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La xénophobie d’Etat met en danger la laïcité

Publie le jeudi 14 avril 2011 par Open-Publishing

Le 5 avril 2011, l’UMP, le parti présidentiel organisait, une fois
encore, la triste comédie d’un faux débat, cette fois sur la laïcité,
sans même rappeler la loi de 1905, dont les deux premiers articles
fondent les principes essentiels :

art 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit
le libre exercice des cultes ».

art. 2 : « La république ne reconnaît, ni ne salarie, ni ne subventionne
aucun culte. »

Certes, tous les observateurs s’accordent à le constater, cette dernière
« convention » a fait flop et a même provoqué quelques remous frileux au
sein de la majorité.

Mais, cette « convention » s’inscrit dans un contexte très inquiétant,
de propos, d’interdictions, qui s’attaquent violemment aux étrangers,
aux Roms, aux gens du voyage, aux immigrés, et aux « français
musulmans » ainsi dénommés comme au temps des colonies….

En quelques jours, Messieurs Guéant, Chatel et Copé se sont lancés dans
une dangereuse et ignoble « croisade », présentant « les musulmans »
comme ceux « qui font problème », qui troublent l’ordre public,
interdisant aux mères portant un foulard d’accompagner les enfants en
sortie scolaire, tentant d’imposer que les prêches dans les mosquées
soient en français.

C’est bien l’Islam qui est visé et non toutes les religions.

Ainsi en 2008 M. Sarkozy a conclu un traité d’Etat à Etat entre le
Saint-Siège et la République Française énonçant que, désormais toutes
les institutions universitaires avalisées par le Vatican pourraient
délivrer des diplômes.

Terrible coup porté à la séparation des églises et de l’Etat.

Comme si cela ne suffisait pas, M. Guéant et le parti présidentiel
proposent un code de la laïcité !

Comment, en effet, les promoteurs d’une France aux « racines
chrétiennes » au premier rang desquels le Président de la République,
pourraient-ils souscrire à la loi de1905 ?

C’est donc bien la loi de 1905 qui est remise en cause et mise en
danger. Stigmatiser, considérer comme suspects des hommes et des femmes
du fait qu’ils sont d’une confession religieuse différente, c’est vider
la laïcité de son sens et vouloir communautariser la société, c’est
aussi exercer un pouvoir absolu sur les consciences.

Le gouvernement français utilise, de façon récurrente, l’islam, comme
exutoire commode : loi sur l’interdiction du foulard à l’école, loi sur
l’interdiction du voile intégral (niqab) , entraînant dans son sillage
une partie des députés de l’opposition et alimentant une nouvelle forme
de racisme : l’ « islamophobie ».

Comment ces convergences ont-elles été rendues possibles ?

Une première réponse est, sans doute à chercher dans un souci commun de
détourner les colères sociales grandissantes provoquées par une économie
libérale et guerrière, largement acceptée par la classe politique comme
seul modèle possible en dépit des dégâts qu’il provoque dans une grande
partie de la population.

Comment, en effet, faire admettre que les difficultés à se loger, à se
soigner, à s’éduquer, à prendre sa retraite, que l’augmentation du
chômage, que la précarisation grandissante seraient inéluctables, et, en
tout état de cause, indépendantes des choix économiques du gouvernement
français et de la communauté européenne !

La désignation de boucs émissaires sert à tromper des êtres humains
fragilisés et taraudés par la peur, bien réelle celle-ci, du lendemain.

Ne s’agit-il pas, aussi, de déporter plus à droite les débats de la
société française, de diviser pour détourner l’attention de la politique
menée et d’utiliser l’arme la plus abjecte des droites : le racisme et
la xénophobie à des fins politiques ?

Une autre réponse, se situe dans la manipulation des mots : en
particulier la confusion savamment entretenue entre deux sens différents
du mot « public ». « Public » : qui est du ressort de l’Etat, et
« public » : ouvert au public, espace public, qui appartient à tous. Or
c’est bien dans cet espace « public » que l’Etat doit garantir à tous la
possibilité d’exprimer ses convictions, ses croyances religieuses et
garantir les libertés de chacun..

