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lettre d’un électeur à son député européen : Michel Rocard

Publie le lundi 27 février 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

Député européen du Sud-Est de la France, vous avez Monsieur, voté oui à la proposition de directive Bolkestein. Malheureusement, je n’ai pas été surpris de voir votre nom figurer aux côtés des députés du PPE, qui ont exprimé le même avis. Vous continuer, avec méthode, à tourner le dos à vos engagements électoraux.
Électeur de cette bizarrerie, qu’est la circonscription électorale du grand Sud-Est, j’ai un certain nombre de questions à vous poser, pour que mon choix, lors de prochaines échéances électorales européennes, se fasse à l’abri de toute ambiguïté.

D’abord le problème du compromis entre les partis socialistes européens et le PPE. Quand vous avez fait campagne pour obtenir votre siège de député européen, vous vous êtes présenté dans le débat politique « conventionnel », comme l’adversaire politique de la liste UMP. Or qu’avez-vous fait à Strasbourg, à propos de cette directive sur la libéralisation des services ? Exactement le contraire de votre engagement électoral. Vous avez voté le compromis, avec les députés du PPE, c’est à dire de l’UMP. Que l’UMP sauve le texte d’un des responsables de l’Internationale libérale, je le conçois, puisque c’est dans le droit fil de leur projet politique. Mais qu’un adhérent du parti socialiste français, membre de l’internationale socialiste exprime le même vote, cela a de quoi exaspérer tous les électeurs de gauche, qui combattent cette Europe libérale et qui vous ont donné mandat pour le faire. Sur ce point précis du compromis, comment pouvez-vous justifier votre vote ?
Question annexe.1 : pourquoi êtes-vous le seul député socialiste français à avoir voté ce compromis ?
Question annexe.2 : Vous avez voté oui à la directive Bolkstein, comme vous appeliez à voter oui au projet de traité constitutionnel. Dans les deux cas, vous avez fait cause commune avec l’UMP, pour poursuivre la construction d’une Europe libérale. Quelles sont, dans le domaine des grandes orientations de la construction européenne, les idées fondamentales qui vous singularise du projet de l’UMP ?

Cette troisième question me conduit sur le terrain des choix fondamentaux pour l’avenir de l’Europe : quelle démocratie ? Quel projet ?
Comme tous les militants de gauche, je me suis engagé, au printemps dernier, pour que le non au projet de traité constitutionnel, soit majoritaire. Comme tous les militants de gauche, j’ai été satisfait de voir que 55 % des Français rejetaient ce texte, et surtout que 70 % des citoyens aient participé à cette consultation. L’Europe intéresse les citoyens quand il y a un débat clair et des choix possibles. Vous avez remarqué qu’en Espagne où le P.S a réussi à faire croire aux électeurs qu’il n’y avait aucun enjeu, le taux de participation était ridicule, et le oui majoritaire. En France, pour différentes raisons, le PS n’a pas réussi à endormir les électeurs de gauche, vous connaissez la suite.
Je vous ai dit que je m’étais engagé, dans un collectif, pour un non de gauche du côté de l’Isle sur la Sorgue. Avec les camarades du collectif, qui existe toujours je vous rassure, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour que la victoire soit au bout de notre engagement. Nous sommes même allés porter la contradiction aux messes de nos adversaires politiques, y compris la votre. Vous avez dirigé un office du oui socialiste , quelques jours après celui du non socialiste, à la mairie d’Avignon. Si je vous parle d’office, c’est que ce meeting ressemblait vraiment à une messe, avec le curé de la paroisse( le président du conseil général) et l’évêque en tournée d’inspection apportant la bonne parole. Deux malheureuses questions après votre intervention, dont une qui n’était pas une question, mais une louange bienveillante à votre apostolique sagesse politique. Dans le Vaucluse, la messe UMP a été beaucoup plus démocratique dans la mesure ou le député Vatanen a du répondre ( pas toujours avec beaucoup d’à propos...) à de très nombreuses questions.
Sur le fond de votre intervention à Avignon, au cours de ce meeting, vous avez révélé toutes les contradictions de votre position. En effet, vous avez d’abord brossé un long constat de la situation mondiale, en nous disant que depuis 30 ans, les choix importants avaient été des solutions politiques catastrophiques : renforcement des inégalités, prime à la violence, destruction de l’environnement... Et quelle solution, proposiez-vous ce soir là : voter oui au projet de traité constitutionnel, alors que dans ce texte, il n’y avait rien qui permettait de corriger le constat alarmant que vous dressiez quelques minutes plus tôt. Au contraire ce texte fourmillait de mesures qui allaient dans le sens de ce que vous dénonciez. L’article III.210 interdisait toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres dans le domaine des politiques sociales. Je n’ai pas pu, ce soir là, vous poser une question toute simple : comment voulez-vous construire une Europe de la justice sociale et de la solidarité, si vous vous acceptez un texte qui vous interdit de la faire ?

