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Une plage portugaise résiste à l’Otan (3-1 vidéo) ou la marine US aux grandes manoeuvres

par nazairien

Publie le vendredi 23 octobre 2015 par nazairien - Open-Publishing
2 commentaires

Les chaînes de télévision portugaises ont diffusé mardi un curieux reportage sur des exercices de l’Otan, qui est vite devenu populaire sur Internet.

http://fr.sputniknews.com/international/20151023/1019042726/otan-exercices-plage-echec.html

La plage de Grândola, au Portugal, a résisté aux commandos américains et portugais empêchant d’organiser une opération de débarquement lors des exercices Trident Juncture 2015 de l’Otan, les plus importants depuis 2002, rapporte l’édition El Observador.

"L’Otan a organisé une fête et a invité des journalistes. Et pour cause : le Portugal n’avait pas accueilli depuis plusieurs années des exercices conjoints engageant 4.000 militaires. Le lieutenant-colonel Eric Hamstra, du Corps des marins des Etats-Unis, a promis que les manœuvres préparées depuis deux ans seraient un exemple de coopération entre les fusiliers marins et les commandos des deux pays (…). Mais la plage de Grândola n’avait pas envie de coopérer avec les militaires", note le journal.

https://www.youtube.com/watch?v=mC3Lh-smsmM

Le spectacle a commencé par l’arrivée de deux embarcations à coussin d’air LCAC envoyées depuis le navire américain USS Arlington. Mais les deux LCAC n’ont accosté sur la côte portugaise qu’à la deuxième tentative en raison du fort ressac. 1-0 en faveur de la plage.

Les deux véhicules tactiques Humvee, destinés à rouler dans le sable, ont été bloqués dès qu’ils se sont retrouvés sur la plage. Enfoncés dans le sable, les deux tous-terrains n’ont pas bougé malgré tous les efforts des fusiliers marins et commandos. 3-1 en faveur du sable portugais.

L’ambassadeur des Etats-Unis au Portugal Robert Sherman et le contre-amiral portugais José Domingos Pereira da Cunha, commandant des exercices, ont essayé de remédier à la situation en envoyant d’autres soldats à la rescousse, mais en vain. Les véhicules ne faisaient qu’entrer davantage dans le sable. Fatigués, des militaires se sont allongés près des véhicules pour se reposer (ou pour bronzer ?).

La scène se jouait devant les journalistes réunis sur une dune de sable où les deux tous-terrains devraient passer en quittant la plage.

Si la première étape de l’opération avait été un succès, les navires à coussins d’air auraient dû alors retourner à l’USS Arlington pour ramener d’autres Humvee.

Cerise sur le gâteau, le porte-parole de l’ambassade américaine à Lisbonne et un représentant des commandos américains ont donné une petite conférence de presse, affirmant que tout allait bien. "Les fusiliers marins et commandos des deux pays ont fait un bon travail. Les exercices ont été une occasion de s’entraîner à débloquer les véhicules pris dans le sable", ont déclaré les responsables aux journalistes étonnés.

Trois blindés LAV-25 ont enfin défilé devant les photographes. Ils ont grimpé avec peine sur la dune en consommant plus de carburant qu’une Volkswagen de 2015, ajoute El Observador.

Trident Juncture 2015 (TJ15), "les plus grands exercices de l’Otan depuis la fin de la guerre froide", se tiennent en Italie, en Espagne et au Portugal du 28 septembre au 6 novembre. Y participent plus de 35.000 militaires, 200 avions, 50 navires de guerre de 33 pays (28 pays membres de l’Alliance et 5 pays alliés).

La ville portugaise de Grândola est connue pour être le symbolique de la Révolution des Œillets (1974), au travers de la chanson Grândola, Vila Morena de Zeca Afonso.

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Messages

  • Commentaire d’un contributeur

    Mdr de les voir en train de pousser leur humvees. Ca me rappelle cette vidéo dantesque http://www.dailymotion.com/video/xh9r_debarquement_fun . On se demande pourquoi ils s’entraînent à débarquer sur une plage portugaise.. remarque c’est quand même moins risqué que de le faire en Syrie…

  • Merci au sable de cette plage illustre qui résiste si bien à l’Otan.

    Salut fraternel.

    le Rouge-gorge

    A quoi sert une chanson…
    Par François Ruffin, 27/10/2014

    « Grãndola vila morena… » Juste quelques lignes gribouillées, au départ, pour remercier des camarades. Et voilà qui devient, dix ans plus tard, le chant d’une révolution. Et qui est repris, encore aujourd’hui, contre la troïka. Quand l’art épouse le peuple…

    Et si la fraternité ne dure qu’une minute, il faut la prendre, la mordre à pleines dents, en retenir le goût, de cette chaleur, pour tous les jours sans tendresse.

