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http://www.greenpeace.org/france_fr/features/details?item_id=665072
Durant la nuit du 02 au 03 décembre 1984, 40 tonnes d’isocyanate de méthyle, de cyanure hydrogéné, d’amine mono-méthyle et d’autres gaz mortels se sont échappés de l’usine de pesticides d’Union Carbide à Bhopal (Inde). Ce fut la pire catastrophe chimique de l’histoire. On estime que 3500 à 7500 personnes sont mortes à cause d’une exposition directe aux gaz, les chiffres exacts ne sont pas connus. Cette nuit a malheureusement été le début d’une tragédie qui continue. Union Carbide, propriétaire de l’usine de pesticides à l’époque de cette fuite de gaz mortels, a abandonné son usine en y laissant de grandes quantités de poisons. La population de Bhopal vit depuis avec une adduction d’eau contaminée et un héritage toxique qui continue à faire des victimes.
Union Carbide a tenté de se débarrasser de la responsabilité des morts provoqués par ce désastre en payant des compensations inappropriées à l’Etat indien. Aujourd’hui, plus de 20.000 personnes vivent à proximité de l’usine et une deuxième génération d’enfants est victime des graves impacts de cet héritage industriel toxique. Près de 20.000 personnes sont mortes et 500.000 ont été blessées.
En 2001, le nom d’Union Carbide a disparu lorsqu’elle a fusionné avec l’étasunienne Dow Chemical. En achetant Union Carbide pour US$ 9.3 milliards de dollars, et en devenant la plus grande entreprise de chimie du monde, Dow n’a pas seulement acheté des actifs mais aussi la responsabilité pour le désastre de Bhopal. Dow refuse pourtant d’accepter la responsabilité morale des actions d’Union Carbide à Bhopal et, alors que les tribunaux étasuniens étudient toujours sa responsabilité légale, la population de Bhopal continue de souffrir, non seulement de la catastrophe elle-même mais aussi de l’exposition continue aux poisons qui s’échappent du site contaminé de l’usine.
Comme lors des attentats du 11.09.2001 à New York, la mort de civils innocents a choqué la communauté internationale et provoqué des réactions. Après la catastrophe de Bhopal en 1984, la législation sur l’environnement et la sécurité chimique a été renforcée dans de nombreux Etats riches, et l’industrie chimique a développé des codes de conduite comme "Responsible Care" (L’Engagement Responsable). Comme l’a récemment déclaré le vice-président de Dow chargé de l’environnement : "...en 1984, la terrible tragédie de Bhopal nous a tous réveillés dans l’industrie...". Ce réveil n’a toutefois pas été complet et les actes qui l’ont suivi ne sont pas allés bien loin et n’ont pratiquement pas bénéficiés aux personnes les plus touchées par la catastrophe de Bhopal ; l’industrie chimique a ignoré leurs appels à de vraies compensations et à un assainissement du site.
Les compagnies responsables de la fabrication, de l’utilisation et du déversement de produits chimiques dans l’environnement doivent être responsables des vies qu’elles ruinent. Greenpeace travaille avec des organisations locales à Bhopal pour forcer Dow-Union Carbide à assumer sa responsabilité, à assainir le site et à dédommager entièrement les victimes de la catastrophe de 1984.
La catastrophe
Durant la nuit de la catastrophe, du 02-03.12.1984, 6 mesures de sécurité, destinées à prévenir une fuite de gaz, n’ont pas fonctionné, étaient inopérantes ou inadéquates. En plus, les sirènes d’alarme, qui auraient du avertir la population en cas d’accident, étaient arrêtées. Les gaz ont brûlé les yeux et les poumons, sont passés dans le sang et ont frappé pratiquement tous les organes.
Beaucoup de personnes sont mortes dans leurs lits, d’autres ont titubé hors de leurs maisons, aveuglées et suffoquant, et sont mortes dans la rue ; d’autres sont mortes dans des hôpitaux et des centres d’urgence. Les premiers effets aigus ont été des vomissements et des sensations de brûlure dans les yeux, le nez et la gorge ; la plupart des décès ont été attribués à des défaillances respiratoires. Chez certaines personnes, les gaz toxiques ont provoqué de telles sécrétions que leurs poumons ont été bloqués par des liquides ; chez d’autres, des spasmes bronchiques ont provoqué la suffocation. Beaucoup de celles et ceux qui ont survécu à la première journée souffrent de fonctions pulmonaires réduites. D’autres examens menés sur des survivants ont aussi rapporté des symptômes neurologiques dont des maux de têtes, des pertes d’équilibre, des dépressions, une fatigue généralisée et de l’irritabilité ; ainsi que des anormalités et des dégâts aux systèmes gastro-intestinal, musculaire et squelettique, reproducteur et immunologique (voir le rapport de Greenpeace : The Bhopal Legacy.
