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"Un contrôle policier à la loupe", Progrès de Lyon du 20 mai

Publie le mardi 20 mai 2003 par Open-Publishing

Un contrôle policier à la loupe

A Saint-Priest, en octobre dernier, les choses se sont mal passées entre
trois jeunes gens et les policiers. Poursuivis pour « rébellion », les
trois garçons ont été au coeur, hier, de débats d’une grande rigueur
intellectuelle. De quoi désamorcer les mauvaises passions dans l’air du
temps.


L’un est poursuivi pour violences contre agent de la force publique. Ses
deux copains ont à répondre de rébellion. Mais, au-delà des faits - un
contrôle de police musclé - c’est un duel politique à fleurets mouchetés
qui s’est joué, hier, devant le tribunal de Lyon, entre le ministère
public et la défense. Sur la sellette, la loi de « sécurité quotidienne
 ». Même si les avocats n’ont pas souhaité en faire explicitement leur
cheval de bataille.

Les faits remontent au 25 octobre dernier, à Saint-Priest. En début de
soirée, un équipage de gardiens de la paix avise un véhicule stationné à
l’emplacement des travaux du métro, rue Edouard-Herriot, au pied d’un
immeuble. Il est demandé au garçon occupant la place du conducteur de
présenter ses papiers. L’intéressé explique qu’il habite l’immeuble. Il
veut remonter chez lui afin de quérir les pièces administratives. La
suite se révélera pour le moins confuse. Le jeune homme assure que,
descendu de la voiture, il a été vivement repoussé. A l’en croire,
encore, il aurait invité le policier à plus de modération. En vain. Le
ton montera définitivement lorsque suivront palpations, coups de
matraque et passage des menottes. Avec l’entrée en scène des deux autres
passagers de la voiture. L’un d’eux, il s’en excuse à nouveau hier,
décochera un coup de poing à l’un des policiers. C’est à l’hôtel de
police que s’achèvera l’épisode. Devant les juges, les trois amis disent
ne pas comprendre comment on a pu en arriver là ; à des coups et des
claques. A vrai dire, ceux-là n’ont pas le « profil » de méchants
délinquants : pas de casier judiciaire, bonne intégration sociale,
insérés professionnellement. « C’est la loi Sarkozy, maintenant on fait
comme on veut », aurait lancé l’un des fonctionnaires.

Pédagogie

« Je ne comprends pas », répète l’un des garçons à la barre. Avec des
accents de sincérité qui ont amené le procureur Barret à se lancer dans
un réquisitoire hautement pédagogique. Le magistrat, tout en réclamant
la reconnaissance de leur culpabilité, usera de didactisme afin d’éviter
que les jeunes gens ne soient amenés à nourrir un sentiment d’injustice.
« Comme les magistrats, les avocats ou les boulangers, les policiers
peuvent mal faire leur travail », a déclaré le ministère public en se
tournant vers les prévenus ; « Rassurez-vous, les policiers n’ont pas de
préjugés anti-jeunes. Mais, en l’espèce, le contrôle était légal, vous
n’auriez pas dû vous y soustraire. Pas question d’instruire ici le
procès de la police ou de la loi « sécurité intérieure » ». Policiers
zélés ? Contrôles abusifs ? La défense a laissé planer en filigrane ces
interrogations. Pour s’en tenir aux faits et contester la rébellion.
Selon Mes Anne Guillemot et Yves de Laborie, « la résistance passive est
non constitutive des violences fondant le délit de rébellion ». De son
côté, Me Myriam Matari fera valoir qu’au fil de ce contrôle, « les
moyens de contraintes n’étaient peut-être pas nécessaires ». Un procès
d’une parfaite honnêteté intellectuelle, le genre de débats capables de
désamorcer les mauvaises passions de l’heure. De courtes peines avec
sursis ont été requises. Délibéré le 2 juin.
Y. A.