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L’ANPE, une cible (trop) facile

Publie le mercredi 27 octobre 2004 par Open-Publishing
3 commentaires

"Bons à rien", "glandus", "incompétents"... les forums d’Actuchomage ne tarissent pas "d’éloges" sur les agents de l’ANPE. Et certains d’entre eux n’ont pas attendu pour réagir (ils ont bien fait !).

Il nous paraît donc indispensable d’initier un grand dossier sur ce thème. Notre premier invité est Sébastien Socias, Secrétaire national de FO-ANPE, et Conseiller principal de l’ALE de Bondy (93).

 Combien d’agents compte l’ANPE. Quel est leur statut et combien gagnent-ils ?

Sébastien Socias : Contrairement aux idées reçues, l’Agence Nationale Pour l’Emploi est un établissement public administratif. Ses salariés sont des agents de l’État, mais en aucun cas des fonctionnaires. Les 23.000 agents (hors CDD et CES) n’ont pas la sécurité de l’emploi. Ils perçoivent quelques primes mais pas de 13ème mois. Concernant le salaire, j’évoquerai ici ma situation : je gagne un peu plus de 1.500 euros net comme Conseiller principal (niveau 3 dans l’échelle des rémunérations de l’ANPE), avec 7 années d’ancienneté.

 Vous exercez votre activité à Bondy en Seine-Saint-Denis. À quels problèmes pratiques êtes-vous confronté ?

Sébastien Socias : L’application des 35 heures s’est traduite par une "réduction" de 10% des effectifs présents à l’agence, d’où une surcharge de travail équivalente. À Bondy, nous ne sommes que 20 pour accompagner 5.500 chômeurs, de 65 nationalités différentes.
Les agents vivent dans un stress permanent qui occasionne un nombre croissant d’arrêts maladie de longue durée. Une étude récente compare le stress enduré par les agents de l’ANPE et celui des services d’urgence des hôpitaux.

 Comment se déroule une journée de travail ?

Sébastien Socias : Nous sommes contraints de faire de plus en plus "d’abattage" : recevoir, écouter, conseiller 20, 25, 30 personnes par jour.
Le chômage est un terme générique qui ne correspond plus à la réalité. Il y a "des" chômages : celui des personnes traumatisées par un licenciement économique, celui des jeunes déjà dégoûtés ou marginalisés, celui des seniors qui ne retrouveront plus de travail, celui des femmes - d’origine maghrébine notamment - qui envisagent de trouver une activité salariée contre l’avis de leur famille... Notre mission ne peut donc répondre à des critères quantitatifs, comme le nombre de placements en entreprises par exemple. Chaque chômeur nécessite une écoute particulière.

 Vous travaillez dans un département, la Seine-Saint-Denis, qui compte une forte population issue de l’immigration. Êtes-vous confronté à des problèmes de discrimination à l’embauche ?

Sébastien Socias : Bien évidemment. Mais la discrimination n’est pas le seul fait du "commerçant français de souche" qui ne veut pas embaucher une personne d’origine maghrébine ou africaine. Même si ce cas de figure existe, il est courant de voir un employeur turc qui ne veut travailler qu’avec des Turcs, ou un Portugais, qu’avec des Portugais. La discrimination à l’embauche est un problème très complexe. La politique d’intégration me fait doucement sourire...

 Comment devient-on agent de l’ANPE ?

Sébastien Socias : Nous sommes recrutés sur concours, ouvert sans limite d’âge. Les agents de l’ANPE sont issus de tous les secteurs d’activité. Ils sont souvent surdiplômés et ont parfois connu une période de chômage.

 On imagine que les revendications des agents de l’ANPE doivent être nombreuses et le taux de syndiqués important ?

Sébastien Socias : Non. Il se situe entre 5 et 10 % (la moyenne nationale est de 8,2% en 2003). Nous estimons que pour assurer correctement notre mission, nous devrions être 2 à 3 fois plus nombreux. Les agents de l’ANPE souffrent de la "logique comptable" que leur impose leur direction. Notre travail n’est pas valorisé. Nous sommes à l’interface des malaises de la société : chômage, précarisation, non intégration, exclusion, discrimination...
L’agence ANPE est un des seuls lieux où les demandeurs d’emploi peuvent se permettre de "gueuler" alors que nous ne faisons qu’appliquer des décisions prises par l’Unedic, les Assédic et la DDTE. Nous ne sommes en rien responsables de la diminution du nombre de formations, par exemple ; ce sont pourtant les agents de l’ANPE qui sont aux premières loges des récriminations de toutes sortes et des coups de gueule des demandeurs d’emploi.

 Justement, un reproche revient souvent à la bouche des chômeurs qui constatent que les offres d’emplois de l’ANPE sont déjà pourvues ?

Sébastien Socias : Nous ne pouvons être tenus pour responsables de ce dysfonctionnement. Les employeurs sont censés nous informer dès qu’ils ont recruté. Ce que beaucoup de font pas.

 Plus généralement, que vous inspire le Plan de cohésion de sociale de Jean-Louis Borloo ?

Sébastien Socias : Pour le moment, nous ne savons pas à quelle sauce nous allons être "mangés". Aucune concertation préalable à l’élaboration de ce plan n’a été menée avec les organisations syndicales de l’ANPE. Des agents doivent être intégrés dans les futures Maisons de l’emploi, en quelle proportion et sous quel statut ? Nous n’en savons rien.
Pour autant, ils devront travailler avec des représentants du "privé", notamment avec les sociétés d’intérim. Je ne vois pas comment les logiques du "public" et du "privé" vont cohabiter. Le plan Borloo suscite donc bien des interrogations et des inquiétudes.
Pour l’instant, c’est le flou complet. Mais nous pensons que le gouvernement - comme à son habitude - va nous imposer ses directives à la dernière minute...

PS : FO-ANPE et les autres organisations syndicales s’apprêtent à réagir aux mesures du Plan Borloo, notamment sur le contrôle accru des chômeurs. Actuchomage ne manquera de vous tenir informé des prochaines mobilisations des agents de l’ANPE.

Yves Barraud pour

www.actuchomage.org

Messages

  • C’EST marrant, ça commence toujours comme ça le démantèlement du service public : on hurle au déficit...
    Faîtes grève plutôt que de vous interroger.
    Marianne

  • Je suis aussi un agent ANPE et je suis d ’accord avec tout ce que dit mon collègue. Pour ma part, étant détachée dans le cadre du RMI, j ’ajouterai que l ’ agence a aussi a faire face aux pressions de politiques avec la décentralisation ainsi qu ’au MEDEF avec le PARE !

    Nos directions ne s y retrouvent pas plus que nous et nous font souvent subir les pressions auxquelles eles doivent faire face ! Je suis tous les jours surprise de l ’implication des agents de l ’ANPE qui gardent pour la plupart les sens du service public et le soucis de nos usagers demandeurs d ’emploi. Les ’éloges’ dont vous parlez ne sont que du stress supplémentaires bien regrettables.

    Je regrette aussi le peu de syndicalisation de cet etablissement mais "le nez dans le guidon" pour la plupart des agents n’ouvre pas à beaucoup d ’horizon ni d ’espoir d’amélioration !!!

    une cégétiste chargée de projet de l’ ANPE

    • L’ANPE n’est en rien responsable de tout ce dont on l’accable... elle ne fait que gérer les contradictions d’un système, comme le font l’Ecole, la Médecine, le travail social.... Et les agents de l’ANPE se démerdent comme ils le peuvent.

      Nelson