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Vingt quatre heures à l’Assemblée Nationale le 17 octobre 2007

Publie le mercredi 24 octobre 2007 par Open-Publishing

" retraites
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Lui aussi pourra apprécier de s’exprimer dans le silence.

M. Maxime Gremetz. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Je tiens avant tout à exprimer notre soutien total à tous les salariés qui agissent pour défendre leur retraite contre la politique de régression sociale du Gouvernement. D’ailleurs, 54 % des Français soutiennent le mouvement social de grande ampleur qui s’annonce. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe du Nouveau Centre.)

Vous voulez réformer les régimes spéciaux avant la fin de l’année, avant de vous attaquer au régime général dès le début de l’année 2008. Avec le MEDEF, vous martelez que la seule voie pour sauver notre système de retraites, c’est d’allonger la durée des cotisations. Cela se pratique depuis quinze ans, avec le déficit que l’on connaît ! C’est un argument mensonger, qui n’a fait que réduire les taux de pension des salariés. Il s’agit en réalité d’un nivellement par le bas !

Les salariés en lutte du secteur public et du secteur privé veulent avoir le droit de partir à la retraite à soixante ans, la possibilité pour chacun de choisir, un système de départ anticipé pour travaux pénibles, contraintes de service public ou tâches astreignantes, et un taux de remplacement de 75 % pour tous, avec un minimum équivalent au SMIC.

Depuis des années, alors que vous faites des cadeaux royaux au grand capital (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous refusez d’introduire dans l’assiette des cotisations tous les éléments de rémunération. Vous refusez également de réformer la cotisation employeurs en élargissant son assiette aux revenus financiers et en instituant une modulation en faveur de l’emploi.

Le Gouvernement va-t-il rester sourd à la voix des salariés et de la majorité de la population ? N’entendrez-vous que le MEDEF ? Certains l’ont fait avant vous : ils l’ont payé très cher ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le député, quel dommage que vous n’ayez pas eu davantage de temps de parole, car je n’ai pas entendu vos propositions pour l’avenir de nos régimes de retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La vérité, c’est que si nous voulons assurer leur avenir, il faut engager des réformes. Nous savons tous pertinemment que si nous ne faisons rien, nous verrons disparaître notre modèle social, dans un avenir qui n’est pas si lointain.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il nous fallait donc engager ces réformes. Les régimes spéciaux auxquels vous avez fait allusion concernent plus d’un million de retraités pour seulement 500 000 actifs. Comment fait-on pour financer leurs retraites ? Ils savent tous que cette réforme est indispensable, c’est pourquoi nous l’avons engagée.

M. Maxime Gremetz. Ne prenez pas les gens pour des imbéciles : vous auriez pu trouver des milliards ailleurs !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nous l’avons engagée avec le souci du dialogue et en écoutant les inquiétudes pour leur pouvoir d’achat de ceux qui relèvent des régimes spéciaux. Je dis à ces agents que si, comme l’ensemble des salariés, ils font une carrière complète, ils auront droit à une retraite complète, ce qui leur était interdit jusqu’ici !

Monsieur Gremetz, vous savez bien qu’à la SNCF, à EDF et dans d’autres entreprises, il est impossible de travailler au-delà de cinquante-cinq ans, même lorsqu’on souhaite compléter sa retraite. Demain, ce sera possible grâce à notre réforme. Non seulement elle garantira l’avenir de ces retraites, mais désormais tous les Français seront égaux devant la durée de cotisation.

M. Jean-Claude Sandrier. Des mots !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Certains parlent de justice sociale. Nous, nous la renforçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe du Nouveau Centre. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche."
(...)

"- Fraude sociale et fiscale

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Ciotti. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Monsieur le ministre, le Président de la République vous a confié le 11 octobre dernier une mission de coordination gouvernementale pour lutter contre tous les types de fraude sociale et fiscale.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. L’UIMM !

M. Éric Ciotti. En effet, celles-ci se multiplient : faux RMIstes, escroquerie à l’assurance maladie, faux chômeurs, travail au noir…

M. Jean-Pierre Brard. Lagardère ! Gautier-Sauvagnac !

M. Éric Ciotti. Ces fraudes ont, aujourd’hui, un coût économique considérable, que le Conseil des prélèvements obligatoires estime à 60 milliards d’euros. Elles ont aussi un coût social, car les Français ne supportent plus de payer pour les excès de quelques-uns.