Justice pour Bhopal ?
Il fut demandé à Union Carbide d’indemniser les personnes blessées pour la perte de leur capacité de travail. La compagnie a refusé de payer les Rs 3.5 milliards de roupies (Rs 350 crores = US$ 220 millions de dollars) exigés par les organisations de survivants comme dédommagement intérimaire. En février 1989, après 5 ans de disputes judiciaires, l’Etat indien a accepté un accord à l’amiable, hors tribunal, de US$ 470 millions de dollars. Ce devait être un accord de responsabilité civile complet et final. Les indemnités moyennes par personne blessée étaient de US$ 370 à US$ 533 dollars, à peine de quoi couvrir les dépenses médicales durant 5 ans. La plupart de ces personnes et de leurs enfants seront malades durant toute leur vie.
En novembre 1989, le décompte officiel faisait état de 3598 morts. En octobre 1990, l’Etat indien parlait de 3828 morts pour déterminer les revendications à l’égard d’Union Carbide. Ultérieurement, le juge d’instruction (Chief Coroner) de Bhopal a rapporté avoir effectué 4950 examens post mortem humains durant les 5 à 6 premiers mois de 1985. Le décompte officiel est ensuite passé à 4136 en décembre 1992 et à 7575 en octobre 1995, soit près du double de ce qui a constitué les bases de l’accord entre l’Etat indien et Union Carbide. Les organisations locales de survivants estiment que 10 à 15 personnes continuent de mourir chaque mois. En plus, 100.000 personnes nécessitent toujours des soins médicaux aigus et n’ont pas reçu de dédommagement. Devant la valse des chiffres et la longueur de la procédure de clôture des dossiers d’indemnisation, le gouvernement indien avait provisionné une partie du montant de la compensation sur un compte bloqué. 20 ans après, et devant l’urgence de la situation, la cour suprême indienne ordonne à la banque nationale indienne de distribuer cet argent, qui équivaut maintenant à plus de 300 millions de dollars (Juillet 2004).
Le dédommagement accordé n’a jamais couvert les atteintes sanitaires ou les dommages relatifs à une exposition à la contamination actuelle que constitue le site. Le pire accident industriel de l’histoire n’a coûté que US$ 48 cents par action à Union Carbide et leurs investisseurs. Depuis 1984, plus de 140 actions en justices ont été lancées devant des cours fédérales aux USA par des survivants à la catastrophe de Bhopal pour obtenir un dédommagement approprié ; elles sont toujours en cours.
A Bhopal, l’eau est un gros problème (cf. "eau de Bhopal"). Après des années à boire l’eau de puits ou de citernes d’approvisionnement (avec une fréquence très irrégulière et en quantité insuffisante), le cour de justice du Madhya Pradesh a ordonné au gouvernement régional de mettre à disposition des communautés un réseau de distribution d’eau potable. C’est une grande victoire même si les vrais responsables (Union Carbide/Dow) ne sont pas associés à cet effort financier.
Les responsabilités sont détaillées dans le document repris ici.
Procédures légales
En 1991, la Cour Suprême de l’Etat Indien a réaffirmé la potentielle responsabilité pénale d’Union Carbide. La procédure pénale est toujours pendante au tribunal du district de Bhopal. En 1992, un mandat d’arrêt a été lancé contre Monsieur Warren Anderson, le directeur général d’Union Carbide lors de la catastrophe, et contre des cadres d’Union Carbide en Inde. Il y a 11 ans, M. Anderson n’est pas apparu au tribunal pour répondre des accusations portées contre lui, la justice indienne le considère comme fugitif et a lancé un mandat d’arrêt international assorti d’une demande d’extradition au gouvernement américain..
Le 13.09.1996, en réponse à un recours de certains cadres d’Union Carbide India Ltd, la Cour suprême indienne a changé les accusations portées contre eux d’"homicide volontaire" à "homicide par négligence", réduisant ainsi les peines de détention maximales encourues de 10 ans à 2 ans. Les procès des accusés sont en cours au tribunal de Bhopal, à un rythme très lent. Malgré tous les efforts d’Union Carbide pour éviter les poursuites, les procédures pénales contre les responsables de la catastrophe du 03.12.1984 sont toujours en cours 20 ans après. En Juin 2004, la cour américaine refuse de répondre favorablement à la demande d’extradition sous motif de non respect des termes de la convention internationale sur les extraditions. Le double langage américain se fait plus évident entre la justice et les autorités fédérales.
