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Une monnaie nationale complémentaire
par Philippe Derudder via kenaz
Publie le dimanche 3 novembre 2013 par Philippe Derudder via kenaz - Open-Publishing2 commentaires
Une porte à pousser pour rendre possible ce qui ne l’est pas
Si je vous dis :
Résoudre la question de la dette, du chômage, des injustices sociales,
de la pauvreté, de la fiscalité ; créer un monde d’équité, de suffisance
pour tous, réconcilié et durable en moins d’une génération, c’est
possible !
Cela vous donne-t-il envie de rire en pensant que je suis un doux rêveur ou, malgré
le doute, cela vous incite-il à pousser la porte pour voir ce qu’il y a derrière ?
Et si j’ajoute que non seulement c’est possible mais relativement simple à réaliser,
qu’à l’instar de l’œuf de Christophe Colomb, il suffisait d’y penser, me
classez-vous d’emblée parmi les fous ou les utopistes échevelés, ou est-ce un coup
d’éperon dans votre curiosité maintenant impatiente d’en savoir plus ?
J’admets qu’il est légitime que les affirmations que je viens d’exprimer
surprennent et portent à sourire quand on considère le fait que
l’ensemble des experts mondiaux issus des sphères de l’économie, de la
finance et de la politique se cassent les dents sur toutes ces questions
depuis une trentaine d’années. Incompétence ? Non ; c’est qu’ils
n’obéissent pas à ce qu’Albert Einstein soulignait : « Nul ne peut
résoudre un problème en s’appuyant sur une logique identique à celle qui
a suscité son apparition ». Il n’y a aucune issue aux problèmes qui
s’empilent dans la mesure où les solutions mises en œuvre obéissent
toutes à la logique, maintenant devenue idéologie, qui en est
responsable. Comme disait ce même Albert Einstein, « quand on pense
comme un marteau, tous les problème prennent la forme d’un clou !
».L’issue se trouve à l’extérieur du cadre, dans un autre paradigme.
Jusqu’à l’ère industrielle l’économie visait la subsistance. Sa logique
reposait sur le cycle production / argent / production. On produisait en
premier, on vendait sa production ensuite pour générer un revenu
permettant de subsister d’une part et de produire à nouveau. Cette
description des choses est toutefois déjà très moderne. N’oublions pas
en effet que pour une grande partie de la population le passage par
l’argent ne se faisait pas, le travail étant rarement rémunéré.
Mais l’industrialisation a conduit la production à dépendre de l’apport
d’un capital préalable pour financer l’outil de travail. S’est développé
alors la logique argent / production / argent. Avoir en premier les
moyens d’investir dans l’outil de travail et produire ensuite pour
gagner de l’argent dans l’intérêt prioritaire des propriétaires de
l’outil.
Ces quelques lignes mettent en évidence la transformation du mode de
pensée qui est à la source des crises qui nous secouent. La logique
production / argent / production force à donner la valeur à la
production, autrement dit à la richesse réelle, celle dont dépend
directement la vie des gens : la terre, l’eau, la récolte... Alors que
la logique argent / production / argent conduit à placer l’argent
(richesse symbolique) en première préoccupation et à donner l’argent
comme finalité de la production. C’est ainsi que l’agriculture, par
exemple, n’a plus comme vocation celle de nourrir les peuples, mais
celle « d’alimenter » le marché des matières premières dont le but est
exclusivement financier, totalement étranger au sort des paysans et à la
faim dans le monde. C’est ce qu’on appelle la « financiarisation de
l’économie qui a pris des proportions exorbitantes depuis les années
1990, grâce en particulier à la totale libéralisation de la circulation
des capitaux et à l’invention des produits dérivés.
Ainsi le paradigme qui nous tue à petit feu est celui qui nous a fait
littéralement laisser la proie pour l’ombre. La proie, richesse réelle,
restaure, mais l’ombre, l’argent, ne se mange pas. Certes il permet
d’acheter la proie mais à condition qu’elle soit mangeable ou qu’il y en
ait encore. Or sans doute avez-vous entendu parler de la pollution, de
la dégradation de la biodiversité et de la raréfaction des ressources
naturelles non renouvelables. À quoi pourra bien servir l’argent s’il
n’y a plus rien à acheter ?