Le Président de la République vous a donc invité à combattre ces excès avec rigueur et détermination.

M. Henri Emmanuelli. Comme ceux du MEDEF !

M. Éric Ciotti. Nous nous réjouissons que ce tabou soit enfin levé.

Le Président de la République, dans sa lettre de mission, a ouvert des pistes qui nous paraissent pertinentes : suspension des prestations pendant un an pour les fraudeurs, mise en place de peines planchers forfaitaires pour les entreprises.

Quelles mesures concrètes entendez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre, pour combattre avec détermination ces fraudes qui mettent en péril notre pacte social et économique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, la lutte contre la fraude est évidemment une priorité pour le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est essentiel pour nos finances publiques et pour la confiance des Français, c’est aussi une question d’éthique et de morale.

M. Jean Glavany. Gautier-Sauvagnac !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C’est d’ailleurs ce qu’avait souhaité la MEC.

Le Premier ministre et le Président de la République m’ont confié la mission de centraliser l’ensemble des moyens de lutte contre la fraude : fraude sociale, fraude aux prestations, aux prélèvements et aux aides publiques.

Nous allons utiliser tous les leviers qui sont à notre disposition pour agir. Cette impulsion nouvelle va se traduire par la création d’une délégation interministérielle de lutte contre la fraude que nous mettrons en place avant la fin de cette année et qui rendra très vite des conclusions au Premier ministre.

Nous allons étudier un certain nombre de procédures qui permettront de mieux lutter contre la grande fraude fiscale, la délinquance fiscale, celle que nous devons évidemment attaquer, celle qui crée des injustices puisque certains de nos concitoyens paient leurs impôts et que d’autres tentent d’y échapper.

Nous allons aussi lutter contre le travail dissimulé, inexplicable et surtout inacceptable, et la fraude aux prestations sociales.

M. Maxime Gremetz. Le patron de la métallurgie !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. EADS !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous agirons d’ailleurs dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il suffit d’échanger des informations entre les services fiscaux et les services sociaux pour parvenir à un résultat.

Bref, nous travaillerons dans un esprit d’efficacité et d’équité pour que tous les Français soient égaux à la fois devant l’impôt et devant les prestations sociales. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement."

(...)
Suspension et reprise de la séance
(...)

" - projet de loi de finances pour 2008 :
(... Intervention de M. JP Brard sur un rappel au règlement)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Pierre Brard. Je me permets quand même, monsieur le président, de vous rappeler l’exemple de notre ancien collègue Georges Hage, dont les citations latines – faites avec quel brio ! – n’ont jamais été censurées.

Mais je consacrerai, si vous le voulez bien, d’autres rappels au règlement à cette affaire jusqu’à ce que j’obtienne une explication cohérente.

M. le président. Votre temps de parole s’écoule, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre du budget, le Premier ministre s’est récemment illustré en annonçant sans ménagement que la France était en faillite.

Voilà pourtant que quelques jours plus tard on nous présente un budget de routine, un budget de croisière dans un pays morne, croisière luxueuse pour les riches, pendant que les autres voyageront en soute, car ce budget n’est nullement indolore : il faut bien commencer dès 2008 à régler l’ardoise des largesses post-électorales de l’été dernier.

Vous avez ce faisant stérilisé plus de treize milliards d’euros en année pleine pour engraisser davantage les rentiers et multiplier les effets d’aubaine. Nous ne pouvons que regretter que le Premier ministre n’ait pas eu la révélation de la faillite dès juin dernier : cela aurait évité à nos concitoyens de devoir ingurgiter aujourd’hui, et plus encore demain, des potions amères pour payer vos dilapidations. Que ne fût-il touché par la grâce qui a poussé M. Borloo à annoncer la TVA sociale !

Les crédits que vous avez ainsi stérilisés vont manquer en 2008 pour créer la dynamique économique et sociale redistributive qui aurait protégé notre pays et nos concitoyens contre les conséquences de l’envolée des prix des produits alimentaires, du gaz, du pétrole – merci de la part de Total qui, possédant à la fois les puits et les pompes, « s’en met plein les poches » à chaque étape –, contre les effets de la crise déclenchée aux États-Unis par les excès financiers du secteur immobilier, et contre le freinage de l’activité économique en France, tous facteurs qui vont amputer le pouvoir d’achat et dégrader l’emploi.