Pour la directive Bolkestein, on est, dans la même problématique : la libéralisation contre l’harmonisation sociale. Vous avez fait campagne, pour vous faire élire dans le Sud-Est de la France, sur le thème de l’Europe sociale, c’était même le slogan du P.S : et maintenant l’Europe sociale ! La directive Bolkestein, avec ou sans compromis, est-elle la contribution des partis socialistes européens, à la construction de l’Europe sociale ?
De manière plus globale, la directive Bolkestein résulte des choix, fait à Lisbonne en 2000. Cette stratégie de Lisbonne, tout le monde le reconnaît ( y compris « le grand chef de la commission ») est un échec. Allez-vous continuer dans cette voie, ou comptez-vous, sérieusement remettre en cause les choix catastrophiques de Lisbonne et de Barcelone ?

Les Français, vous ont dit, le 29 mai dernier, qu’ils ne voulaient plus de cette construction européenne là. Que comptez-vous faire pour en sortir ?
J’ai conscience, Monsieur le député, que ma lettre est une accumulation de questions, mais votre engagement politique, que vous avez si souvent mis en avant, me fait penser que vous aurez à cœur de donner des réponses à mes interrogations.

Messages

  • mmmm argumentation "casse-gueule" : en votant oui il à répondu à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats ("La Confédération européenne des syndicats (CES) considère le résultat du vote du Parlement européen (PE) comme un véritable succès pour les travailleurs européens") et du Parti Socialiste Européen (dont le président dit à l’issue du vote : "C’est un bon jour pour l’économie européenne et pour le Parlement de l’UE").

    • Oui Rocard est le seul député socialiste français à avoir voté oui. De même qu’il avait été le seul à dire clairement qu’il préférait la partition de son parti plutôt que la prise en main du PS par les socialistes qui avaient voté non le 29 mai. Il a au moins le courage de ses idées, contrairement à beaucoup d’autres responsables socialistes qui pensent la même chose, mais ne le disent pas, pour se ménager l’électorat de gauche en vue des élections à venir.
      Pour son envétuelle réponse, je l’envoie bien sur à Bellaciao dès que je la reçois.
      Amicalement.
      Marc de l’Isle...sur la Sorgue.

    • Bonjour,

      Voici ci-joint le texte publique de l’engagement du PS en interne pour déterminer la position des militants socialistes (du PS) au référendum sur le TCE du 29 Mais 2005.
      Cet angagement en 7 points figurait sur la plaquette distribuée aux électeurs pendant la campagne électorale pour les élections européenne du 13 Juin 2004 (élections du parlement européen)

      +++++++++++++++++++
      Pour l’Europe, les 7 exigences des Socialistes

      Texte adopté au Conseil National du 10 octobre 2003
      L’Europe a toujours été au cœur de notre idéal, elle est partie intégrante de notre identité de socialistes. Avec la paix sur le continent, avec les progrès de l’intégration économique, avec la réunification permise par l’élargissement, elle a réalisé la première partie du projet de ses "fondateurs" après la deuxième guerre mondiale. Nous devons aujourd’hui porter une nouvelle espérance européenne, car l’Europe est à un moment essentiel de son destin.
      Le 4 octobre va s’ouvrir la Conférence Inter Gouvernementale (CIG) destinée à finaliser le projet élaboré par la Convention européenne. Il importe donc que les socialistes fixent leurs exigences pour la réussite de la Constitution européenne.
      Trop souvent, l’Europe déçoit ses citoyens par l’insuffisance de ses politiques économiques et sociales, par la mise en cause des services publics, par l’absence d’une politique étrangère commune. Nous voulons une Europe forte, différente, volontaire. Nous voulons une Europe plus démocratique, capable d’agir pour la croissance et l’emploi, de garantir les droits sociaux, de peser dans le monde face à l’unilatéralisme des États-Unis, en défendant ses valeurs de dignité, de liberté, d’égalité, de solidarité, de citoyenneté, de justice. Nous souhaitons une Europe qui permette la formation d’un groupe de pays volontaires qui décident d’avancer plus vite à quelques uns, notamment dans les domaines de la politique économique et sociale et de la politique étrangère, favorisant des formes d’intégration de type fédéral. Pour cela, nous avons besoin d’une Europe politique. C’est pourquoi le débat sur la Constitution européenne est décisif.

