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Charles Hoareau : Ce qui s’est passé le week-end du 13 et 14 novembre

Publie le mercredi 17 novembre 2010 par Open-Publishing
5 commentaires

par Charles Hoareau

Il y a des moments où, un évènement s’impose dans l’actualité, au point d’écraser tous les autres dont pourtant il faudrait parler. C’est ce qui s’est encore passé ce week-end.

Ainsi donc, dans ce que la presse nomme un foyer « pour travailleurs immigré-e-s » pour ne pas dire un foyer ADOMA et comme si le sinistre était moins grave et plus fatal parce qu’il s’agissait « d’immigrés », le feu a pris tuant au moins sept personnes [1] dans la nuit de samedi à dimanche : un résident, qui a sauté du sixième étage, six autres personnes asphyxiées par une épaisse fumée brûlante. Le bilan pourrait s’alourdir car 11 personnes sont encore dans un état grave, dont trois enfants en réanimation et 8 personnes mises dans des caissons hyperbares.

Le feu a tué et la seule vision de l’immeuble fait comprendre comment à partir de poubelles situées à l’extérieur d’un bâtiment et adossées à celui-ci, le piège mortel peut se refermer sur les résidents. Le foyer de Dijon, comme celui de Félix Pyat à Marseille, comme tant d’autres foyers en France est un entassement sur plusieurs étages de cubes dont on ne peut sortir qu’en franchissant un long couloir étroit et bas de plafond, puis en descendant un escalier pas large non plus, espaces rapidement envahis par la fumée toxique en pareille circonstance.

7 morts, 11 blessés et la direction d’ADOMA dit que les systèmes de sécurité ont fonctionné…Mais alors ça veut dire quoi « fonctionner » ? Moi je croyais naïvement que ça voulait dire zéro mort, zéro blessé…Il y aurait un nombre de morts acceptable ?

C’est une question de technologie ? La faute à pas de chance ?

Les hasards de l’actualité font que l’on parle ces jours-ci de l’Opéra-Comique de Paris bâtiment inauguré il y a plus de 100 ans dont on a su préserver la décoration initiale tout en l’équipant de matériaux ignifugés. Ce qui a été possible pour un lieu de culture ne le serait pas pour un lieu d’habitation ? Ne peut-on pas prévoir des logements bien plus sécurisés que ceux de ces foyers-là ? Comme par hasard c’est une insécurité dont on ne parle jamais…et qui tue.

L’autre élément qui rend encore plus insoutenable un tel évènement et que l’on redoutait dès son annonce, c’est que plus l’enquête avance, plus la thèse de l’incendie volontaire semble se confirmer : le racisme aurait-il donc à nouveau tué ? Des « immigrés » et des français un peu trop noirs, un peu trop pauvres ?...

Sur des forums dont le Net regorge, y compris d’ailleurs ceux de la presse dite respectable et citée comme telle dans les revues de presses de nos médias matinaux, des anonymes s’en donnent à cœur joie sur le parallèle entre le nombre de chômeurs et le nombre « d’étrangers », sur la France qui n’a pas les moyens d’accueillir…etc… vous connaissez. Certains messages semblent même se réjouir et sous entendent que cela ne va pas s’arrêter là. Des menaces à ne pas sous-estimer ?

Curieusement la presse électronique de ce lundi soir est déjà très largement passée à autre chose que ce « fait divers » qui a de toute façon bien moins mobilisé les médias que les ennuis de santé de Johnny Hallyday ou les déboires de l’équipe de France de foot [2] : question d’échelle des valeurs…

Pourtant n’y aurait-il pas, à partir de ce dramatique évènement, des questions à se poser sur la place de l’homme dans notre société ? Sur le rôle des pouvoirs publics qui viennent de privatiser ADOMA ? Sur les conséquences de la politique du bouc émissaire ? Sur les conditions de logement de nombre de travailleurs pauvres parce que surexploités ?
Une Une de journal n’y suffirait pas…

Il faudrait parler aussi, si on avait encore de la place en Une, de la multitude des endroits où des gens de tous horizons ont, encore ce week-end, conjugué à leur manière dans la rue ou ailleurs le « On lâche rien ! » des manifs de cette rentrée, initiatives qui ont mobilisé des milliers de salarié-e-s, de retraité-e-s, de chômeurs…et dont la presse parle si peu en ce lundi pluvieux.

En serrant un peu on pourrait parler des grévistes de Marseille 02 qui, soutenus par la population, refusent encore et toujours dans une grève totale qui a dépassé son 1er mois, une réforme que La Poste veut leur imposer.

On pourrait aussi parler de la rencontre internationaliste de Vénissieux, la 3ème du genre, qui a réuni dans une ambiance de réelle fraternité plus de 150 personnes venus écouter et débattre avec des représentants des partis communistes d’Espagne, d’Irak , de Cuba, du Bénin, de Grèce, du Nicaragua…dans une journée qui a soulevé l’enthousiasme des participant-e-s.

On pourrait aussi parler des conséquences graves de la loi sur les retraites sur les comptes de l’assurance chômage…

Oui vraiment, si on avait la place en Une on devrait parler de tous ces évènements qui se sont produits ce week-end.

A part ça je ne vois vraiment pas de quoi on pourrait parler d’autre…et qui occupe tant la presse « respectable » [3]

[1] dont 3 français…moins français que d’autres ?

