permis de publier une tribune surprenante dans Le Monde pour dénoncer le silence général de la classe politique sur la précarisation du travail, accélérée par la crise. Et il la conclue d’une phrase lapidaire : "En votant partout conservateur, pour les forces qui nous ont amenés à la crise, les électeurs ont montré leur attachement au modèle du capitalisme financiarisé." Voulait-il se faire pardonner sa collusion temporaire avec l’hôte de l’Elysée ? Tout le monde sait que l’emprunt populaire n’est qu’une opération de communication. Nicolas Sarkozy ne s’en cache pas. Michel Rocard participe à cet habillage de l’endettement. Jeudi, la commission des Finances du Sénat s’inquiétait de la progression de la dette publique : de 40% du PIB il y a 20 ans, elle dépasse les 80% cette année, et atteindra les 100% du PIB en 2012.

A quoi sert Michel Rocard ? A communiquer.

Non content de troubler le jeu politique et d’occuper les médias avec cette double nomination, Nicolas Sarkozy nous gratifia d’une avalanche de communiqués lénifiants sur le compte-rendu de sa rencontre de quelques heures avec Gordon Brown : « le réchauffement de la planète », c’est mal, mais l’énergie nucléaire, c’est « important » ; l« es retours forcés d’immigrés clandestins », c’est bien ; il faudrait une ambition industrielle européenne ; il faudrait aussi « coopérer étroitement pour faire face aux problèmes politiques, économiques et de sécurité du XXIème siècle ». Les deux dirigeants ont ils partagé une seule décision concrète à l’issue de leur rencontre ? Non, pas une. Juste des déclarations d’intention « y-qu’à-faut-qu’on ».

A quoi servait ce micro-sommet franco-britannique à Evian ? A communiquer.

Martin Hirsch défend sa soupe
Lundi toujours, Martin Hirsch livrait son « livre Vert », fruit de de « 190 heures » de débats au sein d’une commission de 80 membres. Le haut commissaire à la jeunesse a listé ses 57 propositions. En l’absence de calendrier concret et de pistes de financement, le projet a déçu. Parmi les mesures phares mises en exergue par le gouvernement, il en est une qui devrait faire jaser : plutôt que d’abaisser l’âge minimal d’accès au RSA, la commission recommande de créer un « système équivalent au RSA complément de revenu, le cas échéant à partir d’une durée minimale de travail et de cotisations sociales », sans préciser s’il doit s’adresser à tous les jeunes ou seulement aux étudiants. Un RSA spécial Jeunes en quelque sorte. En France, on est majeur à 18 ans, mais il faut attendre 25 ans pour accéder à la plupart des aides sociales. Avant cet âge, on a droit à des réductions, pour la plupart réservée aux étudiants. La précarisation de la jeunesse n’est pas traitée, une fois de plus.
Le débauché de l’ouverture de 2007 ne s’est pas posé la seule question qui vaille le concernant : quelle distance politique existe-t-il entre sa démarche et la trajectoire principale du programme sarkozyen ? Elle est immense. Pour son propre projet, le Revenu de Solidarité Active en vigueur depuis quelques semaines, le Haut Commissaire a dû avaler quelques couleuvres, comme le dispositif de flicage du niveau de vie des bénéficiaires du RSA. Plus globalement, il a accepté de collaborer au gouvernement de la pire contre-réforme que la France ait connue depuis la guerre, un projet de société qui vise à détruire et remplacer le compromis social de notre pays.

Lundi enfin, les premiers bénéficiaires du RSA, inscrits début juin, touchaient leur chèque. Les autres, enregistrés après le 15 juin, devront attendre deux mois supplémentaire, soit la fin août. Le gouvernement est débordé par le volume d’inscriptions. Les anciens RMIstes, un million sur les 3 millions de foyers prochainement inscrits, percevront un montant identique au RMI d’antan, soit 454 euros pour un célibataire. Pour les actifs, le montant variera selon les ressources, la situation familiale et l’âge des enfants. Les statistiques parlent d’elles mêmes : 3,1 millions de foyers prochainement inscrits, et Hirsch espère en sortir 700.000 de la pauvreté, quand la France compte déjà près de 8 millions de personnes au-dessous du seuil de pauvreté. L’OCDE estime déjà que la mise en place du RSA « n’aura qu’un impact limité sur l’emploi des travailleurs peu qualifiés ». Durablement subventionnés par l’Etat, ces RSAistes sont des salariés à même d’accepter durablement n’importe quel boulot, les nouveaux précaires de Sarkofrance.

A quoi sert Martin Hirsch ? A communiquer.

