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La disparue de San Juan : Argentine, octobre 1976 (video)

par Roberto Ferrario

Publie le mardi 13 décembre 2011 par Roberto Ferrario - Open-Publishing
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Marie-Anne Erize avait 24 ans, un physique de mannequin, des utopies de rebelle. Un jour d’octobre 1976, des militaires en civil l’ont enlevée à San Juan, petite ville du nord-ouest de l’Argentine. Ses parents, ses amis, ses six frères et soeurs ne l’ont jamais revue. Depuis, elle fait partie des 30 000 disparus de l’époque de la dictature (1976-1983), ces hommes et ces femmes dont le souvenir hante à jamais ce pays à la mémoire lourde.

Peu importe que cette histoire remonte à plus de trente ans. Philippe Broussard a voulu la raconter. Partir sur les traces de Marie-Anne. Retrouver des témoins. Reconstituer son parcours. De Paris à Buenos Aires, il a interrogé des dizaines de personnes et tenté d’assembler le puzzle de sa vie. De ses vies, plutôt. Née dans une famille de « pionniers » français établis en Argentine, elle a grandi dans la jungle, fréquenté diverses écoles catholiques, défilé comme top-modèle, côtoyé de grands artistes (le chanteur Georges Moustaki, le guitariste Paco de Lucia...) et vécu un temps à Paris.

Son destin bascule en 1973, quand elle renonce au milieu de la mode, trop superficiel à ses yeux. Militante péroniste, aide sociale dans les bidonvilles, elle entre peu à peu dans la clandestinité au sein des Montoneros, une guérilla d’extrême gauche. Cette fuite en avant, sur fond de répression ultra-violente, s’achèvera à San Juan, un vendredi de 1976...

L’histoire n’est pas terminée pour autant. Aujourd’hui encore, deux procédures judiciaires sont en cours, en France et en Argentine, pour connaître la vérité sur son sort. Un suspect est même en prison, à San Juan : Jorge Olivera, un colonel devenu avocat, catholique intégriste et militant d’extrême-droite. C’est lui qui aurait organisé le rapt, puis la disparition de la belle Française.

Le livre repose sur une structure narrative à deux vitesses : l’alternance entre le récit chronologique du parcours de Marie- Anne et des lettres que l’auteur écrit à sa mère, âgée de 84 ans, afin de l’informer de ses recherches et de lui dévoiler la part d’ombre de sa fille.

Philippe Broussard est rédacteur en chef du service Enquêtes de L’Express. Ancien grand reporter au Monde (1989-2005), il a reçu le prix Albert Londres en 1993. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages chez Stock, dont La Prisonnière de Lhassa (2001).

Auteur : Philippe Broussard
Date de saisie : 27/03/2011
Genre : Documents Essais d’actualité
Editeur : Stock, Paris, France
Collection : Les Documents Stock
Prix : 22.00 € / 144.31 F
ISBN : 9782234062511
GENCOD : 9782234062511
Sorti le : 02/02/2011

http://www.lechoixdeslibraires.com/livre-99167-la-disparue-de-san-juan-argentine-octobre-1976.htm


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  • Argentine : le bourreau de Marie-Anne Erize démasqué ?

    Par Philippe Broussard

    Argentine: le bourreau de Marie-Anne Erize démasqué?

    Qu’est devenue Marie-Anne Erize, ex-mannequin (ici, posant, en 1972) passée à l’action clandestine, enlevée le 15 octobre 1976 ? Un livre de Philippe Broussard raconte son histoire et celle de Jorge Olivera. .

    Jorge Olivera, ex-officier de la junte militaire, est accusé d’avoir enlevé une Française à l’époque de la dictature. L’enquête de L’Express lève en partie le voile sur l’affaire.

    Un jour, il le sait, Jorge Olivera devra s’expliquer devant ses juges. Tenter de les convaincre, leur dire l’homme qu’il fut en 1976, et celui qu’il prétend être en 2011. Cet ancien officier s’y prépare à sa façon, entre Bible et Code pénal, dans la prison militaire de Campo de Mayo, à Buenos Aires. D’ici à son procès, attendu dans les mois à venir, il devra peaufiner sa défense, creuser les failles du dossier. Cette audience, il le sait aussi, sera de celles que l’Argentine souhaite et redoute à la fois : un énième retour sur la période de la dictature (1976-1983), quand la junte traquait les opposants, réels ou supposés. 

