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Suisse : le vote anti-immigration inquiète les Européens

Publie le lundi 10 février 2014 par Open-Publishing

A une courte majorité (50,3 %), les Suisses ont dit « oui » dimanche à une limitation de l’immigration, proposée par référendum. Cette votation était à l’initiative du parti UDC (droite populiste), excédé par la forte hausse du nombre des immigrés ces dernières années.

« Nous avons gardé notre indépendance », a déclaré en son nom Christoph Blocher, conseiller national, membre de ce mouvement, ajoutant que le peuple suisse a dit « non » à la libre-circulation. « Le peuple reprend son destin en main en matière d’immigration. Et les Suisses bénéficieront à nouveau de la priorité sur le marché du travail », se félicite-t-il.

Le texte voté dimanche prévoit le rétablissement de quotas et de contingents pour les étrangers, les frontaliers et les demandeurs d’asile, en fonction des besoins et des possibilités du pays. Jusqu’à présent, la Suisse était considérée comme un Eldorado par de nombreux Européens à la recherche d’un emploi. Près de 80 000 Européens s’y installent tous les ans, soit l’équivalent d’une ville moyenne.

Les Européens sous le choc. La Commission européenne a aussitôt « regretté » la décision des Suisses d’introduire des quotas d’immigration et prévenu qu’elle « examinera les implications de cette initiative sur l’ensemble des relations entre l’UE et la Suisse ». Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a estimé que le vote allait « créer de nombreuses difficultés pour la Suisse dans beaucoup de domaines ».

Le système de quotas et de contingents existait en Suisse, avant la signature de sept accords bilatéraux (transports, recherche, agriculture, marchés publics...), dont celui sur la libre-circulation en 1999. De source européenne, on indiquait dimanche que si ce dernier accord est dénoncé, au bout de six mois, les six autres accords signés en même temps en 1999 (Bilatérales I) deviendront à leur tour caducs.

Toujours de même source, l’adhésion de la Suisse à l’espace Schengen abolissant les frontières, serait également remise en question, la libre circulation étant considérée comme un préalable par Bruxelles.

Une tournée pour expliquer le vote. Le président de la Confédération suisse, Didier Burkhalter, compte se rendre dans les capitales européennes pour expliquer le vote. Son premier rendez vous sera à Berlin, principal partenaire économique de la Suisse. « Le peuple est souverain (...) le système est sain qui n’oblige pas la population à suivre des autorités politiques qui auraient des compétences démesurées », a-t-il estimé. Il a admis qu’il s’agissait d’un désaveu par les Suisses de la politique du gouvernement.

Didier Burkhalter a aussi mis en garde les dirigeants européens, estimant que ce rejet de certaines conséquences de l’immigration « n’est pas une spécificité suisse, on le rencontre dans d’autres pays qui n’ont pas l’occasion de l’exprimer » comme en Suisse.

Des manifestations spontanées. Convoquées via le réseau social Facebook, deux manifestations spontanées ont eu lieu dimanche soir en Suisse pour protester contre le résultat du référendum contre l’immigration. De 500 à 600 personnes ont manifesté à Berne, la capitale fédérale, pour dénoncer autour d’une banderole « leur Suisse-notre cauchemar ». Ils ont scandé « Droit de séjour pour tous partout » et « Nous avons honte ». Indignation également à Lucerne, où environ 300 personnes sont descendues dans la rue.

Dans la presse. Pour « Le Temps » à Genève, « le retour aux contingents de travailleurs européens » constitue « un tournant historique dans la politique européenne de la Suisse et qui aura des conséquences imprévisibles ». Il note l’opposition ville-campagne dans les votes, le fossé entre Suisse romande, qui a voté non, et Suisse alémanique, qui a voté oui. « Une fois de plus ce sont les régions les moins touchées par l’immigration et la libre circulation qui ont marqué le plus nettement leur volonté de les maîtriser », relève « Le Temps » qui regrette qu’au gouvernement personne n’ait voulu approfondir les causes de cette coupure nouvelle.

« La Tribune de Genève » parle de « gifle pour le Conseil fédéral », le gouvernement, et s’inquiète pour l’économie de la ville, qui fonctionne avec une forte présence d’étrangers, aussi bien dans la banque (35% du personnel) que dans les institutions internationales.

« 24 heures », le quotidien vaudois publié à Lausanne, titre « Le jour où un pays prospère s’est inventé une crise majeure ». « Vingt-et-un ans et deux mois après avoir refusé l’Espace économique européen (par référendum en 1992 avec un score quasi identique), le peuple suisse, à nouveau divisé comme jamais, vient de donner un coup d’arrêt à la libre circulation des personnes ». « La partie s’annonce rude pour un pays très intégré économiquement mais très isolé politiquement », estime le journal.

« Il est certain que le oui au texte (du parti) UDC n’est pas favorable à l’économie suisse et, partant, au bien-être de la population », note la « Neue Zürcher Zeitung », à Zurich, où le non l’a emporté. Cet avis n’est pas partagé par la « Basler Zeitung », de Bâle (le non y a triomphé) pour laquelle « toute la Suisse » a remporté une « victoire » : le journal bâlois juge pourtant ce scrutin comme étant peut-être « la plus grande défaite jamais subie pour l’économie et les syndicats ».

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