Développements judiciaires aux USA : le 15.11.1999, 7 personnes, dont 3 survivants, et 5 organisations ont entamé une procédure judiciaire à la cour fédérale du district de New York contre Union Carbide et M. Anderson. Cette procédure a inculpé la compagnie et les cadres de l’usine de graves violations de la législation internationale et des droits des humains à cause de leur "indifférence irrespectueuse et dépravée pour la vie humaine" lors de cette catastrophe. Ce procès a contraint M. Anderson à se soumettre au processus judiciaire étasunien le 08.03.2000 ; après avoir ignoré des injonctions adressées à ses 3 domiciles aux USA depuis le 21.11.1999. Le 28.08.2000, le juge John F. Keenan de la Cour fédérale du Southern District de New York, a rendu une ordonnance de non-lieu en se basant essentiellement sur le Bhopal Act de 1985 ; celui-ci empêche des personnes ou des organisations autres que l’Etat Indien d’intenter une action en justice contre Union Carbide ou son personnel. Une opposition est en cour contre cette décision. La demande d’appel avait été reçue par la cour et la procédure a pu reprendre son cours à condition que le gouvernement indien donne un avis de "non objection" pour rendre Union Carbide, filiale à 100% de Dow, responsable la contamination (et donc du nettoyage) du site de l’usine. Cet avis a été rendu positivement en Juin 2004. Une nouvelle grande victoire pour la campagne internationale car pour la première fois Union Carbide/Dow ne peut plus avancer que le gouvernement indien est responsable de l’assainissement du site de l’usine.
Union Carbide-Dow
Depuis la catastrophe de 1984, Union Carbide a cherché à changer d’identité de différentes façons pour se débarrasser du stigmate de Bhopal. Union Carbide India Ltd. a ainsi changé son nom en Eveready Industries India Ltd. Union Carbide Eastern, Hong Kong, une filiale de la compagnie est devenue Union Carbide Asia en 1992. En fusionnant avec Dow, Union Carbide s’est débarrassée avec succès de son détestable nom.
En novembre 2000, le nouveau président directeur général (PDG) de Dow, Monsieur Michael D. Parker, n’a pas hésité, lors de son premier point presse, à chanter les louanges d’Union Carbide à Bhopal : "Nous sommes extrêmement conscients de Bhopal et le fait que cet incident est associé à Union Carbide, mais Union Carbide a fait tout ce qu’elle devait pour appliquer des programmes environnementaux, sanitaires et de sécurité corrects".
Le 11.05.2000, des membres de la "Campaign for Justice in Bhopal", une coalition étasunienne d’étudiants et de militants écologistes, a participé à l’assemblée générale de Dow et exigé que, si Dow fusionne avec Union Carbide, elle accepte l’ensemble des passifs de la compagnie. Dow a répondu : "Il n’est pas de mon ressort de porter la responsabilité d’un événement d’il y a 15 ans avec un produit que nous n’avons jamais développé, sur un site où nous n’avons jamais opéré".
Pendant que Dow-Union Carbide fuit le problème, l’héritage toxique de Bhopal reste. Bhopal est un des nombreux sites contaminés par Dow et d’autres transnationales chimiques qui sont en train d’empoisonner des populations sur toute notre planète, souvent dans des Etats en développement. Au début de ce 3e millénaire, l’industrie chimique ne doit plus être autorisée à fuir ses responsabilités pour ses pollutions toxiques.
Greenpeace et les organisations locales de survivants veulent que :
Dow assure que le site de son usine toxique soit assaini à ses frais ;
Dow assure la réhabilitation médicale et le traitement médical à long terme des survivants du nuage de gaz toxique ;
Dow assure la réhabilitation économique des personnes affectées par les gaz et de leurs familles ;
Les cadres de l’usine d’Union Carbide soient traduits en justice ;
Qu’une législation internationale soit établie qui fixe la responsabilité pénale et financière des entreprises responsables de catastrophes industrielles et de pollutions toxiques chroniques.
Tout cela pour que cette catastrophe ne se reproduise ni là-bas, ni ailleurs.