    En huit ans, la répression aurait fait 30 000 victimes. Olivera y a-t-il participé ? A San Juan, ville du nord-ouest du pays, un juge, Leopoldo Rago Gallo, l’accuse d’avoir jadis dirigé une unité clandestine chargée d’arrêter, voire de faire disparaître, les "gauchistes". Parmi eux, une Française de 24 ans, Marie-Anne Erize, mannequin vedette passée dans la guérilla Montoneros. Le 15 octobre 1976, des inconnus l’ont enlevée en plein jour, à San Juan ; son corps, comme des milliers d’autres, n’a jamais été retrouvé. 

    Aujourd’hui encore, ce mystère se heurte aux dénégations d’Olivera. Arrêté en 2008 à Buenos Aires, l’ex-militaire jure n’avoir "jamais vu" la jeune femme et nie tout lien avec un groupe parallèle. Dans ses procès-verbaux d’audition, il rappelle qu’en 1976, au régiment de San Juan (RIM 22), il n’était qu’un "simple lieutenant", dont le travail se bornait à inspecter la frontière avec le Chili. L’un de ses fils, prêtre au verbe enflammé, dénonce la "haine satanique" de ses accusateurs. 

    Pourtant, les éléments ne manquent pas contre ce sexagénaire aux allures de notable. Le juge le poursuit dans une cinquantaine de procédures et plusieurs témoins, dont un officier de gendarmerie à la retraite et un ex-chauffeur du RIM 22, confirment qu’il dirigeait un service clandestin. Quatre autres personnes, que nous avons également rencontrées, disent avoir été interrogées, voire torturées, par lui. 

    Sollicité à trois reprises depuis 2008, Olivera a refusé de nous recevoir en prison. Seul son avocat, Me Eduardo San Emeterio, a répondu à nos questions. Tout en accusant les autorités argentines actuelles d’avoir "payé" de "pseudo-témoins", il fait l’éloge de son client : bon père, bon chrétien, bon patriote. Le parcours de Jorge Olivera révèle plutôt un homme de haine et de mensonge... 

    Après son passage à San Juan (1975-1978), il enchaîne les affectations et monte en grade : premier lieutenant, capitaine... Sa grande fierté ? Traquer les "rats", les opposants. La chute de la dictature, en 1983, le conforte dans ses convictions nationalistes et le rapproche bientôt des "carapintadas" (visages peints), des soldats putschistes surnommés ainsi en raison de leur tenue de camouflage. Animés d’une foi quasi mystique, ces insurgés ont pour idéologue le colonel Seineldin, un Argentin d’origine libanaise, intégriste et antisémite. Dans son sillage, ils font plier le pouvoir et obtiennent l’impunité de la plupart des acteurs de la lutte antisubversive. 

    Sorti de l’armée avec le grade de colonel, Olivera aborde le grand tournant de sa vie au début des années 1990 : il veut, il va, devenir avocat. Sa clientèle ? Des compagnons d’armes, mais aussi deux célébrités : le général Suarez Mason, poursuivi dans une sordide affaire de vols de bébés, et Erich Priebke, un nazi réfugié en Argentine. Dans le même temps, Olivera milite au Mouvement pour la dignité et l’indépendance (Modin), un parti fascisant créé par des carapintadas.

    Jorge Olivera, officier devenu avocat, est photographié ici dans son bureau de Buenos Aires, en 2000. Il est aujourd'hui âgé de 60 ans.

    Jorge Olivera, officier devenu avocat, est photographié ici dans son bureau de Buenos Aires, en 2000. Il est aujourd’hui âgé de 60 ans.

    Nicolas Trombeta/DR

    Son moment de gloire arrive en 2000, quand il réactive, avec son associé, Jorge Appiani, le dossier de la guerre des Malouines (1982). Agissant au nom de deux victimes argentines du conflit, le duo tente de poursuivre le Royaume-Uni devant la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg. Cette démarche, vouée à l’échec, va les conduire à prendre conseil auprès d’un acteur marginal de la politique française : Jacques Cheminade, candidat fantomatique (0,28 % des voix) à la présidentielle de 1995. 

