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Non au "blanchiment" d’Alain Juppé

Publie le mercredi 13 octobre 2004 par Open-Publishing
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Une puissante opération de réhabilitation du maire de Bordeaux est en cours,
lancée plusieurs semaines avant son procès en appel. Elle est basée sur la magnification
de son bilan, pourtant accablant, et simultanément l’enterrement de quelques
affaires gênantes. Décryptage
.

de Stéphane Lhomme

A l’approche du procès en appel d’Alain Juppé, dans l’affaire du financement
illégal du RPR, une véritable opération de réhabilitation est lancée par les
amis bordelais de celui que Jacques Chirac a surnommé "le meilleur d’entre nous".
Il s’agit de toute évidence de sauver l’essentiel : le mandat maire de Bordeaux,
a partir duquel Alain Juppé pourra tenter de se reconstruire peu à peu un destin
national qui semble aujourd’hui enterré.

D’ailleurs, le 6 septembre 2004, le "pot au roses" a été révélé par Hugues Martin, premier adjoint au maire de Bordeaux : dans un communiqué, tout en annonçant sa candidature à la députation pour succéder à son mentor démissionnaire, il a précisé : "La succession du maire de Bordeaux n’est pas ouverte, sa majorité municipale souhaite qu’il reste, tout comme l’immense majorité des Bordelais et des Bordelaises". (Ha bon ?) Opportunément, la municipalité a publié le même jour un sondage très selon lequel "84 % des Bordelais jugent que la municipalité a accompli un excellent ou un bon travail". Il est vrai qu’en déboursant pas moins de 83 000 euros, au frais de ses administrés, le maire de Bordeaux s’était assuré un sondage flatteur. De toute évidence, Alain Juppé n’entend plus quitter la politique. D’ailleurs, même sans obtenir une relaxe en appel, il peut espérer rester maire si sa condamnation n’est pas assortie d’une peine d’inéligibilité : confirmant l’abandon de la présidence de l’UMP et la députation, il pourrait par contre "céder à la pression de ses amis", selon une formule usée mais toujours efficace.

La stratégie mise en œuvre par M. Juppé et ses amis repose sur deux piliers :
 faire profil bas et démissionner, avant le procès en appel, de tous les mandats... sauf celui de maire.
 marteler l’idée que le maire actuel est indispensable à la ville de Bordeaux et à ses habitants.

Après tout, Jacques Chaban-Delmas ayant légué à Alain Juppé, en 1995, une ville de Bordeaux dans un quasi état d’abandon, l’affaire ne semble pas insurmontable : quelques initiatives bien menées peuvent suffire à faire de M. Juppé le "sauveur" de la capitale d’Aquitaine. Le maire de Bordeaux, par ailleurs président de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), a ainsi choisi de s’offrir une première mondiale, l’alimentation du tramway par le sol. Inauguré en présence du Président de la République, à grand renfort de feux d’artifice, le système ne semble hélas pas au point : les pannes se multiplient, usant la patience des usagers. Heureusement pour les juppéistes, la "Fête du vin" et la "Fête du fleuve" alternent d’une année sur l’autre et se concluent elles aussi par d’imposants feux d’artifice ! Si on y ajoute l’éclairage nocturne de divers bâtiments bordelais, on peut raisonnablement conclure que l’action du maire de Bordeaux se résume à tenter d’éblouir ses administrés...en dépensant leur argent. Mais ce ne sera pas suffisant pour effacer plusieurs affaires troubles qui marquent l’action municipale d’Alain Juppé. Des affaires qui démontrent son véritable mépris des personnes, en particulier des plus faibles et démunies, et ses relations suspectes avec les milieux réactionnaires.

Arrêté anti-bivouac : la "chasse aux pauvres". Alain Juppé a pris, en janvier 2002, un arrêté municipal dit "anti-bivouac" : une nouvelle forme d’arrêté anti-mendicité, visant spécialement les SDF et les jeunes qui restent parfois assis dans les zones piétonnières en période estivale. Ayant pris cet arrêté sans même en informer son conseil municipal, le maire de Bordeaux n’a eu de cesse par la suite de le justifier et d’exiger son application brutale par la police nationale - qui n’a pourtant pas d’ordre à recevoir de lui. Les manifestations incessantes, pétitions, perturbations du Conseil municipal n’y ont rien changé. Le maire de Bordeaux a finalement baissé pavillon devant l’obstination de citoyens bordelais : l’arrêté "anti-bivouac" a été définitivement cassé par le Tribunal administratif, le 27 avril dernier. La mairie de Bordeaux a été condamnée à verser une somme de 1300 euros aux militants qui l’ont utilisée pour organiser le 12 septembre 2004 un grand pique-nique - un "bivouac" ! - devant l’entrée de la mairie de Bordeaux.

