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Les chercheurs de l’INRA sont-ils indépendants ?

Publie le samedi 21 août 2010 par Open-Publishing
8 commentaires

Au vu de l’article sur la déclaration du PCF à propos de l’action récemment menée par des militants contre les vignes transgéniques de Colmar :

http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article105461

et vu le débat qui lui a fait suite, notamment les affirmations à propos de l’indépendance des chercheurs de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), j’ai tenté de me renseigner sur le fonctionnement de cet organisme.

Je suis donc allé sur le site de l’INRA, mais vous voudrez bien m’excuser si je n’en fournis pas le lien ici. Malheureusement, les "mentions légales" du site l’interdisent. Il y est précisé, noir sur blanc, que "la mise en place de liens hypertextes par des tiers vers des pages ou des documents diffusés sur des serveurs Inra, pouvant de fait constituer une atteinte au droit d’auteur, un acte relevant du parasitisme ou de la diffamation, doivent faire l’objet d’une autorisation de l’Inra".

Pour qu’une telle autorisation soit accordée, une condition est que "les liens ne contreviennent pas aux intérêts de l’Inra"

Voici qui commence bien. Mais pour les brevets et la commercialisation du "savoir faire", il est très instructif de faire une recherche sur Google avec les mots "INRA" et "Exploiter un brevet ou un savoir-faire de l’Inra". Vous trouverez ainsi un exposé à ce sujet, évoquant notamment les "dossiers techniques secrets" de l’INRA.

On y apprend également que la valorisation et les transferts de technologie sont assurés par des filiales de l’INRA : Agri Obtentions et INRA Transfert. Une recherche sur Google permet d’apprendre, sans sortir de ce moteur de recherche, que "INRA Transfert est une société de conseil en management de projets et de valorisation des technologies innovantes".

Il y a aussi des "adjoints partenariat" dans les départements scientifiques de l’INRA. Etc...

A vous de creuser davantage, mais à l’examen de ces sites on en déduirait que les chercheurs ont peu d’emprise directe sur le dépôt de brevets ou sur la commercialisation des savoir faire.

En revanche, si la direction estime qu’une recherche doit aboutir à un brevet ou à un "dossier technique secret", elle doit pouvoir en principe interdire ou retarder la publication de l’ensemble ou d’une partie des résultats obtenus.

En effet, la publication rapide implique l’auto-antériorisation et la perte de tout ou d’une partie du brevet envisagé. Et le savoir faire rendu public ne peut plus être vendu. En tout cas, ce qui a été dévoilé.

Etc...

Messages

  • Le rapport paraît évident, ne tournons pas autour du pot. L’indépendance des chercheurs ne peut être garantie que par leur cadre institutionnel. Or, c’est de moins en moins le cas en France.

    La phrase "recherche publique" ne permet pas de tout exorciser. La recherche militaire, aussi, est "publique". Et si le secteur public développe des "savoir secrets" et vend ses technologies aux multinationales privées, que signifie le mot "public" ?

    Si l’INRA est une usine à brevets et à "dossiers techniques secrets" marchands, la liberté pour les chercheurs de choisir leur sujet de recherche et d’informer les citoyens de leurs résultats est forcément limitée.

    D’autant plus que des établissements publics comme le CNRS, l’INSERM, l’INRA... se trouvent sous une pression croissante de la politique gouvernementale. Depuis 2004, l’INRA a une PDG et plus une présidence et une direction générale séparées. Et l’opération du Plateau de Saclay, qui est une vaste opération de privatisation de la recherche à coups de fric, concerne très directement l’INRA. Voir cette déclaration de la CGT INRA :

    http://www.inra.cgt.fr/actualites/messages/31mai10.htm

  • C’est évident que, s’agissant d’une recherche expérimentale dont les moyens sont accordés par la direction et à laquelle la direction s’efforce inévitablement de fixer des objectifs en matière de brevets et de "savoir faire" confidentiels, la question de l’indépendance des chercheurs ne se pose pas au niveau du caractère "sympa" de tel chercheur ou de telle équipe.