Par parenthèse, monsieur le ministre, je remarque que si vous faisiez confiance aux fonctionnaires qui nous représentent à l’étranger, vous ne pourriez même pas prétendre être surpris par la crise immobilière. Il y a déjà deux ans en effet que le ministre-conseiller de notre mission économique à Washington avait parfaitement décrit la situation dans une note au Quai d’Orsay. Mais vous êtes tellement imbibé de l’idéologie dominante, tellement fasciné par les États-Unis, que vous ne voyez pas les nuages arriver d’outre Atlantique, quand bien même vous entendez déjà le tonnerre.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez décidé de supprimer 22 900 emplois publics, ce qui aura mécaniquement pour conséquence que 22 900 jeunes de ce pays ne seront pas embauchés et manqueront dans nos services publics et administratifs.

Le choc de confiance tant claironné par le Président de la République, auquel vous vous référez sans cesse – illégitimement puisque l’article 5 de la Constitution ne l’autorise pas à vous donner de consigne ni à vous adresser de lettre de mission – est en train de virer au flop économico-financier sans doute le plus retentissant de l’histoire de la Ve République. Il s’agissait, prétendiez-vous, de soutenir la croissance par des réformes ambitieuses déclenchant un cycle vertueux. Mais les prévisions de croissance sont revues à la baisse par tous les prévisionnistes, INSEE compris. Ainsi la Commission européenne prévoit une croissance 1,9 % pour 2008 contre une prévision médiane du Gouvernement de 2,25 %.

Résultat de votre politique, le moral des Français est en chute et le pessimisme prévaut. Tous les indicateurs d’opinion composant l’indicateur résumé d’opinion des ménages établi par l’INSEE sont en recul en septembre. La baisse la plus notable concerne l’indicateur relatif aux perspectives d’évolution du niveau de vie, qui se dégrade fortement. Le jugement des ménages sur l’évolution passée du niveau de vie se détériore également quoique dans des proportions moindres. Les ménages sont de nouveau plus pessimistes sur leur situation financière future. L’indicateur d’opinion quant à l’opportunité de faire des achats importants a lui aussi reculé en septembre.

Les patrons de PME sont également pessimistes vis-à-vis de la situation économique à venir, après avoir connu pour certains une baisse de leur activité en septembre, selon l’enquête mensuelle BNP Paribas Lease Group-AFP. Le baromètre BPLG-AFP de vitalité des PME-PMI a chuté de 19 points en septembre à 34 points, son niveau le plus bas depuis février 2007, où il était à 37 points. L’enquête attribue ce sentiment à la « récente dégradation de l’environnement économique mondial ».

Nos compatriotes ont d’ailleurs bien raison d’être inquiets pour leur pouvoir d’achat et leur situation financière. le point de conjoncture de l’INSEE du 26 septembre dernier note en effet que « les prix du pétrole ont en outre continué à progresser au début du troisième trimestre : le 20 juillet, le baril de brent a atteint un record, à près de 80 dollars. Après un recul au début du mois d’août, les prix sont repartis à la hausse : sur un marché contraint par l’offre et sensible aux facteurs géopolitiques, ils devraient rester volatils dans les mois à venir. Notre prévision s’appuie sur l’hypothèse d’un baril de brent à 75 dollars en moyenne à l’horizon de la fin de l’année. Aux tensions sur le marché pétrolier s’ajoute l’accélération des prix agricoles et des matières premières. Cette accélération devrait se poursuivre au second semestre, entraînant une augmentation de l’inflation à la fin de 2007 qui devrait peser sur le pouvoir d’achat des ménages ».

Cette prévision vaut évidemment aussi pour 2008, car l’évolution rapide à la hausse du prix de nombreuses matières premières et produits agricoles est une tendance lourde ayant des causes structurelles, que même un ralentissement économique, lié à la crise financière, ne saurait inverser. Mais de tout cela, vous ne voulez pas tenir compte. Cette crise financière, dont on mesure encore mal l’ampleur et les conséquences, constitue pourtant une grave incertitude quant aux évolutions économiques, sociales et financières de 2008.