    Surtout José Alfonso.

    Depuis l’enfance, lui va de déchirements en arrachements. D’avec ses parents, d’abord, dès ses trois ans, eux partis pour les colonies portugaises, pour l’Angola, pour le Timor, tandis que le petit, à la santé fragile, est balloté entre les oncles et tantes. D’avec sa femme, ensuite, à cause de la misère, des dettes, et lui qui ne renonce pas à chanter, marginal sans avenir. D’avec ses enfants, aussi, après le divorce, confiés à leurs grands-parents, alors au Mozambique. Et le voilà balloté, maintenant, toujours, enseignant sans diplôme, remplaçant, de Mangualde à Lagos, de Faro à Coimbra, la mélancolie vissée à l’âme, sans famille, mal à sa place et mal dans sa classe.

    Alors, ce soir, ce dimanche 17 mai 1964, à Grãndola, au sud du Portugal, dans le local de la SMFOG – la Société musicale, ouvrière, qui l’invite – José Alfonso savoure. La petite salle est bondée, deux cents personnes, tellement pleine à craquer que Zéca donne tout son récital, même sa chanson maudite, Os Vampiros, les Vampires, qui a éclaté comme un tonnerre :

    « Ils sont les intendants

    De l’univers entier

    Maîtres par la force

    Commandants sans lois.

    Ils remplissent leurs granges

    Et boivent le vin nouveau.

    Ils mangent tout

    Ils mangent tout

    Ils mangent tout

    Et ne laissent rien. »

    Mais la foule est si dense, si enthousiaste, que la police politique n’ose pas sévir, dans cette région prolétaire, anti-fasciste. Elle ne sait pas davantage, la Pide, que sous les pieds du chanteur, sous la scène, sont cachés des rayons de livres séditieux, résistance discrète qui, sous la dictature de Salazar, prend le masque de la culture. Et comment est financé tout ça ? Par les gens, par les habitants, par ce médecin, démocrate, qui verse chaque mois une journée de consultations en soutien.

    José Alfonso se sent bien, tout simplement bien, parmi les siens. C’est si rare, ces instants, où l’on aime son peuple pleinement, où l’on est du peuple fondu en lui, confondu avec lui.

    Trois jours plus tard, pour remercier, pour en retenir le goût aussi, sans doute, le chanteur adresse un poème à ces camarades de la Société musicale fraternité ouvrière de Grãndola :

    « Grândola, ville brune

    Terre de fraternité

    Seul le peuple ordonne

    En ton sein, ô cité

    À chaque coin un ami

    Sur chaque visage, l’égalité

    Grândola, ville brune

    Terre de fraternité

    À l’ombre d’un chêne vert

    Dont je ne connaissais plus l’âge

    J’ai juré d’avoir pour compagne

    Grândola, ta volonté. »

    Trois petits couplets, papier perdu dans un dossier, dans un tiroir, parmi cent papiers, oublié.

    Sept années s’écoulent.

    José Alfonso se remarie, part au Mozambique, retrouve ses enfants, conteste le colonialisme, perd son poste, rentre à Lisbonne les poches vides, est poursuivi par la police, se fait chasser de l’enseignement.

    Fin de son gagne-pain.

    Tant pis.

    Faisons d’un mal pour un bien : Zéca devient chanteur à plein temps. Alors que, jusqu’ici, lui gravait ses 33 tours, en une seule prise, dans un monastère en ruines où picoraient des poules, voilà qu’un producteur mise sur lui, veut financer ses prochains disques, les faire enregistrer dans des studios de pointe, même, à l’étranger…

    A l’automne 1971, il ressort donc le petit papier de ses cartons.

    L’album « Cantiques de mai » sort et, curieusement, alors que toutes ses chansons sont d’habitude censurées, alors que Zéca ne passe ni à la télévision ni à la radio, alors que ses disques ne circulent que sous le manteau, celui-ci n’est pas prohibé. Il est vendu chez les disquaires. Le public se l’arrache.

    C’est que le pouvoir hésite entre carotte et bâton.

    S’assouplit, puis se durcit.

    Diffuse même « Grãndola vila morena » sur les ondes, une inoffensive ballade, mais emprisonne son auteur, durant trois semaines, au printemps 1973. C’est l’indice, parmi mille, d’une fébrilité des dirigeants : face à la sédition, des étudiants et lycéens, des intellectuels également, mais surtout des militaires dans les colonies, le dictateur Caetano a perdu leur fil. Il tergiverse, autorise un congrès de l’opposition puis fait tirer sur la foule, permet un concert géant à Lisbonne mais prétend en contrôler chaque strophe…

    C’est l’occasion.

