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Dau et Catella redonnent vie à Sacco et Vanzetti

Publie le mardi 21 septembre 2010 par Open-Publishing

de Paco

Jacques Dau et Jean-Marc Catella surprennent leur public en endossant les lourds habits de Nicola Sacco et de Bartolomeo Vanzetti. Présenté au festival d’Avignon en 2009, le spectacle s’appuie sur l’un des drames les plus poignants de l’histoire du mouvement anarchiste. La tournée 2010-2011 passe peut-être près de chez vous.

Interprétée par Dau et Catella, humoristes bien connus notamment des auditeurs de l’émission de Stéphane Bern, Le Fou du Roi, sur France Inter, Sacco & Vanzetti, pièce en cinq actes d’Alain Guyard, revient sur un scandale politique qui a secoué le monde ouvrier dans les années 1920.

Bartolomeo Vanzetti est né en 1888 dans le Piémont (Italie) où il devint apprenti pâtissier. Arrivé en Amérique, il essaya de nombreux métiers. Employé d’une compagnie de cordages à Plymouth, il perdit son emploi en 1916 suite à une longue grève. Autodidacte, « Bart » s’est nourri des écrits de Darwin, d’Hugo, de Zola, de Proudhon, de Malatesta, de Kropotkine… Son dernier boulot fut poissonnier ambulant. Il tirait une charrette à bras dans des quartiers pauvres peuplés d’Italiens et de Portugais.

Nicola Sacco est né en 1891 à Torremaggiore dans une famille de dix-sept enfants. À quatorze ans, il quittait l’école pour travailler dans les champs. En 1908, il débarqua à Boston (Massachusetts) pour devenir ouvrier dans une fabrique de chaussures avant d’adhérer à un groupe anarchiste. Organisation de souscriptions en faveur de grévistes, distributions de tracts et de brochures l’occupaient bien. En 1916, il fut arrêté et condamné à une amende pour avoir tenu un meeting non autorisé.

L’époque était troublée. Le gouvernement US s’inquiétait de la montée du syndicalisme subversif et craignait que la révolution bolchevique de 1917 ne donne quelques idées aux ouvriers américains. Le 1er mai 1919 fut ponctué de manifestations monstres, de batailles de rue. Les anarchistes étaient dans le collimateur du gouvernement puritain et xénophobe qui voulait la peau des « rouges », des « Apaches » d’un nouveau genre. Début 1920, six mille mandats d’arrêt visaient des étrangers jugés « dangereux » en vue d’une déportation.

Après l’attaque, le 15 avril 1920, d’un caissier et d’un garde d’une usine de chaussures de South Braintree qui transportaient la paie des ouvriers, les anarchistes furent vite montrés du doigt. Sacco et Vanzetti seront arrêtés le 5 mai 1920 dans un tramway. Ils portaient des armes. Propagandistes, les deux Italiens étaient des idéalistes. Pas des poseurs de bombes, ni des bandits. Mais il fallait des coupables. Si possible anarchistes et, oubliant l’histoire des États-Unis, « étrangers ».

Malgré la folie répressive des autorités, les comités de soutien poussèrent comme des champignons dans toute l’Amérique. Et au-delà. Vanzetti fut jugé une première fois et condamné à quinze ans de travaux forcés pour attaque à main armée. Le 28 septembre 1920, Sacco et Vanzetti comparaissaient ensemble devant le tribunal. Le procès s’est déroulé dans un climat de haine mêlant vraies lâchetés et faux témoignages. Sans la moindre preuve de leur culpabilité, Sacco et Vanzetti (qui avaient aussi des alibis en béton) furent condamnés à mort le 14 juillet 1921. À travers eux, tout le mouvement anarchiste était visé.

D’énormes manifestations se déroulèrent dans le monde entier pour exiger la révision du procès et la libération des deux innocents. Le vrai auteur du hold-up, Celestino Madeiros, déjà condamné à mort dans une autre affaire, avoua son crime et innocenta Sacco et Vanzetti. Satisfait de ses premières conclusions, le juge Thayer refusa de reconsidérer le dossier. Sacco et Vanzetti furent assassinés sur la chaise électrique le 23 août 1927. En France, Le Libertaire, hebdomadaire de l’Union anarchiste-communiste sortit un numéro exceptionnel tiré à 50 000 exemplaires pour dénoncer ce crime et appeler à un rassemblement devant l’ambassade américaine. Une répression féroce attendait les manifestants. Des femmes et des enfants furent piétinés par les chevaux de la police. En 1977, la mémoire de Sacco et de Vanzetti a été réhabilitée par le gouverneur du Massachusetts…

Le film de Giuliano Montaldo sorti en 1971 avec Gian-Maria Volonte dans le rôle de Bartolomeo Vanzetti et Riccardo Cucciolla dans celui de Nicola Sacco (Prix d’interprétation masculine à Cannes) a énormément contribué à faire connaître ce drame dans le grand public. Porté par la musique d’Ennio Morricone et par la chanson Here’s to you interprétée par Joan Baez, le film colle de près à la réalité.