Cantonner l’expression des croyances religieuses dans la seule sphère
privée, intime, la rendre invisible, c’est remettre en cause la liberté
de conscience et par voie de conséquence la liberté d’expression de tous .

Par ailleurs, il est particulièrement grave d’assimiler les usagers des
« services publics » aux agents de ces mêmes services, agents de l’Etat,
tenus, eux, à la neutralité en particulier dans le domaine religieux,
contrairement aux usagers qui disposent de leur liberté de penser et
d’expression. Si tel n’était pas le cas nous serions dans un régime
totalitaire.

Or c’est très exactement ce qui a permis de justifier la loi sur le
foulard interdisant aux jeunes filles, le portant, d’accéder au lycée.
C’est en présentant « l’espace public » comme un « espace du public »,
c’est-à-dire comme lieu appartenant à l’Etat, que la loi interdisant le
port du voile intégral a été rendue possible.

Ces premières lois ont ainsi constitué les prémices d’interdictions sans
fin et de plus en plus invivables pour les femmes, en particulier, qui
en sont les premières victimes.

Oui la loi de1905 protège l’Etat de l’ingérence des religions, mais
protège aussi les religions de l’ingérence étatique.

La laïcité ainsi instrumentalisée à des fins politiques, manipulée pour
mettre à l’écart les « citoyennes et les citoyens musulmans », renforce
le racisme islamophobe , alimente les communautarismes, met à mal un
projet commun de vivre ensemble, et fait peser de lourds périls pour la
liberté de conscience de tous.

Non, ce ne sont pas les « musulmans » qui sont un danger pour la
laïcité, c’est une politique qui s’acharne à détruire les « services
publics », une politique qui fiche, qui classe, qui rejette, qui
discrimine, qui exclut , qui désigne les bons et les mauvais
citoyen(ne)s, les bonnes et les mauvaises religions, les citoyen(ne)s
menacé(e)s et les citoyen(ne)s menaçant(e)s, une politique qui nourrit
la peur et la haine des différences.

Oui, c’est l’ « islamophobie » , fable pernicieuse de « 
l’arabo-musulman-danger- pour-la-République » construite jour après jour
par la répugnante et insidieuse réutilisation d’expressions qui ont
alimenté l’antisémitisme des années 30 /40, qui menace le vivre ensemble.

Ainsi, l’inadmissible et révoltant « français-d’origine-musulmane », à
mettre en regard avec « français-d’origine-juive », « trafiquants noirs
et arabes » de Zemmour, copiant le « juif escroc né », ou la distinction
faite entre les français « bien et mal enracinés », l’introduction « des
sur-peines » pour les étrangers, l’utilisation du vêtement pour montrer
hier « l’envahissement métèque » aujourd’hui « l’islamo-terroriste » ou
écarter les accompagnatrices scolaires « voilées » portant un foulard
sur les cheveux.

Oui, c’est le concept d’identité nationale,
oui , c’est l’amalgame immigration et insécurité ;
oui, c’est la politique d’exclusion des roms ;
oui, c’est le discours de l’anathème ;
oui c’est l’utilisation de l’injure verbale ;
oui , c’est le développement des peurs irrationnelles ;
oui c’est le combat contre les lumières de la raison mis en œuvre par
les plus hauts représentants de l’Etat qui font peser un grave danger
sur la laïcité, sur la République, sur la liberté de conscience et les
libertés d’expression.

Le MRAP fait un appel solennel pour que tous les citoyennes et citoyens
se dressent contre ces manipulations dont on sait qu’elles peuvent nous
entraîner dans les pires aventures.

Le MRAP appelle chaque citoyen(ne) à opposer à la xénophobie, au racisme
sous toutes ses formes et sans hiérarchie, à toutes les discriminations,
la volonté inébranlable de construire une société fondée sur le droit à
la différence sans différence de droits.

Le MRAP appelle à un sursaut général pour faire échec au projet de
modification de la loi de 1905, sous couvert de « code de la laïcité ».

Le MRAP appelle à une forte mobilisation de toutes et de tous-en
particulier par la création de collectifs locaux-pour préparer
activement la manifestation nationale du samedi 28 mai « contre le
racisme, la xénophobie, la politique d’immigration du gouvernement et
pour la régularisation de tous les sans papiers ».

Paris, le 9 avril 2010