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On y croit...

Publie le vendredi 14 janvier 2005 par Open-Publishing

Bonjour et meilleurs voeux.

2005 a bien commencé pour certains, mal ou très mal pour d’autres.

Chacun a pu constater la capacité de mobilisation dans nos pays pour tenter
d’apporter une aide aux gens brisés et aux pays dévastés.

Je ne peux m’empêcher de penser à tous ceux qui meurent tous les jours,
chaque mois, chaque année, de malnutrition, de n’avoir pas eu les quelques
médicaments de base qui leur auraient permis de vivre. Ces morts là sont des
morts ordinaires, intégrés dans le paysage.

Décidément et pour longtemps sans doute, nos sociétés ne réagissent que sous
l’impact de catastrophes, que ce soit pour les tsunamis ou les marées
noires.

J’ai entendu ces jours derniers un responsable d’une ONG, dire qu’elles
faisaient leur maximum pour que l’intérêt des media tombe le plus tard
possible afin que les promesses de dons ou d’aide ou de reconstruction
soient tenues.

Chacun a pu entendre que la ville iranienne de BAM, ravagée par un
tremblement de terre il y a un peu plus d’un an, a reçu seulement 10% des
sommes promises sous le coup de l’émotion relayée par une noria de caméras
et micros.

Dans le domaine maritime, quelques uns, de plus en plus nombreux,
s’interrogent sur les conditions de travail dans les chantiers de démolition
indiens, bengalis ou pakistanais.

Il est évident que les accidents sont nombreux, que des jeunes adolescents y
travaillent, que les travailleurs respirent toutes sortes de cochonneries, y
compris de l’amiante, sans parler des dégâts environnementaux causés par la
démolition de nos bateaux sur leurs plages.

Une question m’est toujours présente à l’esprit à propos de ce problème :
que ferions nous si au lieu de travailler dans des conditions dangereuses
sur ces chantiers, ces hommes, ces jeunes, se contentaient de mourir de
malnutrition ou de manque de soins dans la plus grande discrétion ?

J’ai bien peur que la réponse soit : pas grand chose.

Tous ces problèmes dramatiquement réels rendent quasi indécents nos
préoccupations quotidiennes.

La vie est là qui s’arrête pour certains, qui continue pour d’autres. Ca
fait un moment que ça dure ainsi.

Continuons donc à vivre tant qu’on est vivants. Il serait bien que notre
regard change mais, il faut se rendre à l’évidence, on n’en prend pas le
chemin.

Pour revenir à notre ordinaire, l’année commence en fanfare avec la demande
de TOTAL soutenue par le parquet contre l’avis du juge d’instruction, d’une
nouvelle expertise sur le naufrage de l’Erika.

Si la Chambre d’accusation suit TOTAL et le parquet, l’instruction est
partie pour un temps plus qu’indéterminé. Si la Chambre ne suit pas TOTAL et
le parquet, ils pourront toujours aller en cassation. Cela s’appelle noyer
le poisson. Un de plus...

Par contre, un procès qui ne fait l’objet d’aucune contestation, est celui
qui se tiendra cette année à Auxerre ou votre serviteur et 8 autres
personnes seront jugées pour avoir occupé durant 24 heures, le 12 décembre
2001 pour le second anniversaire du naufrage de l’Erika, le château de
Thierry Desmarest, PDG de TOTAL.

On lui avait barbouillé la façade en noir afin qu’il comprenne ce qu’était
une marée noire et on lui avait symboliquement démonté les volets pour
évoquer l’explosion d’AZF qui avait eu lieu à peine 3 mois plus tôt.

Une représentante d’une association des victimes d’AZF était présente dans
le château et sera également jugée à Auxerre.

Les premiers jugés au pénal dans ces deux affaires sont les manants qui s’en
sont pris au château.

La justice est plus à l’aise pour punir des taggeurs de façade de château
que des taggeurs de 400 kilomètres de côtes.

A propos de taggage, la Marine Nationale veut tagger les fonds de l’île de
Groix en y déversant 300 000 tonnes de boues chargées de métaux lourds.

Elle a toujours fait ça et ne comprend pas que les habitants de l’île de
Groix lui demandent de traiter ces boues de draguage à terre, ce qui est
tout à fait possible, mais pas budgété.

Il est vrai qu’il a fallu des photos dans Paris-Match pour que la Jeanne
d’Arc cesse de jeter à la mer des ribambelles de sacs plastique contenant
ses déchets quotidiens.

Ce serait sympa que notre Président qui parle facilement de développement
durable et de principe de précaution explique aux militaires, en tant que
Chef des armées, que certaines époques et comportements sont révolus et
qu’ils arrêtent de polluer les fonds marins entre Groix et Belle-Ile (entre
autres).

On compte sur lui.

A propos de sacs poubelle, les Nations Unies viennent de publier un rapport
sur le comportement des paquebots de croisière aux Caraïbes. Au secours !
Ces bateaux ultra-modernes, équipés d’incinérateurs et de compacteurs, de
tout ce qui finit en eurs, ont des comportements plus que laxistes dus au
fait qu’il y a peu de ports équipés et encore moins de moyens de contrôle et
de répression.

