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Sept règles pour aider à la diffusion des idées racistes en France (J. Rancière, 1997)
par jpd
Publie le mardi 15 décembre 2015 par jpd - Open-PublishingComprendre les régionales
Sept règles pour aider à la diffusion des idées racistes en France
Un texte de Jacques Rancière de... 1997
Un texte clair, simple, qui nous permet de réfléchir sur les vingt dernières années qui ont conduit à la situation que l’on sait. Des intellectuels dits « de gauche » ont aidé à rénover l’idéologie du FN en enrôlant la République, la laïcité, l’universalisme et l’égalité des sexes au service de la stigmatisation des « barbares ». Et les partis de gouvernement qui ont permis la destruction du tissu industriel et des solidarités sociales ont pris le relais avec leurs campagnes « républicaines ».
Dans un interview à l’Obs du 10/12/2015, Jacques Rancière déclare :
Je n’aime pas bien jouer les prophètes, mais il se trouve que j’avais écrit en 1997 un texte satirique intitulé : « Sept règles pour aider à la diffusion des idées racistes en France » [voir plus bas]. J’y mettais à nu le double jeu des politiciens, journalistes et intellectuels qui stigmatisaient le FN et ses électeurs tout en diffusant ses idées, et notamment en relayant l’obsession du « problème » des immigrés. Depuis lors, on a fait encore mieux. Des intellectuels dits « de gauche » ont aidé à rénover l’idéologie du FN en enrôlant la République, la laïcité, l’universalisme et l’égalité des sexes au service de la stigmatisation des « barbares ». Et les partis de gouvernement qui ont permis la destruction du tissu industriel et des solidarités sociales ont pris le relais avec leurs campagnes « républicaines ». Quand tous ces gens viennent dire : « Nous sommes le seul rempart contre le FN », je ne m’étonne pas du nombre de ceux qui pensent que, somme toute, les assaillants sont peut-être préférables à ces remparts.
Voici le texte en question (et à la suite l’interview complet de Rancière dans l’Obs, et trois autres textes :
« Les idéaux républicains sont devenus des armes de discrimination et de mépris » (avril 2015)
L’introuvable populisme (janvier 2011)
Racisme, une passion d’en haut (septembre 2010)
Sept règles pour aider à la diffusion des idées racistes en France
par Jacques Rancière
Le Monde du vendredi 21 mars 1997 (Horizons-Débats).
La diffusion des idées racistes en France semble être aujourd’hui une priorité nationale. Les racistes s’y emploient, ce qui est la moindre des choses. Mais l’effort des propagandistes d’une idée a des limites, en un temps où l’on se méfie des idées, et il a souvent besoin pour les dépasser, du concours de ses adversaires. Là est l’aspect remarquable de la situation française : hommes politiques, journalistes et experts en tout genre ont su trouver ces dernières années des manières assez efficaces de faire servir leur antiracisme à une propagation plus intense des idées racistes. Aussi bien toutes les règles énoncées ici sont-elles déjà employées. Mais elles le sont souvent d’une manière empirique et anarchique, sans claire conscience de leur portée. Il a donc paru souhaitable, afin d’assurer leur efficacité maximale, de les présenter à leurs utilisateurs potentiels sous une forme explicite et systématique.
Règle 1. - Relevez quotidiennement les propos racistes et donnez-leur le maximum de publicité. Commentez-les abondamment, interrogez incessamment à leur propos grands de ce monde et hommes de la rue. Supposons par exemple qu’un leader raciste, s’adressant à ses troupes, laisse échapper qu’il y a chez nous beaucoup de chanteurs qui ont le teint basané et beaucoup de noms à consonance étrangère dans l’équipe de France de football. Vous pourriez considérer que cette information n’est vraiment pas un scoop et qu’il est banal, au surplus, qu’un raciste, parlant à des racistes, leur tienne des propos racistes. Cette attitude aurait une double conséquence fâcheuse : premièrement vous omettriez ainsi de manifester votre vigilance de tous les instants face à la diffusion des idées racistes ; deuxièmement, ces idées elles-mêmes se diffuseraient moins. Or l’important est qu’on en parle toujours, qu’elles fixent le cadre permanent de ce qu’on voit et de ce qu’on entend. Une idéologie, ce n’est pas d’abord des thèses, mais des évidences sensibles. Il n’est pas nécessaire que nous approuvions les idées des racistes.
Il suffit que nous voyions sans cesse ce qu’ils nous font voir, que nous parlions sans cesse de ce dont ils nous parlent, qu’en refusant leurs « idées » nous acceptions le donné qu’elles nous imposent.
La suite sur http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article1772
Avec trois autres textes
« Les idéaux républicains sont devenus des armes de discrimination et de mépris » (avril 2015) L’introuvable populisme (janvier 2011) Racisme, une passion d’en haut (septembre 2010)