Un philosophe menacé de mort

de Cyrille Poy

Droits de l’homme . Robert Redeker se cache depuis une dizaine de jours après avoir reçu des menaces suite à une tribune dans le Figaro qui s’en prenait vivement à l’islam.

Professeur de philosophie au lycée Pierre-Paul-Riquet de Saint-Orens-de-Gameville (Haute-Garonne), Robert Redeker a déclenché voilà plus d’une semaine l’ire des milieux islamistes en qualifiant le Coran de « livre d’inouïe violence » et en faisant du prophète Muhammad un « chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame ». Intitulé « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? », ce texte, paru dans le Figaro du 19 septembre - aussitôt interdit en Égypte et en Tunisie -, lui a valu des menaces de mort qui l’obligent aujourd’hui à vivre caché. Jusqu’au cheikh islamiste Youssef Al Qaradawi, qui dès le lendemain de sa parution, désignait le philosophe comme l’islamophobe du moment sur la chaîne Al Djazira.

Le philosophe se fait volontier polémiste

Comptant parmi les défenseurs inconditionnels du philosophe, adepte comme lui de la thèse d’un conflit de civilisations, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, a demandé à Jacques Chirac de « symboliquement héberger » ce père de famille à l’Élysée. Sans se prononcer sur les thèses de Redeker, le premier ministre a rappelé que « dans une démocratie, chacun doit pouvoir s’exprimer librement, dans le respect bien sûr des autres. C’est la seule limite qui doit être acceptée à cette liberté », a poursuivi Dominique de Villepin, qualifiant d’« inacceptables » les menaces de mort proférées, de même que les syndicats d’enseignants FSU et UNSA éducation et de Reporters sans frontières. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a lui aussi condamné ces menaces en se montrant cependant critique et en affirmant aussitôt ne pas « partager les convictions de Robert Redeker ». Le MRAP évoque de son côté les « déclarations irresponsables » de l’enseignant, estimant même que « la provocation génère l’inacceptable ». Même sévérité de la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui met en avant « son peu de rigueur intellectuelle », comme « sa haine de l’islam et des musulmans ». « On ne combat pas les idées de M. Redeker en le transformant en victime », estime la LDH.

La personnalité et les écrits de Robert Redeker sont pour beaucoup dans cette prise de distance. D’aucuns ont en mémoire certaines de ses positions véhiculant une pensée souvent marquée du sceau réactionnaire. Car le philosophe se fait volontiers polémiste et n’en est pas à son coup d’essai. Déjà, il y a cinq ans, il signait dans le Monde une tribune qualifiant l’Islam de « régression rebarbarisante », assimilant rapidement, comme dans sa dernière tribune, islam et islamisme avec une légèreté déconcertante pour qui se réclame de Socrate, grand pourfendeur des à peu près linguistiques. Ce texte lui avait à l’époque valu d’être écarté du Collège international de philosophie, qu’il souhaitait intégrer. Plus récemment, son analyse des émeutes de banlieues (le Figaro du 28 novembre 2005), caractérisées selon lui par « le nihilisme » soit « l’absence de sens » - ce sens étant donné, selon lui toujours, a posteriori par des médias complaisants - avait également suscité de nombreux commentaires. Il y eut aussi cette autre tribune, parue dans le Monde (du 11 avril 2004), dans laquelle il ne craignait pas d’affirmer que la publicité « suscitant du désir (...), humanise, nous rendant, au même titre que la raison, plus hommes... ». La publicité faite autour de son dernier pamphlet lui rendra-t-elle la mesure qui semble parfois manquer à sa raison ?

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