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Un été d’amour est un défi critique qui nous est lancé

par Orphée

Publie le mercredi 6 juillet 2011 par Orphée - Open-Publishing
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 La proposition éditoriale de la première quinzaine de juillet sur La Revue des Ressources est un défi aux affaires et à la guerre qui traversent notre actualité. C’est en même temps un fait de culture qui nous invite au voyage parmi des iles historiques de la littérature française ou traduite de langues étrangères, plein d’humour, de désir, et de beauté, mais encore de passion jusqu’à la mort (Tristan et Iseult), transmettant au prochain l’énergie d’un passé littéraire édifiant ou critique de la société par l’amour. Cette recherche depuis l’antique Grèce jusqu’au monde contemporain est le fait d’un prof qui accomplit ce don par plaisir, après avoir corrigé les copies du bac, et sans épargner sa sensibilité personnelle même s’il conduit le sens vrai de la transmission éducative par la découverte, ou celui du partage des retrouvailles cultivées, les situant exactement à la même enseigne.

 Et c’est cela qu’on pourrait aussi entendre par éducation à travers l’hypermedia, grâce au domaine public accessible au téléchargement en sources libres (hélas plus fournies en langue francophone par les bibliothèques universitaires canadiennes anglaises et américaines, et par conséquent dans les sites anglophones, plutôt que dans les nôtres — quand chacun ici épargne sa besogne en même temps que les droits d’auteur, dont ceux des éditeurs limitant délibérément, à titre prospectif, la diffusion des oeuvres tombées dans le domaine public. [1]

 Situer l’éducation au-delà d’une école qui accable sépare et organise la division sociale sur la base de l’a-culturation administrée par l’État visant la perte de la conscience critique, au lieu de l’inspirer. Et bien qu’à cela ne tienne, au-delà nous transmettrons autrement et ailleurs, ce qui suppose un double travail — un travail pour accomplir nos attributions sociales intégrées, et un travail activiste parallèle pour transmettre.

 Ainsi chaque jour sauf pendant le week end un article nouveau sera envoyé en ligne dans la revue, l’index de l’ensemble restant ensuite accessible au lien permanent sous le mot-clé "Love", où dès maintenant on peut suivre le progrès de la mise en ligne quotidienne de ces articles :

http://www.larevuedesressources.org/spip.php?mot1207

 Surtout téléchargez les ouvrages et les textes proposés en ebook pdf attachés au pied des articles qui présentent en streaming les mêmes livres, et pour les articles critiques le pdf est proposé en haut de la page, (cela est légal et ne risque pas de faire encourir de désagrément de l’Hadopi ni autres Lopsi). En sorte que vous puissiez les lire tranquillement au gré de vos disponibilités ensuite, sans être obligatoirement connectés, que ce soit sur un ordinateur ou sur un Ipad.

Orphée

Icône de l’article dans La RdR
Summer of Love on the RdR

Quelle incongruité d’évoquer, en ce début d’été 2011, un été de l’amour !
Quelle provocation de parler d’amour en ce temps où la guerre du tous contre tous pour la survie semble un horizon indépassable…
Quelle banalité si c’est pour contribuer au spectacle d’un monde copyrighté et trade-marké où les corps ne s’appartiennent plus.

Sauf vos réserves, nous espérons vivement faire entendre, dans la banalité, ce qui nous réunit ; provoquer la réflexion et secouer le joug du conformisme. Mais, oui, la référence au bel été californien de 1967, que vous avez peut-être connu, apogée de la contre-culture hippie, est d’ordre incantatoire…

Durant les deux premières semaines de ce mois de juillet 2011, nous pourrions lire quelques belles pages, voire des romans entiers, parmi les œuvres qui ont contribué à façonner nos conceptions de l’amour. Bien sûr, les absentes nous manqueront, mais le plaisir de lire ou de relire emportera ces regrets.

Dans leurs grandes lignes, les conceptions de l’amour qui ont prévalu et prévalent encore en nos esprits plongent dans un passé lointain, un passé surtout culturel – il ne sera qu’indirectement question de biologie. Dans ce monde eurasiatique qu’on pourrait appeler indo-européen pour l’occasion, prévaut depuis la plus haute antiquité une idée selon laquelle la pluralité des êtres peuvent, par l’Éros – ou quel que soit son nom – s’élever jusqu’à l’unité.
C’est ce que Platon, dans Phèdre et le Banquet (-380), que nous vous présenterons, a repris d’un vaste fonds attesté aussi bien chez les Celtes que chez les Iraniens. Cette conception de l’amour comme désir sans fin, comme frustration aussi bien, Ovide en parlera longuement dans ses Amours (-15). Mais à cette époque, l’amour est la plupart du temps conçu comme la satisfaction du désir physique, et la passion aux relents mortels et délirants n’y est pas valorisée.

