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Ultime tentative d’apaisement avant Avignon

Publie le lundi 7 juillet 2003 par Open-Publishing

Le conflit qui oppose depuis une semaine les intermittents du spectacle au gouvernement entre, lundi 7 juillet, dans une phase décisive, avec l’annonce, par Jean-Jacques Aillagon, des points de l’accord sur l’assurance-chômage "susceptibles d’être ajustés". Le ministre de la culture et de la communication a passé le week-end à consulter, de visu avec les partenaires sociaux de branche, puis au téléphone avec les responsables des confédérations syndicales. Dimanche, il a aussi consulté les autres ministres concernés, notamment le ministre des affaires sociales, François Fillon, ainsi que Matignon, afin de proposer une stratégie de gouvernement, qui devait être annoncée lundi à 12 h 30, au cours d’une conférence de presse.

Dans l’entourage du ministre, on précisait dimanche soir que la logique de l’accord sur la modification du régime des intermittents, signé le 27 juin par les organisations patronales et trois syndicats minoritaires, serait préservée. Le gouvernement ne remettra pas en cause l’agrément à cet accord, même s’il le conditionne à des améliorations apportées au texte initial. La Rue de Valois a ainsi identifié, au cours des consultations qui se sont tenues depuis une semaine, des "points névralgiques" et cherche à les régler, en accord avec l’inspection du travail.

Une panoplie d’actions doit ainsi tenter de mettre fin aux abus existants dans le régime des intermittents. Ces mesures doivent aller bien au-delà de la possibilité annoncée de croiser les différents fichiers des organismes sociaux auxquels adhèrent les intermittents (assurance-chômage, Sécurité sociale, congés). D’autres mesures doivent également permettre de ne pas pénaliser les jeunes compagnies de théâtre et de danse. Les syndicats non signataires (CGT, FO) s’accordent en effet à penser que les intermittents les plus précaires, notamment les artistes, risquent d’être exclus du système.

APPEL À LA RAISON

Ces nouvelles mesures correctrices devaient donc être finalisées lundi matin, avant que M. Aillagon n’appelle chacun à la responsabilité en précisant que les désordres publics seraient dramatiques pour les artistes et les festivals. "Le ministre fait le choix courageux de se situer à front renversé, de reconnaître l’existence d’un texte signé par les partenaires sociaux qui a le mérite de pérenniser les annexes VII et X du régime de l’assurance-chômage, là où la facilité aurait guidé le choix inverse, celui de ne pas traiter le sujet ou de refiler la patate chaude au suivant", indique un proche du ministre.

Cet appel à la raison sera-t-il entendu alors que l’émotion est à son comble à la veille de l’ouverture du Festival d’Avignon ? "In" ou "off", le Festival se préparait ce week-end : les rues sont recouvertes d’affiches, les lieux de spectacles se montent, les compagnies et les premiers spectateurs arpentent rues et terrasses, les billetteries ne désemplissent pas, et les compagnies de CRS se sont installées aux abords de la ville. Mais tout le week-end a été agité de réunions, de débats et d’actions dans la rue. Le calendrier se resserre : le "in" devrait ouvrir mardi 8 juillet, les spectacles du "off" commencer mercredi 9. La CGT (majoritaire) appelle à une grève et à une journée de mobilisation nationale pour le 8, tandis qu’un certain nombre de compagnies du "off" envisagent de faire grève le 9.

"Si le "in" est annulé, nous ne jouerons pas non plus", affirme Gérard Gélas, directeur du Théâtre du Chêne noir, suivi par la plupart des théâtres permanents d’Avignon, et par une partie des 600 compagnies du "off". "Quand je suis arrivé il y a quelques jours, explique Christophe Thiry, de la compagnie L’Attrape-Cœur, je me suis dit : "Ils sont fous. Il faut que je joue." Nous venons depuis quinze ans. Nous sommes fortement endettés. Maintenant, je me dis qu’il faut savoir dire "non". Si le "in" ne joue pas, nous ne pourrons pas nous en sortir nous non plus."

Organisée en groupes de travail, la coordination des Interluttants, qui regroupe le "off" et assure le contact avec le "in", a réfléchi tout le week-end à la réforme du statut des intermittents et aux formes d’action pour cette semaine décisive. Elle se charge de l’accueil des collectifs d’intermittents qui arrivent de toute la France, pour éviter, notamment, que des conflits surgissent entre partisans et adversaires de la grève.

"Chacun est libre de ses choix et de ses actes, respectons-nous", note la coordination dans son appel à un forum du "off" prévu lundi 7 juillet, en fin de journée, pour préparer la journée nationale de mobilisation du mardi. Au même moment, les artistes et les techniciens du "in" doivent se réunir en assemblée générale pour décider s’ils font grève le 8 et, éventuellement, les jours suivants.

Catherine Bédarida (à Avignon) et Nicole Vulser

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3246--326882-,00.html