Le « paradigme de vie », le paradigme hors cadre , celui qu’il devient urgent
d’adopter a été énoncé par un « sauvage », le chef Seattle en 1854 ; du moins est-ce
à lui que ces paroles ont été attribuées :
« La terre est notre mère. Tout ce qui advient à la terre advient aux fils de la
terre. Si les hommes crachent sur la terre, ils crachent sur eux-mêmes. Nous savons
ceci : la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre.
Toutes les choses sont liées. L’homme ne tisse pas la toile de la vie, il n’en est
tout au plus qu’un simple fil. Quoi qu’il advienne à cette toile, lui advient aussi.
»
Oui, très beau ! Belles paroles me direz-vous. Mais on n’est plus en 1854
et on n’est pas des indiens. Nous voilà sept milliards sur terre alors
que la population terrestre n’était que d’un milliard en 1800 et nos
besoins sont autres. Sans doute, sans doute... mais qu’on soit noir,
blanc ou jaune, gros, maigre, grand ou petit, nombreux ou pas, au moyen
âge, dans l’antiquité ou aujourd’hui, cela modifie-t-il une seule des
évidences - pour ne pas dire vérités – ici énoncées ? Si la terre,
épuisée, ne produit plus ; si l’eau, saturée de nos rejets toxiques,
n’irrigue plus et n’étanche plus la soif ; si l’air ne devient plus
respirable pour les mêmes raisons, tout l’or du monde pourra-t-il alors
nous sauver ? Qu’on soit noir, blanc ou jaune, gros, maigre grand ou
petit, c’est la vie qui nous permet de gagner de l’argent et non
l’argent qui nous permet de gagner notre vie, contrairement à ce que le
paradigme actuel veut encore nous faire croire. Avoir fait de la monnaie
une fin en soi relève tout simplement d’une folie suicidaire dont
l’issue fatale devient de plus en plus palpable. N’est-il pas temps
d’ouvrir les yeux ?
La clef réside donc dans la possibilité de faire de l’argent un moyen au
service de la vie et non une fin en soi.
C’est ici que se situe la bonne nouvelle ! Tout est prêt pour cela car la
monnaie, elle, n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était en 1854.
Depuis 1971, date à laquelle la dernière monnaie encore convertible en
or, le dollar américain, a abandonné sa convertibilité, de richesse
matérielle, ayant une existence et une valeur propres, rare et pouvant
manquer, est devenue une simple unité de compte virtuelle, sans
existence ni valeur intrinsèque, purement créée par la volonté humaine
selon des critères dépendant d’elle seule. Si on nous chante encore sur
tous les tons qu’« on ne peut pas faire parce que ça coûte trop cher et
qu’on n’a pas les sous », ce n’est pas que cela repose sur une réalité
quelconque, c’est que les tenants de la bourse ont décidé - y trouvant
un intérêt considérable pour leurs affaires – d’entretenir dans l’esprit
des gens la croyance que la monnaie existe et est en soi une richesse
rare. C’est la persistance volontaire du paradigme de la rareté de
l’argent qui permet à ceux qui le créent de faire croire qu’il a de la
valeur en soi et une réalité physique. Tant que nous n’aurons pas
intégré le fait que la monnaie moderne n’est qu’un signe virtuel
obéissant à la seule volonté humaine, le destin de l’humanité restera
conditionné au bon vouloir de la poignée de ceux qui, grâce à la
survivance du paradigme qu’ils alimentent, nous font croire qu’on a
besoin de leurs électrons comme s’ils s’agissait de pièces d’or.
Prenons un instant la mesure de ce qui vient d’être dit. Si donc la
monnaie n’est qu’un symbole dont la quantité potentielle est infinie,
uniquement déterminée par les hommes, cela permet d’entrer résolument
dans le nouveau paradigme, celui que j’appelle le « paradigme de vie » :
– Car la représentation qu’on se fait de la richesse cesse d’être l’argent
pour se porter sur tout ce qui permet de prendre soin de la vie sous toutes ses
formes.
– Cela entraine une modification de la finalité de l’activité humaine. Elle
n’est plus l’enrichissement financier mais l’amélioration permanente de la qualité
de vie pour tous.
– La nature même de l’activité humaine s’en trouve modifiée. Tout projet et
toute activité, dès lors qu’ils ne visent plus le retour sur investissement le plus
élevé et le plus rapide comme actuellement, peuvent être conçus uniquement en
fonction de leur réelle utilité sociétale.