      1. Depuis de longues années, les socialistes militent pour une Constitution, regroupant les traités actuels, les simplifiant et intégrant en son sein la Charte des droits fondamentaux. Le processus issu de la Convention consacre enfin cet objectif.
      De même, l’extension du vote à la majorité qualifiée et de la co-décision, associant le Parlement européen à 40 nouveaux domaines et renforçant ses pouvoirs budgétaires, est une réelle avancée politique. L’élection du Président de la Commission européenne par le Parlement européen en tenant compte du résultat des élections européennes est aussi un progrès démocratique.
      En outre, un pas nouveau est fait en matière de politique étrangère et de sécurité commune avec la création d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union, et des possibilités de coopération en matière de défense, l’harmonisation des politiques d’asile et d’immigration est engagée en vue de constituer un espace commun "de liberté, de sécurité et de justice".
      Ces premiers résultats sont le fruit d’un long débat dans lequel les socialistes, français et européens, ont pris toute leur part. Le texte de la Convention marque donc des avancées par rapport aux institutions actuelles, et notamment au traité de Nice. Il constitue un point de départ pour les travaux de la CIG.
      Il reste toutefois marqué par des limites, des manques importants et le maintien des règles d’unanimité dans des domaines décisifs pour l’avenir de l’Union. L’obstruction conjuguée des gouvernements les moins européens et les plus libéraux a freiné tout progrès substantiel en matière de gouvernance économique et d’Europe sociale. Elle a réduit la portée du saut politique vers le fédéralisme que nous voulons accomplir. Les négociations qui vont s’ouvrir au sein de la CIG doivent être utiles pour l’Europe. Les socialistes n’accepteront aucun recul sur les éléments acquis à la Convention et souhaitent que la CIG permette des progrès supplémentaires. C’est pourquoi, ils formulent des exigences pour que la grande Europe ne soit pas paralysée, que son modèle social soit protégé, qu’elle puisse peser sur la scène mondiale et poursuivre son approfondissement. Ces exigences s’adressent d’abord au Président de la République et à son gouvernement qui représenteront la France à la CIG.

      2. Les sept exigences des socialistes pour une Constitution démocratique et sociale :

      Nous demandons de nouvelles avancées vers l’Europe économique, sociale et culturelle.

      1.Une base juridique claire pour la protection et le développement des services publics doit être posée ; ces principes devront ensuite être précisés dans une future loi-cadre sur les Services publics ;

      2.Des mesures d’harmonisation de la fiscalité, de transparence, de taxation des mouvements de capitaux et de lutte contre l’évasion fiscale doivent pouvoir être adoptées à la majorité qualifiée. Ce doit être aussi le cas en matière sociale, si nous voulons que l’Europe soit un espace de progrès économique et social plus performant et plus juste. Les critères de l’emploi et de la croissance doivent être introduits pour guider les interventions de la Commission et de la Banque Centrale Européenne. L’Europe doit être dotée d’un gouvernement économique, disposant d’un budget suffisant et d’un impôt, pouvant recourir à l’emprunt pour financer des grands travaux d’intérêt européen, la recherche, l’innovation, et garantir la cohésion sociale et territoriale ;

      3.La majorité qualifiée doit aussi devenir la règle pour la politique extérieure et de sécurité commune, l’unanimité étant l’exception ; c’est souhaitable pour donner de la force à l’action du futur ministre des affaires étrangères de l’Union, et permettre à l’Europe de peser sur la scène internationale ;

      4.La diversité culturelle doit être garantie ; l’exception culturelle doit être confirmée ;
      Nous souhaitons que la Constitution renforce les valeurs de la démocratie européenne et qu’elle permette l’évolution des institutions ;

      5.Le caractère laïque de la construction européenne est un principe à nos yeux fondateur ; la Constitution européenne ne doit pas faire référence à un Dieu ou à un héritage cultuel ;

      6.Les mécanismes de coopération renforcée entre les États membres doivent être assouplis, afin de permettre à un groupe de pays volontaires de se constituer ;

      7.Les révisions futures de la Constitution doivent pouvoir être adoptées, si possible par référendum européen organisé le même jour dans toute l’Union, à la majorité qualifiée de la population et des États ; c’est nécessaire, si nous voulons éviter que la future Constitution ne soit la règle définitive et intangible de l’Europe, et si nous entendons qu’elle soit, au contraire, une étape qui en appelle d’autres et permette de nouvelles évolutions.

      Les socialistes français seront vigilants, exigeants et mobilisés autour de ces objectifs. Ils prendront des initiatives afin de les faire partager au sein du Parti socialiste européen. Ils s’adresseront aux citoyens et engageront le débat avec les forces sociales qui partagent ces préoccupations. C’est en fonction des résultats de la CIG que les socialistes, consultés par référendum interne, se prononceront sur la Constitution européenne.

      Le Parti socialiste demande la ratification, le moment venu, de la Constitution par référendum. L’Europe ne peut se faire sans, ou contre, la volonté des citoyens. L’expression de celle-ci est la meilleure garantie des progrès futurs de la construction européenne.

      ++++++++++++++++++++++++++++++++++++

      Un militant socialiste Alsacien qui a de la mémoire.

  • Je ne sais pas,maintenant que l’article est dans les archives, si vous pourrez me lire, mais je voulais vous remercier de nous avoir remémorer les 7 exigences du PS dans la campagne européenne de 2004, qui se sont vite transformés en 5 renoncements majeurs l’année suivante, dans la campagne référendaire. Pourquoi la direction du PS a-t-elle renoncé à ce point à ses engagements ?
    "Militant socialiste alsacien qui avait de la mémoire", si vous avez une réponse, merci de la donner à lire.
    Marc de l’Isle.