Comme l’écrit encore l’INSEE : « Si toutefois la crise financière persistait, l’incertitude sur l’évolution de la croissance, et donc sur les débouchés des entreprises, pourrait se renforcer. Leur investissement pourrait alors être ajusté à la baisse en fin d’armée ».

Mais il y a plus grave : la loi TEPA de l’été aura des effets pervers, par exemple en matière d’heures supplémentaires. Ils sont maintenant dénoncés par des acteurs de terrain qui partagent pourtant l’approche idéologique du Président de la République – laquelle est sans doute aussi la vôtre, par effet de clonage.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C’est la mienne, même sans clonage.

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il y a dans notre pays des gens qui ont des idées de droite. Vous n’avez certainement pas besoin du soutien du Président de la République pour être à droite – nous nous étions déjà rendu compte.

Or, ces amis du Président de la République sont sévères à l’égard du dispositif créé, qu’ils qualifient d’« usine à gaz ».

J’en veux pour exemple ce qu’écrit M. Christian du Mesnil du Buisson, directeur financier de PME, dans une tribune publiée par Le Monde du 11 octobre dernier :

« Prenons le cas des très petites et petites entreprises, où le climat social est souvent bon, notamment dans le secteur des services. Ici l’on ne compte pas toujours ses heures et la tentation sera grande, avec l’accord verbal des salariés, de transformer en heures supplémentaires nominales les augmentations annuelles de salaires ou encore tout ou partie des primes sur résultats. Gagner plus en travaillant comme d’habitude et sans que cela coûte un sou au patron, cela ne vaut-il pas de signer les yeux fermés une feuille d’horaires bidon, là où l’on n’en signait aucune par le passé ?

« Cette approche sera évidemment trop risquée dans les entreprises de plus grande taille. Mais dans celles-ci, nombre de responsables des ressources humaines et de patrons pourraient bien déceler dans cette loi des effets contre-productifs, les incitant à fermer plutôt qu’à ouvrir le robinet des heures supplémentaires ». C’est l’un de vos amis idéologiques qui le dit, monsieur le ministre !

Et il conclut : « Et si l’on veut relancer l’offre productive, a-t-on mesuré l’efficacité réelle d’une mesure caractérisée par un effet d’aubaine disproportionné (plus de 90 % des heures supplémentaires détaxées étaient déjà effectuées) ? » C’est si vrai que vous-même n’avez pas prévu l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires en 2008 par rapport à 2006. « Cela entraînera inévitablement, ajoute M. Christian du Mesnil du Buisson, un déplacement de l’offre de travail des salariés les plus précarisés (intérimaires, temps partiels) aux « insiders » les mieux lotis. Voilà donc finalement un cas d’école d’une mesure coûteuse et contre-productive à un moment de son histoire où notre pays nécessite bien autre chose ».

Autre absurdité de la loi TEPA : l’abaissement du plafond du bouclier fiscal à 50 %, absurdité qui apparaît pleinement à la lecture des derniers chiffres de votre ministère sur l’effet de ce bouclier cette année. Alors que le Gouvernement avait annoncé au Parlement 93 000 bénéficiaires du bouclier fiscal, le nombre réel des demandes est bien inférieur, et bien plus faible encore celui des demandes acceptées : 2 398 à la fin d’août 2007.

Mais le décalage est encore plus frappant pour ce qui est du montant remboursé à chaque contribuable bénéficiaire du bouclier. La somme moyenne à rembourser annoncée par le Gouvernement était de 4 000 euros par contribuable. Or le remboursement moyen s’établit, fin août 2007, à un peu plus de 50 000 euros. On voit donc que ce sont des foyers fiscaux riches qui bénéficient essentiellement et massivement de cette mesure.

