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Tue ton patron, un roman social très noir

Publie le dimanche 21 mars 2010 par Open-Publishing
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de Paco

Prolo dans l’industrie chimique, Jean-Pierre Levaray écrit généralement des livres sur la condition ouvrière, la vie en usine, les luttes, les espoirs, les désillusions… Avec Tue ton patron, le militant syndical et libertaire, passe au roman noir.

Dans J’ai engagé un tueur, film d’Aki Kaurismaki, le personnage incarné par Jean-Pierre Léaud engageait un tueur pour se suicider après un licenciement. Le courage lui manquait pour mettre fin lui-même à ses jours… Dans Louise-Michel, film de Gustave Kerven et Benoît Delépine, le personnage incarné par Yolande Moreau engageait un tueur pour liquider le patron voyou qui s’était volatilisé en une nuit avec la caisse et les machines de l’entreprise. Dans Tue ton patron, le personnage imaginé par Jean-Pierre Levaray (Putain d’usine, Après la catastrophe, Classe fantôme, Des Nuits en bleus…) n’a besoin de personne pour arriver à ses fins. D’une, malgré le traumatisme causé par son départ forcé, il n’a pas envie de se flinguer. De deux, même si ce n’est pas un acte évident, il va buter son taulier tout seul comme un grand.

Quand nous entrons dans l’histoire, ça fait près de deux ans que le personnage principal est au chômdu. Victime de l’un de ces fameux plans de « sauvegarde de l’emploi ». Après vingt-cinq ans de boîte, voilà notre homme avec un chèque de vingt mille euros en poche en guise de prime pour « départ volontaire »… Le genre d’humiliation qui laisse des traces. « J’avais dû rendre au gardien mon badge et ma carte de cantine. J’étais un banni. J’étais sorti de l’usine avec la rage au ventre. Je faisais partie des coûts fixes à éliminer. À dégraisser. »

La vengeance étant un plat qui se mange froid, le licencié va bien mûrir son plan pour éliminer sa cible : Pelletier-Raillac, le big boss de FFI©. Le prédateur va devenir gibier. C’est dans la tour qui abrite le siège social de FFI© dans le quartier de La Défense, véritable réplique de Gotham City, que différents projets de meurtres vont être élaborés en écoutant en boucle le groupe punk bordelais TTP (pour Tue Ton Patron). La bande-son idéale…

Grâce à des dons certains de camouflage, l’ancien prolo enfile plusieurs costumes pour repérer les lieux. Vigile sous le nom de Guy Debord (l’un des fondateurs de l’Internationale situationniste), larbin sous le nom de Marius Jacob (génial cambrioleur anarchiste) ou faux chargé de communication sous le nom de Paul Lafargue (l’auteur du Droit à la paresse), il va parallèlement tout connaître des luttes de pouvoir, du jeu des courtisans, du fonctionnement des services et des travers de ses pseudo-collègues. Fondu dans le décor, il va être serveur dans diverses réunions avec les actionnaires ou avec les syndicats. Bien sûr, le standing ne sera pas le même. Il va aussi assister à une manifestation syndicale musclée vite déjouée par les services de sécurité.

« Déguisé en arme », le vengeur anonyme attend le moment propice. Squattant un appartement secret conçut pour la maîtresse d’un précédent PDG, il veille. « En haut de cette tour, du haut de mon mirador, j’observe et je réfléchis à comment faire. Je suis le ver dans le fruit. Patrons, décideurs, entrepreneurs, boss, crapules, tremblez, je vais faire un exemple… » Toujours glissée dans sa ceinture, l’arme offerte par un ancien collègue collectionneur est prête. C’est un Parabellum neuf millimètres, Star modèle B. Une antiquité fabriquée au Pays basque en 1937 et qui appartenait à un combattant de la CNT espagnole évadé du camp de Rivesaltes. Les anarcho-syndicalistes avaient adopté ce pistolet, Del Sindicalista, pour les combats de rue.

Le chat noir a rattrapé le vilain rat, un truand qui traficotait en plus avec la mafia russe, un 24 décembre. « Crève charogne. » Pelletier-Raillac avait organisé une grande sauterie pour son départ en retraite. Au travers des façades vitrées de La Défense, « pour faire croire que tout est transparent », rien n’échappait au solitaire qui guettait en haut de la tour de FFI©. « À les voir tous réunis, j’ai comme des désirs de meurtres collectifs, de bombes bien placées. Juste se débarrasser d’eux. Casser tout et recommencer autre chose. Sur d’autres bases. Je pense à ces ouvriers qui ont retrouvé le réflexe de séquestrer leurs patrons. Je pense à ces Indiens qui ont tué le leur. Un jour, peut-être qu’un patron défoncera la baie vitrée de son bureau, lancé par des ouvriers excédés. La terreur doit changer de camp… »

Jean-Pierre Levaray, Tue ton patron, éditions Libertalia, 154 pages, 8€. Illustrations de Gil.

Prochains rendez-vous avec Jean-Pierre Levaray :
 23 et 24 avril à Limoges (Festival antifasciste).
 1er mai à Arras (Salon du Livre d’Expression Populaire et de critique sociale).
 8 mai à Paris (Salon du Livre Libertaire).

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