Travailler plus pour consommer moins
Nicolas Sarkozy est agacé par la fermeture des magasins le dimanche. A titre personnel d’abord, à en croire l’exemple (faux) multi-répété des Champs Elysées. A titre politique ensuite, car l’extension du repos dominical est sans doute la seule manifestation tangible qui restera de son slogan fumeux et funeste « travailler plus pour gagner plus ». La défiscalisation des heures supplémentaires, votée dès l’été 2007 et entrée en vigueur au 1er octobre de la même année, a échoué. cette mesure a été une aubaine formidable pour détruire l’intérim (dès avril 2008), limiter les embauches et plafonner les augmentations de salaires. A l’automne, ce dispositif a été définitivement ringardisé par la récession. Des centaines de milliers de chômeurs, précarisés par l’obligation d’accepter une « offre raisonnable d’emploi » définie par des technocrates de l’UMP n’en bénéficient évidemment pas.
Reste donc le travail le dimanche. Le député socialiste Jean-Louis Bianco a eu cette remarque de bon sens : les Français auront-ils plus d’argent sous prétexte que les magasins seront ouverts le dimanche ? L’Elysée a demandé à un député-godillot de présenter son texte cette semaine. Le timing est parfait. Les vacances scolaires démobilisent la contestation, et le nouveau règlement de l’Assemblée Nationale empêche l’opposition de faire traîner l’examen pour faire monter le débat hors les murs du Palais Bourbon. Dix-neuf heures et cinquante minutes, rien de plus, ont été dévolues aux députés de l’opposition pour critiquer le texte.
A lire les débats parlementaires, on mesure l’hypocrisie gouvernementale : il a fallu la vigilance de Martine Billard pour éviter une catastrophe ; elle a fait passer un amendement prévoyant qu’un chômeur refusant une offre d’emploi le dimanche ne serait pas sanctionné par le pôle emploi. Les promoteurs UMPistes de la loi n’y avaient pas pensé... Ben voyons ! Vendredi, la funeste loi a été adoptée par les députés UMP et du Nouveau Centre, juste à temps pour qu’ils puissent partir en week-end de 4 jours. L’Assemblée Nationale ne reprend ses travaux que mercredi à 15 heures. Dimanche, Nicolas Sarkozy ne travaillera pas non plus. Il faut dire qu’il a fait des heures supplémentaires cette semaine en dînant avec les grand de ce monde au sommet du G8 en Italie...

A L’Aquila, Sarkozy parle encore
Mercredi 8 juillet, notre Monarque était encore agacé en arrivant à l’Aquila, cette petite ville italienne dévastée par un tremblement de terre il y a quelques mois. Son avion présidentiel a dû faire des ronds en l’air avant de se poser dans le minuscule aéroport, le temps que Barack Obama pose le sien. Le lendemain, le président français est plus souriant. Il s’est réjoui devant la presse des progrès accomplis, à quelques heures de la fin du G8, dans les discussions avec ses collègues. Premier sujet, la « gouvernance mondiale » a fait l’objet de conversations extrêmement libres lors du déjeuner de jeudi (bravo !), qui se sont poursuivies le soir. Nicolas Sarkozy a tenté de masqué la tartufferie, l’absence de décision. Il a eu quelques peines à prouver que la gouvernance mondiale allait enfin changer. Il a d’abord répété que la représentativité du G8 est en cause. « Avec le président Lula », il a proposé de fusionner le G8 et le G5, et d’y ajouter l’Egypte pour créer un G14. Vous suivez ? Et le G20 alors ? Sarkozy promet qu’en 2011, quand la France présidera le G8, tout changera. Jeudi, il a aussi énuméré toutes ses demandes, insatisfaites à ce jour, comme toujours : la création d’une organisation mondiale de l’environnement qui devra notamment « gérer les résultats du sommet de Copenhague », la présence systématique de l’Organisation Internationale du Travail aux sommets du G8, l’élargissement du G8 aux pays émergents. Sarko le gaucho de circonstance s’en fiche. En 2017, il ne sera plus là. Il a également demandé que les crédits accordés aux Etats par le FMI et la Banque Mondiale soient désormais conditionnés au respect des normes sociales de l’OIT. Sarkozy répète plusieurs fois que « ça progresse, ça progresse beaucoup. » « Il y a véritablement une prise de conscience ». _ Les résultats ? Ils sont quasi-nuls.