    Si vous allez voir un peu sur le site de l’INRA, vous pourrez constater que l’INRA signe des contrats d’objectifs avec l’Etat (donc, avec le gouvernement), rédige un rapport annuel, participe à toutes les opérations lancées par Valérie Pécresse, etc...

    Au juste, quelqu’un peut-il répondre au commentaire qui suit, et qui paraît fort inquiétant ? La possible contamination des bactéries du sol n’est pas un "détail"...

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article105461

    Dans les commentaires, à propos des vignes transgéniques de Colmar :

    (...)

    Pire, voici ce qu’on peut lire dans le rapport technique :

    http://www.ogm.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_d_information_du_public_cle89de62.pdf

    1. Dissémination de séquences fonctionnelles vers les bactéries du sol

    Le plasmide utilisé pour réaliser la transformation génétique étant d’origine bactérienne, nous avons vérifié, pour chacun des 5 évènements de tranformation retenus pour l’expérimentation, que la partie transférée à la plante ne comporte pas de séquences autre que celle du T-DNA, en particulier pas d’origine de replication bactérienne. De ce fait, le transfert et la mobilisation de séquences issues des transgènes vers les bactéries du sols sont peu probables.

    (fin de citation)

    En clair, "peu probable" ne veut pas dire impossible

    (...)

    Dès lors que c’est "peu probable", mais pas "impossible", cela signifie qu’il y aura à terme quelque chose. Et ce n’est sans doute pas le seul problème, si on fouille bien.

  • Il faut bien comprendre cette simple réalité : le pouvoir dans la recherche, au sein même des institutions scientifiques publiques, n’appartient pas aux chercheurs mais à des "directeurs", des "coordinateurs", des "administrateurs", des "managers"...

    La "gauche" elle-même à travaillé à fond pour qu’il en soit ainsi : Fabius, Chevènement, Rocard, Jospin...

    • Et j’oubliais : Allègre et Strauss-Kahn ! Ces derniers ont ouvertement fixé pour objectif la privatisation de la recherche et de l’enseignement supérieur dès la période Jospin. Ce fut également l’époque d’une série de directives et stratégies européennes : Processus de Bologne, stratégie de Lisbonne, etc... qui pointent dans la même direction.

  • A propos de l’interdiction des liens hypertexte, cette pratique semble se généraliser dans une "recherche publique" qui, apparemment, se montre de plus en plus réticente à l’égard des critiques éventuelles des citoyens.

    Faites un tour des "mentions légales" des sites des laboratoires. Exemple de "mention légale" :

    Les utilisateurs et visiteurs du site web ne peuvent mettre en place un hyperlien en direction de ce site sans l’autorisation écrite expresse et préalable du Directeur du (...). Pour cela merci d’adresser un mail à (...) ou écrire à
    Monsieur le Directeur
    (...)

  • On retrouve, sur le site de l’INRA de Colmar, un exposé des "droits et devoirs des utilisateurs" comme celui décrit dans l’article. Voici un extrait :

    "La mise en place de liens hypertextes par des tiers vers des pages ou des documents diffusés sur des serveurs INRA, pouvant de fait constituer une atteinte au droit d’auteur, un acte relevant du parasitisme ou de la diffamation, doivent faire l’objet d’une autorisation de l’INRA qui peut être sollicitée directement auprès de l’administrateur du serveur ou du service plus particulièrement concerné.
    L’autorisation correspondante sera accordée si les liens ne contreviennent pas aux intérêts de l’INRA..."

  • On peut lire dans Le Monde :

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/23/arrachage-en-terrain-d-entente_1401780_3244_1.html

    Ce sénateur (Verts) du Haut-Rhin, Jacques Muller, (...) se solidarise aujourd’hui de l’action des faucheurs volontaires. "J’ai choisi mon camp. J’ai trop vu le lobby agroalimentaire agir au Sénat pour savoir de quel côté se trouve la vraie violence...."