Quoi qu’on en pense, il faut bien admettre que notre conception de l’amour a été fortement marquée par le christianisme qui, à Éros, a opposé Agapè , c’est-à-dire au Banquet érotique a substitué le festin fraternel, la Cène. Car, si Éros veut l’union, la fusion des êtres dans l’unité supérieure, «  Agapè ne cherche pas l’union qui s’opérerait au-delà de la vie. ‘Dieu est au ciel, et toi tu es sur terre’ », rappelle Denis de Rougemont. Pas d’union possible autre que la communion entre êtres humains pour atteindre Dieu.

« Si l’ Agapè reconnaît seule le prochain, et l’aime non plus comme un prétexte à s’exalter, mais tel qu’il est dans la réalité de sa détresse et de son espérance ; et si l’ Éros n’a pas de prochain – n’est-on pas en droit de conclure que cette forme d’amour nommée passion doit normalement se développer au sein des peuples qui adorent Éros ? Et qu’au contraire, les peuples chrétiens – historiquement les peuples d’Occident – ne devraient pas connaître la passion, ou tout au moins la traiter d’incroyance ?
Or l’histoire nous oblige à le constater : c’est l’inverse qui s’est réalisé. » (L’Amour et l’Occident, 1938)

Pour Denis de Rougemont, les tendances païennes refoulées à partir de Constantin, qui imposa le christianisme à tous les peuples d’Occident, se sont exprimées à travers l’amour-passion, une forme terrestre du culte de l’Éros qui envahit la psyché des élites mal converties et souffrant du mariage. Tout cela ne put se faire que de façon cachée, par les hérésies, par la littérature des troubadours (qui puisaient leur inspiration en Orient – voir les travaux de Robert Lafont et Henri Corbin) et des trouvères (dans le fonds celtique). La raison du succès des histoires d’amours adultères est à chercher là. La courtoisie et le retour du refoulé païen ont donné naissance au Roman, célébration de l’obstacle constitué par le mariage, et dont le mythe de Tristan – dont nous présenterons la version de Joseph Bédier Le roman de Tristan et Iseut (1900) – reste l’archétype littéraire décliné à l’infini jusqu’à nos jours.

La première attestation d’un couple d’amants passionnés est celle d’Héloïse et Abélard, qui se rencontrèrent en 1118. Le célèbre roman de Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761) permet de mesurer l’évolution de l’amour-passion, de même, au siècle suivant, que la nouvelle de Mérimée Carmen (1847) et l’opéra de Bizet laissent violemment sourdre l’Éros païen grâce à l’élément oriental (africain disait Nietzsche).

Évidemment, toute la production culturelle n’est pas resté enfermée dans cette équivoque, l’hédonisme moderne à travers les expériences libertaires et la revendication féminine du désir ont influé nettement sur ces schémas. La célébration, dans son recueil éponyme, de Sapho (1909) par Renée Vivien ou le parcours amoureux de Colette – dont vous pourrez lire Chéri (1920) – ou, plus près de nous encore, les revendications de l’amour libre en écho (entre autres et pour revenir à nos premières considérations) à la contre-culture hippie, sont des voies ouvertes aux contemporains.

Pour finir en musique, quelques chansons de cette contre-culture qui – quoi qu’en aient certains et des plus vilains – irrigue encore, depuis le Summer of Love ’67 , nos esprits et émeut nos corps !

Régis Poulet

Lien permanent de l’édito :
http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article2049

Portfolio


[1Ne pas oublier qu’un représentatif de Gallimard a pu écrire aux administrateurs étrangers des sites de téléchargement des œuvres tombées dans le domaine public, archive et wikisource, pour justifier sa tentative d’interdire d’y publier des oeuvres en français : "la culture française appartient aux français" — ça ne s’invente pas.

Messages

  • Errata

    Régis Poulet me prie de corriger qu’il n’est pas prof de lycée et de prépa mais tout simplement prof, et d’autre part il faut ajouter dans l’édito (nouvellement mis à jour dans la RdR) la citation des Hauts de Hurlevent, de Emily Brontë, dont il n’a trouvé la version française en source libre qu’ultérieurement, ce qui fait que ce livre sera également donné en streaming et au téléchargement dans le cadre de cette ligne éditoriale.