    Ils sont venus, ils sont tous là, les artistes contestataires, ce 29 mars 1974, au Coliseu dos Recreios, devant cinq mille spectateurs, plus des centaines qui n’ont pu rentrer. Et comment concluent-ils la soirée, si manifestement politique ? Tous ensemble, tous sur la scène, entonnant avec le public :

    « Grândola, ville brune

    Terre de fraternité

    Seul le peuple ordonne

    En ton sein, ô cité… »

    Et un mois plus tard, sur Ràdio Renascença, la radio privée de l’Eglise catholique, à minuit et vingt minutes, le mercredi 24 avril, quel message les capitaines rebelles choisissent-ils comme signal de l’insurrection ?

    « À chaque coin un ami

    Sur chaque visage, l’égalité

    Grândola, ville brune

    Terre de fraternité. »

    A l’écoute de ça, dans toutes casernes du pays, les militaires putschistes se mettent en branle :

    « À l’ombre d’un chêne vert

    Dont je ne connaissais plus l’âge

    J’ai juré d’avoir pour compagne

    Grândola, ta volonté. »

    La révolution des œillets est en marche : en quelques heures, elle va bousculer un régime installé depuis presque un demi-siècle.

    C’est sous la dictature que, au fond, peut-être, ces hommes ont vécu leurs plus beaux moments, luttant ensemble au coude-à-coude. Ensuite sont venues les brouilles et les embrouilles, entre communistes et modérés, révolutionnaires et conservateurs. L’amertume s’est mêlée à tout ça, pour Zéca aussi, un peu, pris dans les bourrasques, dans les arrachements et les déchirements entre amis.
    Lui tombe malade, trop vite.

    Il meurt en 1987 et à ses funérailles, à Sétubal, devant trente mille personnes, devant le cercueil couvert d’un drap rouge, la fanfare de la SMFOG est là, pour entonner encore « Grãndola vila morena ».

    Et vingt-six ans plus tard, quarante après sa création, le 15 février 2013, comment intervient, au Parlement portugais, le collectif « Que se lixe a Troïka », « que la Troïka aille se faire foutre » ?

    Avec « Grãndola vila morena ». Et le Premier ministre garde son calme, va même jusqu’à les complimenter les agitateurs : « De toutes les façons dont une session peut être interrompue, voilà celle de meilleur goût. » Et quinze jours plus tard, c’est un million de personnes qui, lors d’une manifestation monstre, reprennent« Grãndola » sur les rives du Tage…

    J’ai vu, moi aussi, sous mes yeux, renaître une chanson.

    C’était le 29 janvier 2010, à Montpellier, lors d’un meeting Front de Gauche pour les régionales.

    Les organisateurs avaient prévu, pour finir, pour sortir, une petite musiquette de jazz branchouille, diffusée par des enceintes. Mais au fond de la salle, immense, y avait des cars descendus des Cévennes, des anciens mineurs, des cocos purs souche, et alors ils ont repris leur chant, notre chant, depuis un siècle et plus :

    « Debout, les damnés de la terre !

    Debout, les forçats de la faim ! »

    Et poings dressés, lentement, rangée après rangée, le chant est alors remonté jusqu’à la tribune, jusqu’aux leaders qui ont suivi, Marie-George Buffet, René Revol, etc., entonnant à leur tour le refrain :
    « C’est la lutte finale

    Groupons-nous et demain

    L’Internationale

    Sera le genre humain. »

    Durant dix ans, ou plus, vingt peut-être, on ne l’avait plus entendu, tant on devait en avoir honte, de lui, psalmodié en russe, sur la place Rouge, par des maréchaux grabataires. Tant on devait le renier, lui, et tout un héritage. Mais il avait survécu dans des cœurs fidèles, et il était revenu, en force même, concluant en 2012, avec la Marseillaise, les meetings géants de Mélenchon. Et comme c’était bon, alors, comme c’est toujours bon, de faire chœur, de faire corps, taisant les arrachements et les déchirements, les brouilles et les embrouilles, fraternité le temps d’une chanson…

    F.R.

    Ce récit est tiré du livre – qui se lit fort bien – Grãndola vila morena, de Mercedes Guerreiro et Jean Lemaître, éditions Aden, 2014 (140 pages, 12 €). On regrettera seulement que ce texte évoque un poète, mais sans poésie, raconte le « roman d’une chanson » mais sans que sa langue ne chante.