[2] sur Google actualité plus de 1000 articles sur la santé de Johnny en 2009, 22600 sur l’équipe de France en Afrique du Sud, 283 sur le foyer et ses morts…

[3] plus de 1600 articles sur une vague histoire de chaises musicales

http://rougemidi.org/spip.php?artic...

Messages

  • Si le risque zéro n’existe pas , celà ne suffit pas a justifier de ceci

    La réglementation en matiére de securité incendie Française n’est pas la plus mauvaise et de loin . tant dans la conception des bâtiments que l’application des moyens de secours .

    Et du coup à l’occasion de chaque incendie catastrophique la question se pose de savoir ce qui a fait défaut .

    Sans être spécialiste je crois qu’on ne peut comparer les moyens appliqués a des opérations différentes tels un établissement recevant du public ( opéra comique )et un établissement d’hebergement .

    La réglementation est spécifique , dans le cas des locaux d’hebergement les moyens à mettre en oeuvre pour sécuriser l’établissement n’ont pas une incidence trés sensible sur le coût du bâtit et ne constituent donc pas un poste sur lequel il y aurait tentation et moyen de faire des économies .

    Le ratio est certainement plus important dans le cas de l’opéra comique .

    De ce que j’en sai , cette réglementation est incontournable et son respect contrôlé par la commission départementale de sécurité ( Pompiers ) .

    Faire passer par là une considération sur l’oposition d’un budget culturel et d’un budget social me semble un autre débat .

    Celà dit , le risque zéro n’existe pas .

    • cette réglementation est incontournable et son respect contrôlé par la commission départementale de sécurité ( Pompiers ) .

      On dévie du sujet mais bon !

      Le 10 octobre 2010, un CES a été entièrement détruit (dans la nuit heureusement) par un incendie d’origine criminelle.
      C’était un des derniers bâtiments de type "Pailleron" .

      Dans une société ou le fric est roi et ou certains ont plus d’importance que d’autre, je reste sceptique : il ne faut se fier ni à la conception, ni aux contrôles et penser aussi à l’utilisation des locaux qui peut évoluer.
      J’ai eu l’occasion de visiter un établissement pour personnes âgées non dépendantes (quand elles sont entrées, il y a 15 ans pour certaines) et malgré les contrôles de la commission de sécurité, le personnel et les résidents étaient très inquiets (pas de personnel la nuit, un étage "ajouté" avec structure métallique et beaucoup de boiseries légères mais conforme !).

      Dans le cas du foyer de travailleurs migrants ADOMA, le feu aurait été provoqué à l’extérieur !
      Le Parisien titre sur la défense d’ADOMA :

      Incendie de Dijon : Adoma affirme que les systèmes de sécurité ont fonctionné

      La société Adoma (ex-Sonacotra) indique lundi dans un communiqué que son foyer de Dijon, frappé dans la nuit de samedi à dimanche à Dijon par un incendie qui a fait sept morts et 11 blessés, était équipé de détecteurs avertisseurs de fumée et de portes coupe-feu qui ont fonctionné. Adoma précise que « l’incendie ne s’est pas propagé dans le bâtiment mais est resté circonscrit à la façade qui avec l’aide du vent, s’est embrasée rapidement, générant des fumées toxiques ».

      Je ne suis pas non plus spécialiste mais il faudra expliquer :
      - comment un incendie extérieur produit des fumées à l’intérieur ?
      - si les les extracteurs de fumée ont fonctionné ?

      Un incendie a détruit récemment une centaine de voitures dans un parking sous un immeuble à Versailles : résultat une centaine de véhicules détruits et plus de 18h pour circonscrire l’incendie avec 100 pompiers
      . Incidence probable sur une partie de la structure métallique mais les habitants ont pu regagner leurs appartements.

      Mieux construit ?

      http://www.leparisien.fr/yvelines-7...

    • Celà dit , le risque zéro n’existe pas .

      "Super" ta conclusion, ça veut rien dire pour ce sujet là en particulier !

      Tu sous entends quoi en plus ? "dommage pour eux" ?!!

      Pfffff

    • ni plus ni moins que ce que ça veut dire et qui se vérifie dans la réalité ....

      Je debute justement mon post en essayant de faire comprendre qu’on ne peut se satisfaire de ce constat .

      Mon post n’aborde pas la condition des victimes . C’était volontaire .

      Il m’en est fait la remarque d’ailleurs , mais on voit aussi que l’aspect sécurité interpelle.

      Désolé de te contredire ,mais je n’aucune raison d’abandonner moralement les victimes à une quelconque fatalité , ni surtout de me réjouir de ce qu’ils leur arrivent

      Si c’est ce que tu sous entend .

    • Les paillerons sont réputés pour etres des batiments a risques extrémes .

      On se demande d’ailleurs pourquoi il en reste encore .

      Ne se fier ni a la conception , ni au contrôle , oui dans la mesure ou effectivement on constate que celà ne peut exclure tout risque . Mais dans l’attente de mieux ?

      J’insiste un peu sur l’intéret de ces dispositifs qui font qu’on pourrait parler un peu des ’’ trains qui arrivent a l’heure ’’

      Par contre c’est l’occasion de parler des PPP ou justement se dessinent d’autres pratiques .

      Le Partenariat Public-Privé où le privé genre Bouygues ou Véolia va se substituer au public sur le financement la gestion d’un établissement .

      Là il y a du soucis à se faire et un architecte a renoncé a sa mission dans ce cadre constatant que la maîtrise d’ouvrage transgressait impunément toute réglementation . ( batiment universitaire je crois sur paris )