Pas vu, pas pris. Il faut tout de même savoir que ces bateaux prennent leurs
cargaisons de touristes souvent aux U.S.A dans des ports parfaitement
équipés.

Toujours à propos de rejets, un navire grec, le Captain Diamantis, avait été
pris en flagrant délit de dégazage dans le Golfe de Gascogne au mois de
juillet dernier. Le commandant, après avoir pris l’avis de l’armateur,
avait préféré ne pas obtempérer à l’ordre de déroutement sur Brest et avait
continué son voyage vers le Maroc.

Le procureur de Brest, qui se découvre des accointances avec un animal
commun sur les côtes bretonnes, la patelle, communément appelé bernique,
dont la philosophie peut se résumer à cette formule lapidaire : je
m’accroche, le procureur disais-je, a fait comprendre à l’armateur grec, par
des chemins connus de lui seul, qu’il n’échapperait pas à ses foudres. Eh
bien ! il fut entendu. Jeudi dernier le Captain Diamantis est venu de son
propre gré, à Marseille, se mettre à la disposition de la justice et payer
les 500 000 euros de caution réclamés par le procureur.

Elle est pas belle la vie !

Ce jeudi, la Cour d’Appel de Rennes a doublé l’amende infligée par le
tribunal de Brest au CMA CGM Voltaire, validant ainsi le travail effectué à
Brest et envoyant un message clair au monde maritime.

En début de semaine, un navire italien s’était fait surprendre en flagrant
délit de "dégazage" au large de Porquerolles. Même pas un bateau poubelle,
même pas un pavillon de complaisance. Des bons et vrais européens.

Il est clair que tant que la réception de déchets dans les ports européens
ne sera pas réellement et concrètement organisée, les rejets en mer
existeront.

Keep it Blue propose de mettre en place une base de données qui permettra de
savoir si les navires faisant escale dans les ports européens y ont effectué
ou pas une opération de débarquement de déchets.

On y croit...

Cette année, il va s’en passer des choses.

Nous attendons avec impatience que le fonds de limitation de l’Erika soit
liquidé par le tribunal de commerce de Rennes.

C’est à ce moment là que l’on évoquera la valeur juridique des quittances
subrogatives détenues par le Fipol et non produites auprès du tribunal de
Rennes.

Pour faire court, ces quittances n’ayant pas été produites, n’ont aucune
valeur juridique. Conclusion : juridiquement le Fipol n’a rien payé à ce
jour. Les 99 millions versés aux victimes ont autant de valeur que leur
poids de papier. Ca va être chaud ! Ils nous rouleront dans la farine bien
entendu, mais ils n’auront pas notre peau aussi facilement que ça.

Autre date intéressante qui ouvre une période non moins intéressante : le 5
avril.

Entrée en vigueur du retrait des pétroliers âgés dans le cadre du calendrier
fixé par l’OMI, l’Organisation Maritime Internationale.

Cela concernera rapidement plus de 300 pétroliers, à terme environ 1100.

On va les suivre à la trace, histoire de voir s’ils continuent à naviguer
dans des contrées lointaines.

Si les propriétaires respectent les décisions de l’OMI, il va y avoir du
boulot sur les plages indiennes, bengalis et pakistanaises.

S’ils ne les respectent pas, ça va chauffer du côté d’Albert Embankment,
siège de l’OMI.

Les ONG devraient donner de la voix.

Wait and see.

A propos de pétroliers, le manager d’Intertanko, association internationale
regroupant plus de 2000 propriétaires de pétroliers, posait ouvertement la
question lors d’un colloque : "Avons-nous tiré les leçons du naufrage du
Prestige ?".

S’il en doute, que pouvons-nous faire d’autre que de douter ? Nous ne sommes
pas forcément rendus au bout du chemin.

Aux courageux qui seront allés jusqu’au bout de ce courrier, je suggèrerai
gentiment d’adhérer à Keep it Blue.

Il est évident que 5 ans après l’Erika et 2 ans après le Prestige, la
mobilisation est moindre.

De nombreux collectifs ou associations ont disparu faute de moyens.

Le problème est de durer et de suivre les dossiers sur le fond.

Un exemple très concret : l’abonnement à la base de données qui permettra de
suivre chaque pétrolier à la trace pour savoir s’il navigue au-delà de sa
limite d’âge, coûte 4 250 euros par an, l’abonnement au Loyd’s List, le
quotidien maritime international, coûte 900 euros par an, etc...etc...aller
à Londres régulièrement aux réunions du Fipol et de l’OMI coûte aussi de
l’argent.

Le nerf de la guerre.

Serions-nous en guerre ?

L’appel du large se faisant irrémédiablement sentir, j’ai décidé de
reprendre la mer avec des supposés non valides.

Vous trouverez une présentation succincte de ce projet sur
http://www.keepitblue.net/z/R4.htm

Il sera toujours temps de se reposer quand on sera morts.

Cordialement

Jo Le Guen

http://www.keepitblue.net