– On passe d’une logique de redistribution à une logique de création.
Actuellement, est considérée comme richesse ce qui génère un flux financier. C’est
donc la production marchande, celle qui est payée par un marché acheteur qui obéit à
cette exigence. Pour financer les biens collectifs et services d’utilité commune,
une partie du revenu des entreprises et des citoyens doit être ponctionnée
(fiscalité) pour être redistribuée sous forme de prestations sociales et
d’investissements en infrastructures. Mais comme dans notre nouveau paradigme les
collectivités peuvent se financer par création monétaire, l’endettement, pas plus
que la nécessité de générer des recettes fiscales ne se justifient. La fiscalité
demeure toutefois nécessaire car dans un système où la monnaie se crée à la hauteur
et au fur et à mesure des besoins, le montant de la masse monétaire en circulation
aurait tôt fait d’être bien supérieur à la valeur des biens et services disponibles
dans la société. Cela conduirait rapidement à une hyper inflation. La fiscalité
devient alors un outil de régulation de la masse monétaire, destiné à retirer de la
société le surplus de monnaie et garantir ainsi la stabilité des prix.
– Les relations humaines s’en trouvent pacifiées. En effet, aujourd’hui,
c’est un combat permanent auquel se livrent les gens, les organisations et les États
entre eux, dès lors que leur sort est suspendu au capital financier qu’ils
détiennent car, dans un contexte de ressources rares ce sont les plus offrants qui y
ont accès. Ce combat, qui rend indispensable la croissance pour satisfaire le
toujours plus de besoin d’argent et rend incontournable le saccage de la planète,
n’a plus raison d’être. Bien sûr, ce n’est pas parce que la monnaie peut se créer à
volonté que les ressources deviennent elles-mêmes infinies ! Mais dans un contexte
global où les peuples dans leur ensemble auront compris que la survie de tous et
chacun dépend du soin qu’on apporte à la nature et à l’utilisation équilibrée des
ressources au niveau de ce que la Terre peut produire sans se dégrader, c’est la
solidarité, le partage équitable et la mise en commun de tous les moyens dont le
monde dispose qui se révèleront les plus efficaces pour garantir un vivre ensemble
harmonieux dans le respect des cultures et traditions de chacun.
Voilà ce qui, tôt ou tard, s’imposera aux hommes, une fois que « la
crise » aura conduit à l’effondrement du système ou que la nature nous y
aura contraint car, si on peut jouer avec l’économie, on ne le pourra
plus longtemps avec l’écologie. Maintenant, pourquoi remettre à demain
ce qui peut être fait aujourd’hui ? Qu’est-ce qui nous en empêche ? Deux
choses :
– La foi quasi religieuse dans le système capitaliste qui habite encore bon
nombre d’humains ;
– l’intérêt que la classe dominante mondiale, dans tous les domaines, tire du
paradigme actuel, sans lequel elle n’aurait ni le pouvoir ni la fortune qui assurent
ses privilèges.
Voilà à l’évidence deux obstacles majeurs qui, à priori, ruinent tout
espoir... à moins que... Au lieu de croire que le nouveau paradigme ne
peut exister que lorsque l’ancien aura disparu (au prix de quoi ?), on
laisse l’ancien survivre aussi longtemps qu’il a des adeptes et qu’on
permette à ceux qui ont envie de s’investir dans le nouveau de le faire.
Faire en plus de ; pas à la place de... Comment ?
Tout tourne autour de la conception qu’on a de la richesse et de la
croissance. Jusqu’à présent elle est horizontale ; quantitative,
uniquement liée à l’augmentation exponentielle de la richesse marchande
génératrice de profits financiers. Mais vous l’aurez compris, le défi
que nous avons à relever en ce XXIeme siècle, est d’apprendre à donner
de la valeur à une richesse non prise en compte actuellement, la
richesse qualitative, celle qui est facteur de préservation et
d’épanouissement de la vie sans considération aucune du coût et de la
rentabilité financière des activités permettant d’y parvenir.
