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Courant d’ère. L’autre 11 septembre (video)

Publie le dimanche 12 septembre 2010 par Open-Publishing
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de Hervé Hamon

Les Américains ont bien raison de commémorer leurs morts, victimes d’un terrorisme qui n’était pas si aveugle que cela et dont l’efficacité fut redoutable. S’il n’y eut point, en l’occurrence, de « choc des civilisations », comme l’ont prétendu les amateurs d’idées simples et de raccourcis assassins, le crime fut presque parfait et ne saurait être prescrit. Même si des imbéciles s’obstinent à confondre une religion, l’Islam, avec son odieuse caricature, ou s’offrent à jeter son livre saint au bûcher, notre devoir de mémoire et de solidarité reste entier.

Mais un 11septembre peut en cacher un autre. Le 11septembre 1973, Salvador Allende, président démocratiquement élu de la République chilienne, fut assiégé dans son propre palais, la Moneda, au coeur de Santiago. Les putschistes étaient des militaires qui lui avaient juré obédience, et leur chef, Augusto Pinochet, avait été nommé par Allende lui-même au commandement suprême des forces armées.

Depuis la veille, comme par hasard, la marine chilienne et l’US Navy menaient ensemble des manoeuvres au large de Valparaiso. Le président Nixon ne cachait pas son exaspération devant ce « marxiste » élu contre toute attente dans son pré carré, et le conseiller spécial Henry Kissinger, qui obtint le prix Nobel de la Paix, fut par la suite le seul diplomate - ou peu s’en faut - qui continua d’entretenir des liens étroits et amicaux avec la junte chilienne.

Bombardé par l’aviation, encerclé par les chars, Allende refusa de se rendre. Le numéro deux des putschistes félons téléphona pour lui offrir un avion vers l’exil (on sut plus tard que l’intention des insurgés était de le balancer par-dessus bord), mais le président refusa, fit sortir tous ses amis et son personnel, puis se suicida dans son propre bureau avec une arme automatique.

La répression fut effroyable. Les stades débordèrent d’hommes et de femmes raflés, dont beaucoup subirent les pires exactions et furent l’objet de massacres collectifs. Toutes les libertés, tous les partis, tous les syndicats, tous les journaux furent proscrits. La police politique, la terrible Dina, commença son travail. On estime à plus de 150.000 les citoyens emprisonnés, à 25.000 les torturés, à plusieurs milliers leurs compatriotes disparus. Pinochet tenta d’effacer les traces de ces exactions, mais les témoins subsistent. Récemment, un cortège énorme, où se mêlaient jeunes et vieux, a porté en terre les restes de Victor Jara, chanteur magnifique dont les mains furent coupées au stade national, avant liquidation violente. Le devoir de mémoire ne se partage pas. Puisse le souvenir du 11septembre 2001 ne pas occulter celui du 11septembre 1973.

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