Village andalou. Aujourd’hui rasé, ce "ghetto bidonville" gitan était situé à Bordeaux, mais hors de l’agglomération, sur une zone déserte au nord de la ville. Construit du temps de Chaban-Delmas, ce village misérable était habité par une cinquantaine de familles gitanes, sédentaires depuis au moins quarante ans. Il ne s’agissait donc pas de "gens du voyage", mais bel et bien de citoyens bordelais qui payaient d’ailleurs de lourds loyers mensuels... à la mairie de Bordeaux. En juillet 2000, des tests sanguins pratiqués par l’association Médecins du monde démontrent que les enfants Gitans sont touchés par un mal gravissime, le saturnisme, c’est-à-dire du plomb dans le sang. Le Village andalou ayant été construit sur l’ancienne décharge de l’agglomération bordelaise, il n’est pas possible de réhabiliter le site. Une seule solution s’impose : l’évacuation immédiate et le relogement des familles gitanes. Et c’est le maire de Bordeaux, propriétaire du bidonville, qui doit prendre ses responsabilités. Or, il faudra deux ans de manifestations, pétitions, et même le dépôt à son encontre d’une plainte pénale pour empoisonnement, pour qu’Alain Juppé agisse enfin, après avoir manifesté le plus grand mépris pour la santé et de l’avenir des enfants gitans... et avoir encaissé jusqu’au dernier moment les loyers de la honte.

Eglise St-Eloi. Cette affaire, a mis à jour une face peu connue d’Alain Juppé : une faiblesse, voire un véritable penchant, pour les milieux catholiques intégristes. Ce n’est pourtant pas un scoop... pour qui veut bien étudier la composition du gouvernement Juppé de 1995 : on y trouvait la très réactionnaire Colette Codaccioni, ministre de la "solidarité entre les générations", et dans les cabinets de deux personnes proches sinon membres de l’Opus Dei : M. Hervé Gaymard, secrétaire d’État aux finances, et son épouse, Mme Clara Lejeune-Gaymard, fille du professeur Jérôme Lejeune, animateur de mouvements anti-IVG. En janvier 2002, peu après avoir signé l’arrêté "anti-bivouac", le maire de Bordeaux flatte à nouveau l’électorat réactionnaire en attribuant à une secte intégriste catholique une église de Bordeaux, l’église Saint-Eloi. Aux opiniâtres manifestations et pétitions, s’ajoutent cette fois-ci des actions en justice de la part de l’Eglise catholique officielle qui n’apprécie pas de se voir ainsi dépossédée. A l’occasion des différentes fêtes religieuses célébrées par les intégristes, des regroupements de nazillons ont lieu. C’est ainsi que seront reconnus des membres d’Unité radicale, l’organisation de Maxime Brunerie, l’individu qui a tiré le 14 juillet 2003 sur... Jacques Chirac. Alain Juppé a décidément de drôles de fréquentations. Hélas, l’affaire n’a rien d’amusant : diverses agressions fascistes ont depuis eu lieu à Bordeaux, par exemple le passage à tabac du propriétaire d’un bar associatif et antiraciste, le P’tit Rouge, en juillet 2004.

Le flop du tramway "sans fil". Certainement hypnotisé par son "destin", le maire de Bordeaux, par ailleurs président de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), a choisi de s’offrir une première mondiale : l’alimentation du tramway par le sol. Or, le système ne semble pas au point : les pannes se multiplient, usant la patience des usagers. De plus, le gouvernement - composé des "amis" du maire de Bordeaux, a annoncé fin 2003 qu’il ne financerait plus les projets de transports en site propre, privant la CUB de 106 millions d’euros.

