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Venezuela - Colombie : Chronique d’une guerre annoncée

Publie le mercredi 2 février 2005 par Open-Publishing

Par Luis Britto García

Ultimas Noticias, quotidien vénézuélien de gauche modéré

Le nouveau plan de la stratégie nord-américaine c’est de fomenter la guerre entre la Colombie et le Venezuela. Les dirigeants colombiens sont-ils intéressés par la guerre ? Toute oligarchie vacillante invente un conflit externe pour consolider le front interne. La Colombie n’est pas une exception à la règle.

Sur la longue frontière avec la République de Colombie sœur les incidents se répètent de façon régulière. Des inconnus tuent gaillardement des soldats vénézuéliens.Les médias assassinent la vérité en inventant que le Venezuela envahit le territoire colombien.

Des Colombiens se préparent pour l’agression imaginaire. Cela ressemble au conte de Juanito Matagigantes [Petit Jean tue des Géants], qui parvient à faire s’entretuer deux colosses en faisant croire à chacun d’entre eux que l’autre l’attaque. J’exagère ?

Au moins à deux reprises, les médias ont annoncé comme un fait l’invasion, inexistante, de la Colombie par le Venezuela.

Le Venezuela a accusé la Colombie d’avoir séquestré Granda et d’avoir violé sa souveraineté.

C’est ce qui était arrivé avec la tuerie de Cararabo au début des années 1990.
Les parlementaires socio-chrétiens Humberto Celli et Haydée Castillo de López Acosta ont proposé une « poursuite instantanée » à l’intérieur de la Colombie [dans les cas d’opérations armées à l’intérieur du Venezuela, durant la 4e République].

Je me trouvais à Bogotá lorsque les médias ont considéré la malheureuse proposition comme une déclaration de guerre formelle. Il s’en était fallu de peu qu’une partie des Colombiens aillent se présenter sous les drapeaux en raison d’une invasion inexistante.

L’histoire se répète

Des inconnus assassinent 8 Gardes frontières vénézuéliens. Le gouverneur de Norte de Santander [département colombien], Luis Miguel Morelli Navía, présente à Bogotá une dénonciation d’une supposée incursion de militaires vénézuéliens à Tibú.

Le 3 janvier 2005 le colonel Fernando Fernández, Chef de l’Etat Major du commandement régional N. 3, présente des déclarations mensongères à la presse colombienne selon lesquelles des membres de la Garde Nationale [vénézuélienne] auraient pénétré dans le village Vereda de San Luis de Beltrán. Le Ministre des Affaires Etrangères Roy Chaderton déclare explicitement qu’il n’y a pas eu de poursuite instantanée. Sauf, peut-être, dans l’imagination des médias.

L’imagination, comme la calomnie, est paresseuse et n’entre en action que par intérêt. Le Venezuela est-il intéressé par un conflit avec la Colombie ? Notre population n’arrive qu’à 24 millions, celle de la Colombie dépasse les 40 millions.

Près de deux millions de Colombiens vivent au Venezuela, et presque aucun Vénézuélien en Colombie. La république sœur dispose d’un entraînement militaire de plus d’un demi-siècle, le Venezuela est en paix depuis trois décennies.

La Colombie n’a pas de point stratégique, le Venezuela en a beaucoup. La production agricole colombienne serait difficilement paralysée, l’industrie pétrolière du Venezuela est hautement vulnérable. La Colombie dispose de terres fertiles que nous ne convoitons pas.

Le Venezuela détient le butin le plus enviable : les hydrocarbures dont dépend le destin du monde.

Le gouvernement colombien est allié des Etats-Unis, le nôtre pas. Des raisons géopolitiques, stratégiques, économiques, morales et historiques justifient la politique du gouvernement vénézuélien de ne pas s’impliquer dans le conflit, de s’en tenir à une stricte neutralité et de recevoir de façon humanitaire les déplacés des deux camps.

Les dirigeants colombiens sont-ils intéressés par une guerre contre le Venezuela ?

Toute oligarchie vacillante invente un conflit externe pour consolider le front interne. Généralement elle échoue, comme dans le cas des militaires argentins qui avaient pris les Malouines. Toute oligarchie qui a besoin du soutien des Etats-Unis sacrifie ses compatriotes comme chair à canon contre un gouvernement gênant pour les Etats-Unis.

Généralement il leur arrive comme à Saddam Hussein, armé jusqu’aux dents par les Etats-Unis pour agresser l’Iran, et ensuite anéanti par les Etats-Unis eux-mêmes.

Qui est intéressé par le conflit entre la Colombie et le Venezuela ? Dans le numéro du dernier trimestre de 1999 de la revue du Département d’Etat [des Etats-Unis] Foreign Policy il y a un article de David Henríquez, chercheur du Centre Rockefeller pour les Etudes Latino-américaines de Harvard, qui affirme que « l’objectif de la majorité des guerres actuelles c’est d’affronter les petits pays et non les grands ».

Il soutient par ailleurs que des régions riches comme le nord du Mexique, le sud du Brésil ou la ville côtière de Guayaquil se demandent quel bénéfice elles tirent de leur identité nationale.

Ensuite, la presse a fait référence à un autre plan en marche pour retirer la Patagonie à l’Argentine. Nous avons déjà signalé qu’en 1998 la presse colombienne a réalisé des sondages sur un plan pour que le pays soit divisé en deux, un dominé par le gouvernement et l’autre par la guérilla. L’année suivante les médias ont diffusé un autre projet pour faire faire sécession à l’Etat de Zulia, la région pétrolière la plus riche du Venezuela.

Il existe aussi un autre plan pour rendre indépendant l’Etat de Guyana. Ces complots séparatistes offrent pour les empires l’avantage additionnel d’enrichissement pour trafic d’arme, l’ouverture de nouvelles aventures interventionnistes et la possibilité d’imposer des conditions diplomatiques et économiques draconiennes à tous les fragments issus de ces divisions.

Le plan principal des Etats-Unis c’est que le Venezuela leur fasse la guerre en Colombie, et la Colombie lui livre le pétrole vénézuélien.
Quels résultats apporterait une guerre entre nos républiques sœurs ?
La destruction d’une génération de Colombiens et de Vénézuéliens.
La ruine des deux économies.

La chute des dirigeants qui auraient poussé au conflit.

Sur les ruines des deux pays serait édifié ce qui est le véritable objectif : Les Etats-Unis interviendraient pour créer un nouvel Etat pétrolier, intégré par l’Etat vénézuélien de Zulia et une partie du département colombien de Norte de Santander, un nouveau Koweït, avec presque tout le pétrole de l’hémisphère et presque aucune souveraineté. Jerónimo Pérez Rescanière aime à répéter que la Colombie allait être le pays le plus riche d’Amérique latine parce qu’elle avait le Canal du Panama, et qu’une fois que le Panama a fait sécession ni le Panama ni la Colombie n’ont été prospères. A la suite d’un nouveau démembrement, ni le Venezuela, ni la Colombie, ni l’Etat séparé, ne deviendrait prospère.

L’ex-ministre des affaires étrangères vénézuélien Roy Chaderton avait indiqué à la [alors] Conseillère Condoleezza Rice : « Si vous abritez l’ingénue prétention de faire s’affronter Vénézuéliens et Colombiens, nous vous assurons qu’il n’existe pas de pouvoir capable parvenir à un tel objectif ».

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