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la Saga de la FIFA. Le prix de la Honte

par nadine CRAUSAZ

Publie le dimanche 8 décembre 2013 par nadine CRAUSAZ - Open-Publishing

En secret, Joseph S. Blatter caresse le rêve de se voir remettre le Prix Nobel de la Paix pour l’ensemble de son oeuvre. Or le voilà désigné pour l’attribution du Prix de la Honte ! Au grand dam de son président, la FIFA se retrouve en effet en lice pour l’édition 2014 des Public Eye Awards. Sepp Blatter et sa vénérable institution figurent pour l’instant en deuxième position du classement du vote du public http://publiceye.ch/fr. Le prix sera remis au vainqueur lors du Forum économique mondial de Davos en janvier.
Lancé en 1999, les Public Eye Awards, à l’origine un contre-sommet au Forum économique mondial (WEF) de Davos, sont devenus une campagne en ligne redoutable et de portée internationale. Depuis leur création, les Public Eye Awards se sont voulus transparents et participatifs : c’est donc au public de désigner chaque année l’un des « lauréats ».
Chaque année, un jury professionnel sélectionne les cas les plus pertinents et les plus représentatifs. Cette liste est présentée sur le site internet du Public Eye pour que les internautes puissent faire leur choix. La votation prend fin en janvier, peu avant le WEF.
FIFA "SURPRISE"

La FIFA s’est fendue d’un communiqué pour faire part de sa surprise en découvrant sa désignation par le biais de la presse suisse. La bouche en coeur, Sepp Blatter jure les grands dieux qu’il n’y est pour rien et que la somme de reproches formulées par la population brésilienne à l’encontre de la FIFA ces derniers mois est totalement injustifiée : "Le football, plus fort que l’insatisfaction des gens", avait-il déclaré en juin dernier, peu sensible au carton rouge que lui adressaient ses détracteurs.

La colère du peuple, Blatter n’en a cure. Sa suite royale est déjà réservée dans les meilleurs palaces du Brésil. Son jet privé qui le transportera des loges présidentielles en dîners mondains avec tout le gratin mondial à ses pieds, rutile déjà sur la piste. Ses glaçons fabriqués exclusivement avec de l’eau d’Evian grelottent déjà d’impatience dans le bac !

Les faits
L’organisation de la Coupe du Monde de football 2014 a des effets négatifs pour le Brésil, en particulier pour les riverains des stades. Dans les douze villes qui accueilleront les matches, des centaines de milliers d’habitants ont en effet été déplacés de force et ont perdu leur maison et leurs moyens de subsistance.

Comme ce fut par ailleurs le cas en Afrique du Sud, la FIFA n’entreprend rien pour que les institutions, les petites entreprises ou les entreprises familiales profitent de l’événement. Dans un rayon de deux kilomètres autour des stades ou des espaces réservés aux fans, des zones exclusives sont aménagées, dans lesquelles le mouvement des personnes et la vente de produits sont placés sous contrôle. Cela provoque la ruine d’innombrables vendeuses et vendeurs ambulants. Une fois de plus, les plus pauvres doivent supporter les conséquences.

Victoire des vendeuses de crevettes

A Salvador toutefois, les vendeuses d’Acarajé, les beignets de crevettes typiques de Bahia, avaient obtenu, après une lutte acharnée d’un an, le droit de vendre leurs spécialités non seulement pendant la Coupe des Confédérations en juin dernier mais aussi pendant la Coupe du Monde de 2014 !

Alors qu’elles bénéficiaient depuis de nombreuses années d’emplacements devant le stade, la FIFA leur imposait, comme à tous les autres vendeurs ambulants, de s’éloigner de deux kilomètres de l’enceinte les jours des matches. Gagnant la sympathie du public et des médias, elles avaient lancé une pétition en ligne et recueilli 16 000 signatures, dont celles du footballeur Ronaldo et du Ministre des Sports Aldo Rebelo. Les Bahianaises ont réussi un véritable tour de force : celui d’entrer dans les stades et les "zones exclusives" qui les entourent, sans faire partie du club fermé des sponsors de la FIFA.

Alcool dans les stades !

La FIFA a, quant à elle, obtenu la levée de l’interdiction de la vente d’alcool dans les stades pour y imposer le monopole d’une marque de bière partenaire. Elle aurait également bataillé ferme contre les tarifs réduits, prévus pour les personnes âgées et les bénéficiaires de l’aide sociale, craignant que cela n’ampute une part de ses recettes sur les ventes de billets.

Conséquences
La Coupe du Monde de la FIFA entraîne des violations des droits humains tels que le droit au logement, le droit à la liberté de réunion et de mouvement, et le droit au travail. En vertu des standards internationaux en matière de droits humains, les expulsions forcées sont illégales. Elles sont malgré tout menées dans tout le Brésil en vue de la Coupe du Monde. D’innombrables personnes ont ainsi perdu leur logement et leurs perspectives de vie. Les familles touchées n’ont pas reçu de compensations ni de logements alternatifs.

De nombreux Brésiliens sont affectés directement par les pratiques commerciales de la FIFA. L’entreprise n’assume pas ses responsabilités et nie systématiquement toutes les accusations de violations des droits humains. La promesse faite par la FIFA de laisser un héritage positif contraste avec la réalité. L’institution a posé toute une série de conditions au pays organisateur, qui ont largement contribué aux violations des droits humains.

Part de culpabilité

La FIFA a donc une part de culpabilité dans ces violations, même si elle semble convaincue que « l’urgence » de ses projets d’infrastructure, et le bénéfice qu’ils généreront soi-disant pour l’ensemble de la société, justifient ses agissements irresponsables.

La FIFA n’étant soumise à aucun impôt, l’Etat brésilien se verra privé d’au moins 400 millions de dollars de rentrées fiscales. Les revenus versés par les vingt sponsors officiels à la FIFA – le second poste de bénéfices après la vente des droits TV – seront aussi exemptés d’impôts.

Par ailleurs, en cas de déconvenue financière, la FIFA se réserve la possibilité de demander des dommages et intérêts au Brésil. Une clause autorise un recours financier de la FIFA en cas de manquement à la sécurité. En 2011, la FIFA avait même demandé au Brésil d’intégrer les risques climatiques dans les motifs d’indemnisation, ce qui lui a été refusé par le gouvernement brésilien.

Des morts sur les chantiers

Deux ouvriers sont morts et un troisième a été blessé lors d’un accident au stade en chantier de Sao Paulo qui accueillera le match d’ouverture. Le stade de San Paulo fait partie des six stades lancés dans une course contre la montre pour être livrés à la date butoir du 31 décembre 2013. Il s’agit du troisième accident mortel dans un des stades du Mondial. 
Un ouvrier s’était tué lors d’une chute en juin 2012, au stade de Brasilia. En mars dernier, un autre ouvrier avait fait une chute mortelle au stade de Manaus.

Des chiffres qui donnent le tournis.

Depuis l’attribution de la Coupe du monde, le gouvernement brésilien a dû plusieurs fois revoir à la hausse le prix de l’organisation, notamment à cause du retard pris dans la construction des infrastructures et les scandales de corruption et détournements de fonds. Le montant évalué à 14 milliards de francs sera sans doute dépassé d’ici le 12 juin 2014, date du coup d’envoi. Soit pour le moment, environ 70 pour chacun des 194 millions de Brésiliens. Pour exemple, le stade mythique du Maracanã a coûté 550 millions de francs, après deux ans et demi de rénovation. Le double du devis initial. Le revenu moyen d’un Brésilien étant de 550 francs par mois et 20% de la population environ vivent en dessous du seuil de pauvreté....