J’imagine ce que doivent penser les personnes qui sont dans les tribunes. Elles doivent rêver qu’on leur rembourse 50 000 euros d’impôts, alors que ce n’est évidemment pas ce qu’elles gagnent en une année. Mais il est vrai, monsieur le ministre, que, quand on aime, on ne compte pas, et vous aimez tellement les privilégiés dont vous êtes les fondés de pouvoir que vous ne pouvez pas vous empêcher de leur beurrer la tartine. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Cependant, même un élève de CM1 pourrait constater que manquent à l’appel, par rapport à la prévision initiale, 90 000 contribuables qui pourraient exiger un remboursement, mais ne demandent rien. Vous êtes-vous demandé pourquoi ces gens riches ne demandent rien ? Pourquoi, dans l’écrasante majorité des cas, cette frilosité ? Par manque d’information ? Non. Par excès d’esprit civique – ces gens ne voudraient pas toucher aux caisses de l’État ? Non. C’est tout simplement par crainte d’un examen attentif, méticuleux, approfondi de leur dossier fiscal, et particulièrement de leur déclaration d’ISF. Or, au lieu de diligenter les contrôles nécessaires, le Gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’abaisser le plafond du bouclier de 60 % à 50 %.

Troisième exemple des impasses de la loi TEPA : les fonds d’investissement de proximité. Les Échos dans leur supplément « patrimoine » des 5 et 6 octobre 2007, décryptent la mesure : « Pour les contribuables les plus fortunés, l’investissement direct dans des PME est le plus efficace fiscalement : s’ils investissent 66 667 euros, ils peuvent obtenir la réduction d’impôt maximale (50 000 euros) ». Bien souvent ces 50 000 euros de réduction d’impôt s’ajouteront à un remboursement du même ordre au titre du bouclier fiscal – comme quoi rien n’est trop beau pour vos protégés.

Évidemment, et cela depuis 2002, tous ces cadeaux sont financés par les impôts et les cotisations payés par tous les habitants et contribuables du pays. De cela, vous ne parlez jamais. Vous osez dire que vous baissez les impôts, mais le premier impôt, payé par tous, et en particulier par les plus pauvres, est la TVA, qui représente en moyenne 2 700 euros d’impôts par personne et par an. Ces gens modestes ne vous demandent pas les 50 000 euros que vous donnez aux plus riches : rendez-leur 2 700 euros. Si vous les leur rendez, ils consommeront, feront tourner notre machine économique et contribueront à réduire le chômage.

M. le président. Monsieur Brard, le temps passe.

M. Jean-Pierre Brard. Hélas oui, depuis que l’univers existe... (Sourires.)

M. le président. Il est temps de conclure, cependant.

M. Jean-Pierre Brard. J’y viens, monsieur le président.

Je voudrais tout de même, monsieur le ministre, pour votre édification, rappeler quelques-uns de vos cadeaux fiscaux. Baisse de l’impôt sur le revenu pour les plus riches : 9,3 milliards d’euros ; réduction pour l’emploi d’un salarié à domicile – l’« allocation vison » – : 300 millions d’euros ; bouclier fiscal : 400 millions d’euros ; abattements sur les successions et donations : 1,5 milliard d’euros ; exonérations des plus-values immobilières après 15 ans : 400 millions, soit 15 milliards d’euros, entre 2002 et 2007, auxquels vont s’ajouter les 15 milliards du TEPA, dans un « quitte ou double » vertigineux.

Puisqu’il me faut maintenant conclure, monsieur le président, je reviendrai sur tous ces points dans la discussion. Cependant, vous avez bien entendu : des centaines de millions, des milliards d’euros vont remplir les poches de ces gens qui ont des poches sans fond parce que l’argent ne fait qu’y passer pour s’investir dans la spéculation. On peut rapprocher ces dizaines de milliards des 25 millions que vous avez comptés d’une façon mesquine, chiche, avaricieuse, aux RMIstes qui vont retrouver du travail ! Voilà la réalité de votre politique : d’un côté, vous distribuez l’argent par milliards et, de l’autre, vous comptez les piécettes que vous donnez d’une façon mesquine aux gens les plus pauvres.

C’est pour tout cela que nous voterons contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, au nom du groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois critères fondent l’appréciation que l’on peut porter sur le projet de loi de finances pour 2008. Le premier de ces critères est le respect des engagements politiques pris par le Président de la République devant le peuple français et tous nos voisins européens, mais aussi par les élus de la majorité présidentielle devant les électeurs lors des élections législatives. Le deuxième est le respect des principes d’équité…

M. Jean-Pierre Brard. L’égalité vaudrait mieux !(...)"

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