La pièce d’Alain Guyard, fidèle sur le fond, prend plus de libertés avec le déroulement des faits. On retrouve Nicola Sacco dans la prison de Cherry Hill quelques heures avant son exécution. L’auteur imagine un dialogue entre Nicola et Bart (alors que les deux hommes étaient isolés l’un de l’autre). Ils revivent leurs souvenirs familiaux, leurs joies, leurs espérances, mais aussi les pressions sur les « témoins », les minutes truquées d’un procès absurde (où on leur collera un autre hold-up sur le dos), les manœuvres politiques qui transforment les immigrés en suspects et les anarchistes en terroristes. Toute ressemblance avec des faits similaires plus récents est tout à fait volontaire…

« Cette agonie est notre triomphe », avait dit Vanzetti au juge Thayer. « Puisse notre bataille être la répétition générale de la grande guerre sociale du peuple contre ses exploiteurs », lui fait dire Alain Guyard. La pièce ne se limite pas à un tête à tête imaginaire. Les deux acteurs se glissent parfois dans d’autres costumes. « Sacco » devient ainsi facteur, gouverneur, témoin, policier, Madeiros… « Vanzetti » sera chef de la police, le juge Thayer, coiffeur… Ce qui donne des situations troublantes et tragi-comiques. Ainsi cet échange entre Vanzetti et « Sacco » devenu Gouverneur :

Vanzetti – Tous les attentats que vous imputez aux anarchistes sont des coups montés par les agitateurs du FBI ! Comment voulez-vous que des hommes qui se disent défenseurs de la cause du peuple puissent faire éclater leurs machines infernales dans la foule des innocents ? Vos terroristes, ce sont des agitateurs à la solde du gouvernement !

Sacco/Le Gouverneur – Mais je le sais bien, c’est moi qui les forme ! En attendant, parce que nous faisons planer la menace terroriste venue de l’étranger, nous pouvons faire passer peu à peu notre idéologie sécuritaire.

Vanzetti – À quoi bon faire vivre ainsi les gens dans la peur ?

Sacco/Le Gouverneur – Parce qu’ainsi il sont prêts, petit à petit, à renoncer à leur liberté au nom de la sécurité.

Une vieille recette qui a toujours ses adeptes. Suivez mon regard…

Sacco & Vanzetti avec Jacques Dau et Jean-Marc Catella. La mise en scène est signée François Bourcier assisté de Nathalie Moreau.

Quelques dates : 2 et 3 octobre à l’espace Michel-Simon de Noisy-le-Grand (à 20h30). 16 octobre au Théâtre de l’Hôtel de Ville du Havre (à 20h30). 25 novembre au Sel de Sèvres (à 21h). 26 novembre à la Ferme des Jeux de Vaux-le-Pénil. 27 novembre au théâtre Montansier de Versailles (à 20h30). 7 et 8 décembre au théâtre André-Malraux de Rueil-Malmaison (à 20h45). 10 et 11 décembre au théâtre Toursky de Marseille. 21 janvier au centre culturel Juliobona de Lillebonne (à 20h30). 18 janvier au théâtre de la Colonne de Miramas (à 20h30). 3 février au théâtre du Beausobre de Morges (à 20h30). 18 mars au ciné-théâtre de Tournon-sur-Rhône (à 20h30). 8 avril dans la salle de cinéma de Saint-Georges-de-Didonne (à 21h)…

Le texte de la pièce, signé Alain Guyard, a été publié aux éditions Libertaires, collection Théâtre, 56 pages comprenant six photos N&B. 8€.

À lire également :

 L’Affaire Sacco et Vanzetti par Ronald Creagh, diffusion Atelier de création libertaire.

 Sacco & Vanzetti par Franck Thiriot et Ronald Creagh, éditions du Monde libertaire, collection Graine d’ananar.