Sur le second sujet, le climat, même constat. Nicolas Sarkozy se félicite d’un « progrès considérable », la publication d’une « déclaration du G14 » qui rappelle qu’il faut limiter le réchauffement climatique à ... 2 degrés parce que les « experts du monde entier » l’ont dit. La planète meurt, et le G8 déclare. Quel accomplissement ! Nicolas Sarkozy rappelle que les dirigeants du G8 ne sont pas parvenus à rallier les pays émergents une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, mais que le G8 s’est engagé la veille à un taux supérieur (80%) d’ici ... 2050. En 2050, Nicolas Sarkozy aura 95 ans. Et il oublie une chose : à peine publié dans l’après midi de mercredi, le communiqué du G8 était dénoncé par un conseiller du président russe, qui a fustigé le caractère « inacceptable et probablement hors d’atteinte » de ces objectifs. La veille, une autre réunion internationale avait déjà échoué à se mettre d’accord sur le même sujet : le Forum des Principales économies (MEF), qui réunissait des représentants du G8 et des pays émergents, avait ... refusé toute annonce datée et quantifiée de réduction des émissions mondiales.
Dernier sujet, que le président français a failli oublier : le refus du protectionnisme. C’est déjà ça. Quand le temps des questions à la presse est venu, une journaliste française interroge le chef de l’Etat sur ... Carla Bruni-Sarkozy et son manquement au protocole.

Carla a éclipsé Nicolas
Effectivement, Carla Bruni avait refusé de suivre le programme officiel prévu pour les épouses des dirigeants du G8 à l’Aquila en Italie. Arrivant sur place avec 24 heures de retard, la chanteuse aphone a, paraît-il, déchainé les passions transalpines. La veille, elle s’était offert une tribune dans un quotidien britannique The Guardian (« le sida en Afrique, c’est mal »), pour appeler le G8 à maintenir ses efforts financiers de santé en Afrique. Son refus de suivre le protocole prévu par Silvio Berlusconi agacent la presse de droite. Carla la rebelle, mais Carla la généreuse : le quotidien de Sarkofrance nous apprend qu’elle « fera également une donation, par l’intermédiaire de sa fondation, pour la reconstruction de l’hôpital » de la ville dévastée.
Ce n’est pas la première fois que le président français se cache derrière son épouse. Depuis plusieurs semaines, la presse se délecte de cette stratégie présidentielle. Nicolas a changé. Pour preuve, son épouse lui a ouvert les portes de ses salons mondains, ceux qui accueille un certain gratin soit-disant à gauche. Carla est partout, derrière la nomination de Jean-Luc Hees et Philippe Val à Radio France, ou de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture ; Elle est aussi à l’origine de la passion soudaine de Nicolas Sarkozy pour les beaux-arts et la littérature classique ; ça fait plus sérieux, plus présidentiel que Didier Barbelivien, Christian Clavier et Johnny Halliday...

A quoi sert Carla Bruni-Sarkozy ? A communiquer.

Les ministres communiquent mal
On murmure que le ministre Frédéric (Mitterrand) serait prochainement secondé d’un autre Frédéric, Lefebvre celui-là. Cette probable nomination vers le 23 juillet n’a qu’un objectif : trouver un strapotin médiatico-politique à au porte-parole de l’UMP. ce dernier doit laisser sa place de député à André Santini. S’il l’avait fait dès le remaniement du gouvernement le 23 juin dernier, on aurait dû organiser une élection législative partielle dans la circonscription des Hauts de Seine. Sarkozy a préféré attendre le délai de trente jours, afin de permettre à Santini de récupérer sans heurt son fauteuil à l’Assemblée Nationale. Frédéric Mitterrand n’a pas l’air d’apprécier. Il a expliqué cette semaine qu’il n’avait pas besoin d’un secrétaire d’Etat auprès de lui.
Le lendemain, Luc Chatel défend mal la suppression des postes de RASED, une décision qu’il a hérité de son prédécesseur à l’Education National Xavier Darcos : tout opposant antisarkozyste pavlovien que nous sommes, nous n’aurions pas compris : les 1500 postes ne sont pas supprimés mais « sédentarisés ». Luc Chatel ne sait visiblement pas que les académies confirment un peu partout en France la suppression de postes RASED, au grand dam des associations de parents d’élèves et des enseignants.
Christine Lagarde, elle, évite une sombre gaffe. Le patron d’EDF annonce qu’il a besoin les tarifs de l’électricité d’au moins 20% dans les trois ans. La ministre de l’Economie réagit violemment, mais concède qu’il faudra sans doute cette augmentation... avant d’expliquer, plus tard, qu’aucune décision n’a été prise.

Les vrais sujets sont donc occultés : la lutte contre la précarité, l’insécurité, la dégradation des comptes publics, l’injustice fiscale. Sarkozy communique pour masquer. Une vieille tactique.

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