Il suffit alors de comprendre que, de même que nous marchons sur deux
jambes, une économie saine doit reposer sur deux composantes : Une
composante marchande, plus orientée comme à présent vers la satisfaction
de l’intérêt particulier, rentable financièrement, et une composante non
marchande soucieuse du bien commun. Vous me direz peut-être que c’est
déjà le cas au travers des politiques publiques. Sans doute ; mais elles
sont assujetties à cette logique de redistribution qui leur confère une
place de plus en plus réduite pour cause de compétitivité internationale
et de réduction de la dette publique, tout en générant de la grogne de
la part des contribuables qui voient dans les impôts. taxes et autres
prélèvements obligatoires, plus un vol institutionnel qu’une juste
contribution à la communauté. Il faut donc rendre autonome, et donc non
dépendante, cette composante qualitative, autrement dit transformer en
véritable jambe ce qui n’est actuellement qu’une béquille permettant à
nos sociétés unijambistes de sauver encore les apparences
Pour ce faire il suffit de créer un nouvel espace économique à finalité
de bien commun, complémentaire au système marchand actuel, qui
regrouperait les activités dont le contenu n’a pas par nature à être
considérée comme une marchandise tels que la santé, l’éducation, la
recherche, la transition écologique... Ce nouvel espace serait régi par
un statut juridique spécifique ne répondant pas à la logique de profit
ou d’équilibre financiers mais à celle de ce que nous pourrions appeler
le bénéfice sociétal (l’atteinte des objectifs sociétaux visés). C’est
le débat public qui permettrait de déterminer ce qui relève
légitimement de chaque champ, marchand ou sociétal, quant au
financement, il ne serait assuré ni par l’impôt, ni par l’emprunt, mais
par l’utilisation d’une monnaie sociétale complémentaire à la monnaie
nationale en vigueur, émise par un organisme public sous mandat et
contrôle du peuple, à hauteur des besoins déterminés par les projets
décidés. C’est l’introduction de cette monnaie complémentaire, ayant
cours légal, qui confèrerait la pleine autonomie à ce nouvel espace.
Comprenons bien la différence. Alors que l’économie marchande ne met un
produit ou un service sur le marché qu’à la hauteur du financement qui
peut être mobilisé, l’économie sociétale répond à la logique suivante :
1 – Si un projet à finalité de bien commun est collectivement souhaité et que la
volonté de le réaliser est là ;
3 – si les connaissances du moment, les moyens techniques et énergétiques
disponibles permettent d’y répondre ;
4 – si l’empreinte écologique prévisible est compatible avec les ratios
internationalement admis ;
5 – si les ressources humaines nécessaires sont disponibles grâce au fait, entre
autre, que le monde de la production a de moins en moins besoin de main d’œuvre ;
Alors rien ne s’oppose plus à sa mise en œuvre puisque le financement obéit au
besoin au lieu de le conditionner.
Cette proposition d’introduction d’une monnaie complémentaire nationale
vous semble-t-elle fantaisiste à ce stade ? Si tel est encore le cas, je
vous invite à vous demander si fantaisiste n’est pas plutôt le choix de
fondre dans une seul monnaie l’intérêt particulier à finalité de profit
financier et l’intérêt collectif, à finalité de bien commun. Parce que
la Grèce doit de l’argent à des investisseurs étrangers, cela
justifie-t-il la fermeture d’hôpitaux et de laisser mourir des gens ?
Peut-on faire intelligemment un lien entre la dette d’un pays (sur la
légitimité de laquelle il y aurait beaucoup à redire) et la santé ? Que
je sois riche ou pauvre, endetté ou pas, existe-t-il un argument logique
qui puisse justifier le rapport qui est actuellement fait entre la «
santé » de l’économie et la santé des gens ? Si un hôpital existe, si un
personnel soignant compétent y exerce, si des malades y sont soignés,
fermer cet hôpital pour cause de dette extérieure à rembourser relève
d’une absurdité criminelle. C’est parce que la santé publique est
financée par redistribution qu’elle est assujettie aux performances
marchandes du pays. Mais si on admet que la santé d’une personne n’est
pas une marchandise et que la santé publique est une finalité en soi,
alors cela conduit à vouloir rendre autonomes l’économie privée à
finalité de profit financier et l’économie publique à finalité de bien
commun car, ne poursuivant pas les mêmes buts, elles ne peuvent être
gérées avec les mêmes outils. Si ce principe était admis, alors quels
que soient les déboires du secteur marchand, ils n’affecteraient en
rien, en interne, les politiques et moyens mis en œuvre pour assurer la
cohésion sociale, le bien-être et l’épanouissement des gens.