Les sans papiers exploités sur le chantier du tramway. Le scandale du tramway bordelais est loin d’être seulement technique. C’est ainsi que Bordeaux a connu fin 2002 une invraisemblable affaire : des dizaines de "sans-papiers" roms bulgares squattant les anciens hangars du port, au coeur de Bordeaux, dans des conditions inouïes de précarité. De notoriété publique, beaucoup de ces malheureux étaient exploités "au noir" sur les chantiers du tram, condition sine qua non pour tenir les délais : en effet, le maire de Bordeaux exigeait que l’inauguration de la première ligne se fasse impérativement avant la fin de l’année 2003. Dans Candide, Voltaire fait dire à un personnage : "Quand Sa Hautesse envoie un vaisseau en Égypte, s’embarrasse-t-elle si les souris qui sont dans le vaisseau sont à leur aise ou non ?". De même, quand Alain Juppé fait un caprice, il se moque bien d’aggraver les souffrances humaines. Ainsi, le 21 décembre 2003, le maire de Bordeaux s’offrait une belle inauguration en présence du Président de la République. Les malheureux "squatteurs des hangars" avaient été expulsés par avion depuis longtemps.

Inauguration du tramway : raffle anti-militants. Pour une centaine de militants, mais aussi de simples citoyens présents au mauvais moment et au mauvais endroit, l’après midi inaugural du tramway n’a pas été rose : ils ont été séquestrés par les forces de police dans une véritable souricière rapidement complétée de barrières métalliques installées par... les agents municipaux de la Ville de Bordeaux. Le maire peut toujours prétendre qu’il n’était pas au courant de la collaboration de ses employés à ce scandaleux traquenard. A Bordeaux aujourd’hui comme auparavant à la mairie de Paris, tout semble se décider dans son dos...

La mascarade des "Conseils de quartier". Afin d’étouffer dans l’oeuf toute vélléité de démocratie participative, Alain Juppé en a organisé une triste parodie à travers de pseudo "conseils de quartier" : des "grand-messes" au cours desquelles les représentants de la municipalité, Alain Juppé en tête, paradent, vantent leur politique, et "fusillent" tout questionneur critique. Ce dernier ne dispose que de quelques secondes ("Posez votre question !") alors que les élus disposent de tout leur temps, micro en main, pour humilier l’’effronté citoyen. Aucun rapport avec la démocratie participative née à Porto Alegre (Brésil) où les citoyens votent et décident de l’affectation de l’argent municipal.

Accueil (qui plus est fastueux) des criminels Hu Jintao et Vladimir Poutine. C’est toujours avec l’argent de ses administrés qu’Alain Juppé, pour construire son "destin national", invite à Bordeaux les grands de ce monde... tortionnaires de préférence : c’est ainsi qu’il a reçu, respectivement en 2001 et 2003, Hu Jintao et Vladimir Poutine. Le premier, à l’époque vice-Président de la Chine, est depuis devenu numéro un dans son pays et bafoue allègrement les Droits de l’homme. Le second, impitoyable bourreau du peuple tchétchène, a pourtant été reçu avec le plus grand faste les 12 et 13 février 2003.

Autres affaires peu glorieuses pour le maire de Bordeaux : l’importante subvention attribuée à Johnny Halliday - sûrement confondu avec un modeste intermittent du spectacle - pour faire un concert au stade municipal de Bordeaux le 13 juillet 2003 ; le financement massif du très artificiel "Festival du cinéma au féminin", véritable flop maintenu à flots d’année en année avec l’argent des bordelais ; l’ouverture à Bordeaux d’un casino, attribué "courageusement" au puissant groupe Accor, afin de récupérer les dernières pièces de monnaie des ménages bordelais modestes ; de troubles appels d’offre concernant les parkings souterrains bordelais ; l’augmentation substantielle des dépenses municipales pour un "plan lumière" visant à éblouïr les bordelais et, surtout, illuminer le destin d’Alain Juppé ; etc., etc., etc...

L’opération actuelle de réhabilitation d’Alain Juppé, lancée par ses amis politiques, est basée sur la magnification mensongère de son action bordelaise, couplée à une véritable entreprise de révisionnisme pour faire oublier les dossiers noirs du maire de Bordeaux. Nous ne les oublions pas.

Stéphane Lhomme, militant associatif, instituteur des enfants gitans bordelais de 1991 à 2000, a obtenu du Tribunal administratif l’invalidation de l’arrêté "anti-bivouac" d’Alain Juppé.

http://bordeaux.juppe.free.fr/edito.htm

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