    Quand Olivera est arrêté à Rome, l’effet de surprise est total

    Troublant personnage que cet énarque de 69 ans, ancien cadre du ministère français de l’Economie et des Finances. Il a pour modèle Lyndon LaRouche, un essayiste américain suspecté d’antisémitisme et de dérives sectaires. Après avoir longtemps dirigé le groupusculaire Parti ouvrier européen (POE), Cheminade pilote désormais le "mouvement" Solidarité et progrès, et mène déjà campagne pour 2012. Interrogé par L’Express au sujet des deux avocats argentins, il se souvient de les avoir reçus, mais s’empêtre vite dans ses contradictions. Il a beau les qualifier de "types peu recommandables", leur combat était en partie le sien. Son mentor américain, Lyndon LaRouche, ne fut-il pas l’ami du colonel Seineldin, l’idéologue des carapintadas ? 

    Revenons en juillet 2000. Cet été-là, la croisade antibritannique d’Olivera attire l’attention des avocats de la famille Erize. En liaison avec un juge parisien, Roger Le Loire, ils cherchent le moyen de coincer le suspect lors de sa venue en Europe. Comme Olivera ignore qu’une enquête est ouverte à Paris sur le sort de Marie-Anne Erize, l’effet de surprise est total. Un mandat d’arrêt délivré à la hâte permet ainsi de l’interpeller le 6 août, à Rome, où il s’est rendu, avec sa femme, après son séjour à Strasbourg. L’ancien officier est appréhendé à l’aéroport, au moment de l’enregistrement du vol pour Buenos Aires. 

    Aux yeux des Argentins, la prise est historique : c’est la première fois qu’un tortionnaire présumé est piégé à l’étranger. Olivera, lui, n’a qu’une obsession : échapper à l’extradition vers la France. Pour y parvenir, il enrôle deux avocats dont le profil va confirmer la nature des réseaux à l’oeuvre dans son ombre. Le premier, Me Marcantonio Bezicheri, exerce à Bologne, où il dirige la branche locale d’un mouvement néofasciste, la Flamme tricolore. Par le passé, il a défendu des terroristes d’extrême droite impliqués dans l’attentat de Bologne (85 morts), en 1980. Plus récemment, Me Bezicheri a plaidé la cause de l’ancien vice-président irakien Tarek Aziz. 

    Loge P2

    Son confrère, Me Augusto Sinagra, travaille pour sa part à Rome. Lui aussi a des sympathies fascistes. Expert en droit international, il a représenté l’Etat turc dans une procédure d’extradition du leader kurde Abdullah Ocalan. Son principal fait d’armes demeure toutefois la défense de Licio Gelli, grand maître de la loge Propaganda 2 (P 2). Cette organisation maçonnique très influente comptait environ 1000 membres : des officiers, des mafieux, des élus, des grands patrons, dont Silvio Berlusconi. Bref, beaucoup d’Italiens, et quelques dignitaires argentins. Du temps de la dictature, Gelli avait des relais à la tête du régime. Autre élément important : Me Sinagra lui-même fut membre de la P 2. Bien qu’il précise avoir seulement "failli" intégrer la loge en 1981, son nom figure dans la liste des "frères". 

    En septembre 2000, la cour d’appel de Rome se penche donc sur le cas Olivera. Et c’est alors, à la surprise générale, que Me Sinagra produit un fax, reçu la veille d’Argentine : un certificat de décès de Marie-Anne Erize ! Les trois magistrats, qui ignorent ou feignent d’ignorer que la disparition du corps empêche toute officialisation du décès, ne prennent pas la peine d’authentifier ce document. Invoquant de tortueuses raisons juridiques, ils concluent à la prescription des faits et libèrent le suspect. Le soir même, celui-ci s’envole pour Buenos Aires, où des lois d’amnistie le protègent. 

    C'est ici, dans une rue de San Juan, que Marie-Anne Erize a été enlevée, le 15 octobre 1976, par plusieurs hommes en civil.

    C’est ici, dans une rue de San Juan, que Marie-Anne Erize a été enlevée, le 15 octobre 1976, par plusieurs hommes en civil.

    P. Broussard

    Aussitôt, la polémique éclate. La colère des parties civiles est d’autant plus vive que le certificat est à l’évidence un faux. Qui l’a conçu ? Pourquoi la Cour l’a-t-elle accepté ? Plusieurs médias suspectent une manoeuvre de Me Sinagra et des nostalgiques de la P 2. A Buenos Aires, l’ambassade de France soupçonne plutôt un diplomate italien, familier des affaires argentines, d’avoir secouru Olivera pour favoriser la signature d’un gros contrat commercial entre les deux pays. Faute de preuves, ces pistes resteront sans suite, mais les autorités s’engageront à établir "toute la vérité". 