La seule difficulté qui reste à résoudre est de faire en sorte que
l’introduction d’une monnaie complémentaire émise à hauteur des besoins
sociétaux n’affecte pas la monnaie marchande qui, elle, doit être
reconnue internationalement. Une certaine étanchéité entre les deux
systèmes est donc nécessaire. Pour cela la monnaie complémentaire doit
répondre aux quelques exigences suivantes :
– Elle doit n’avoir cours qu’à l’intérieur du territoire national. Par
exemple, au sein de la zone euro, tous les pays appartenant à cette zone auraient
pour monnaie commune marchande l’euro, mais chaque pays de la zone aurait sa propre
monnaie complémentaire, lui permettant de conduire librement sa politique sociétale.
– Elle n’est pas convertible ; elle n’a donc pas d’effet sur le cours de la
monnaie marchande
– Elle est à parité de pouvoir d’achat avec la monnaie marchande : Une unité
de monnaie complémentaire = une unité de la monnaie marchande, de sorte que les
échanges économiques à l’intérieur du territoire peuvent se faire indifféremment
avec l’une ou l’autre monnaie.
– Pour ne pas affecter le commerce extérieur, on ne peut acquérir avec la
monnaie complémentaire (sauf exception), que des biens et services produits sur le
territoire. Cela représente un handicap au départ pour les personnes dont les
revenus sont exclusivement en monnaie complémentaire, mais c’est à tous points de
vue plus avantageux que de toucher des minima sociaux sans oublier que cela conduira
à relocaliser dans un deuxième temps certaines productions abandonnées.
– Elle est exclusivement électronique afin de permettre une fine gestion de la
masse monétaire. Car il s’agit de pouvoir déterminer en permanence la masse
monétaire nécessaire pour mener à bien les besoins identifiés et agréés et ce qu’il
faut retirer de la circulation au-delà. Il n’est pas question de déverser dans la
société une monnaie complémentaire sur le mode « quantitative easing » mais
d’émettre et retirer ce qu’il faut quand il faut.
Même si bien d’autres questions se posent, je m’arrêterai là, ne
souhaitant à ce stade qu’ouvrir les horizons sur le potentiel que recèle
le principe d’introduction d’une monnaie complémentaire nationale. Et si
vous n’êtes pas encore convaincu, prenez le temps, en guise de
conclusion, d’en considérer les avantages principaux :
– Contrairement au fait qu’en règle générale la mise en œuvre d’une réforme,
même globalement positive, contrarie certains intérêts, ici les intérêts
actuellement dominants ne sont pas remis en cause ; personne ne perd, tout le monde
gagne ;
– La mise en service d’une monnaie complémentaire nationale peut se décider au
sein d’une nation sans avoir à obtenir une révision préalable de traités et accords
internationaux. La décision relève de la seule souveraineté nationale. Il va
toutefois sans dire qu’un pays qui déciderait cette mise en œuvre dérogerait à
certains accords et s’exposerait à une belle levée de boucliers de la part de la
classe dirigeante ultra libérale mondiale. Mais les peuples ne sont pas idiots et
ils auraient vite fait de voir la solution que représenterait pour eux-mêmes
l’application du même principe et forceraient leurs dirigeants à aller dans le même
sens. Ces deux premiers avantages sont considérables car ils rendent le projet
réaliste et réalisable sans autre barrière que la volonté de le mettre en chantier.
Notons toutefois encore quelques avantages non négligeables :
– La question récurrente de l’emploi trouverait sa solution car ce nouvel
espace économique offrirait potentiellement, non plus un emploi, mais une activité
utile, rémunératrice et épanouissante, à toutes celles et ceux qui ne se sentent
plus à leur place dans le système actuel ou qui en sont exclus ou en mis en marge.
– La pleine reconnaissance d’un espace dont la finalité est purement
qualitative tirerait la société vers le haut ; elle modifierait les attitudes, les
relations et la demande, de sorte que le secteur marchand lui-même serait entrainé
dans cette spirale vertueuse, ne serait-ce que pour répondre à cette demande.
– Les vraies questions de société ne seraient plus pensées en fonction des
budgets disponibles ou des intérêts commerciaux, mais en fonction de ce qui serait
souhaité idéalement. Imaginez un instant comment pourraient évoluer les débats si
les aspects purement économiques et financiers étaient exclus des réflexions portant
par exemple sur l’enseignement, la santé, l’énergie, l’écologie...
– En ne faisant plus dépendre la qualité de vie des peuples de l’exploitation
de leurs ressources naturelles et de leur commerce, l’ensemble des nations
pourraient parvenir rapidement à un indice élevé de BIB (bonheur intérieur brut)
dans le respect de leur culture et traditions. Les problèmes liés aux mouvements
migratoires disparaitraient rapidement car, si les conditions de vie deviennent
agréables chez soi, pourquoi voudrait-on quitter son pays autrement que porté par un
motif étranger à la simple survie ?
– Mondialisation et souveraineté en sortiraient réconciliés. Chaque peuple, en
effet, retrouverait la possibilité de déterminer et d’appliquer par lui-même et pour
lui-même la recette de sa qualité de vie. Libérées de l’aiguillon de la nécessité
les relations internationales s’en trouveraient pacifiées, portées sans arrière
pensée par le désir commun de prendre soin de notre vaisseau spatial.
– La démocratie ferait un grand bond en avant car ce nouvel espace ne peut
exister sans un débat public ouvert et permanent pour définir les besoins sociétaux
et y répondre dans une logique de subsidiarité.
– Les prix cachés liés à la dégradation de la société actuelle se traduisant
par une fragilisation de la santé, une diminution importante de l’espérance de vie
pour beaucoup, la violence qui s’exprime à tous les niveaux et sous les formes, les
sauve-qui-peut dans la drogue, le vol, la corruption... se trouveraient
naturellement très allégés, dès lors que chacun, recevant un revenu décent, pourrait
se sentir intégré et reconnu dans une société à laquelle il aurait plaisir à
participer utilement.
Je m’arrête là... André Jacques Holbecq et moi-même avons écrit un livre
sur ce sujet : Une monnaie nationale complémentaire aux éditions Yves
Michel.
( http://aises-fr.org/231b-liv-PhD+AJH-mon-compl.html )
L’idée est également développée sur mon site : http://aises-fr.org/411-ecs.html
Mais ce n’est bien sûr pas suffisant pour qu’elle circule et devienne un
vaste sujet de société. Ce n’est que si elle est portée par un grand
nombre de citoyens, étudiée et promue par des instances comme ATTAC,
Roosevelt 2012, les Colibris, global society, l’Europe des consciences
etc... qu’elle aura une chance de s’incarner.
Si donc au-delà des questions qui restent peut être en suspens pour
vous, vous trouvez que cette idée répond potentiellement aux défis de
notre temps, alors, merci d’apporter votre concours en la diffusant dans
vos réseaux et en en faisant la promotion auprès des instances que vous
connaissez afin d’étude et lobbying.
Je me tiens à votre disposition
Bien cordialement
Philippe
Derudder
derudder QMr lhed.fr
Messages
1. Une monnaie nationale complémentaire, 3 novembre 2013, 11:36, par lak
Ne suis pas contre les mo locales mais sans croire que c’est une réponse à la hauteur des enjeux. Il faut poser la question des banques au plan national et européen. JJL
2. Une monnaie nationale complémentaire, 3 novembre 2013, 19:00
Deux monnaies pour une même entité nationale économique ???
Une "universelle" et l’autre à usage exclusivement "interne".
C’est pas ça qu’il y avait à Cuba jusqu’à de que les Cubains décident de le supprimer progressivement face aux problèmes de corruption que ça engendrait ?
S’il y en a ici qui pensent qu’on supprimera les causes de l’inflation et de la paupérisation des travailleurs en renommant la "monnaie" et en en créant une pour les pauvres et une autre pour les riches, va falloir qu’ils revoient et réétudient les bases fondamentales de l’économie en général.
Parce que ce qui est proposé ici c’est une "sortie de l’Euro", (Et je suis pas contre cette sortie avec plus ou moins de fracas), mais sans en sortir ; et au contraire en créant la discrimination avec ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas.
Et on mettra encore un peu plus les travailleurs dans le ghetto ce qui permettra d’encore mieux les contrôler économiquement pendant que les riches continuerons à le devenir encore plus en Euros... EUX !!!
G.L.