    Plus de dix ans ont passé. Olivera a fini par être arrêté, mais à Buenos Aires, en 2008, en possession de faux papiers et de sept cartes de crédit. Jamais il n’a expliqué le mystère romain de 2000. Pour l’élucider, il faut donc interroger ses protagonistes. En Italie, nous avons ainsi retrouvé deux des trois magistrats, Massimo Michelozzi et Serenella Siriaco. Surprise : aucun d’eux n’a été sanctionné ; le Conseil supérieur de la magistrature de leur pays les a même blanchis, le 8 juin 2001. L’un et l’autre assurent avoir "appliqué le droit, rien que le droit". Pour eux, Olivera devait être libéré pour de strictes raisons juridiques. 

    Un homme de loi conteste aujourd’hui cette analyse : Me Sinagra, le propre avocat d’Olivera ! D’après lui, "aucune argumentation juridique" ne saurait tenir. "Je n’allais pas me plaindre du sort de mon client, dit-il en substance, mais j’avoue avoir été surpris. J’avais moi-même suggéré à la cour de vérifier le document, ce qu’elle n’a pas fait." A l’en croire, les magistrats ont donc fauté. Incompétence ou faveur préméditée ? Selon une source judiciaire romaine, l’enquête n’a pas permis d’aller plus loin, ni sur les juges, ni sur l’éventuelle responsabilité des avocats. Autant dire que l’affaire a sombré dans l’oubli. 

    Documents volés

    Côté argentin, c’est pire : personne n’a jamais su, ou voulu savoir, qui avait élaboré le faux certificat. Les investigations promises n’ont pas été menées. Avec le recul des années, l’un des avocats des Erize, Me Horacio Mendez Carreras, professionnel très respecté à Buenos Aires, avance une explication détonante : "Le gouvernement argentin de l’époque a collaboré à la libération d’Olivera. Les services de renseignement de l’armée de terre ont travaillé pour sortir leur camarade de cette situation. Tout était calculé, organisé de manière diabolique." Lui-même s’en veut d’avoir laissé son dossier Erize au secrétariat des Droits de l’homme, où il travaillait alors. "Des documents ont été volés, révèle-t-il, et cela a aidé les faussaires à imaginer leur plan." 

    L’avocat n’épargne pas la France : "Votre gouvernement n’a pas pesé politiquement dans cette affaire. Il n’y avait aucun représentant de l’ambassade dans la salle d’audience !" Le fautif serait-il le magistrat de liaison alors en fonction à Rome, Philippe Labrégère ? Ce dernier, visiblement embarrassé par la démarche de L’Express, a refusé de s’exprimer. Sa gêne n’a d’égale que celle du Quai d’Orsay, plus que défaillant dans cet imbroglio. 

    Il reste à savoir pourquoi Olivera a bénéficié d’une telle mansuétude. Son procès le dira peut-être. A condition qu’il ait lieu... A la fin de 2010, le suspect a failli être remis en liberté, en Argentine cette fois. Les parties civiles ont dû intervenir pour qu’il demeure en prison. Et cesse enfin de fuir son passé de "simple lieutenant". 

    http://www.lexpress.fr/actualite/monde/argentine-le-bourreau-de-marie-anne-erize-demasque_957793.html

  • Je suis très ému de revoir cette photo,
    que je garde par devers moi depuis 35 ans.
    Elle appartient à mes archives que régulièrement j’allège.
    Mon dieu qu’elle était belle, que nous étions beaux,
    de l’ espoir.
    Aujourd’hui, plutôt désespéré,
    ("...donnez, donnez-moi des hommes désespéré..."),
    malgré cette photo enfouie dans ma caisse à souvenirs, Allende, la Révolution des œillets, un programme commun qui semblait faire sens jusqu’au élections de 1978,
    malgré mes enfants si généreux, un peu paumés aussi, dont un a choisi de partir avant l’heure.

    • Honneur et respect à toutes et tous nos camarades argentins qui ont combattu la dictature et le capitalisme (Montoneros, PRT/ERP, et tous les autres...)

      Un honneur particulier à nos camarades femmes qui auront subies comme les hommes, tortures, coups, exécutions sommaires et en plus l’ignoble viol.

      La spécialités des chiens de tortionnaires fascistes étaient d’introduire un rat dans le vagin de nos camarades... Jusqu’à la mort...

      Qu’ils crèvent !

      Que les travailleurs argentins vengent un jour nos martyrs et que chaque rue porte le nom d’un(e) de nos camarades.

      Paco NPA