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Pourquoi Daniel Cohn-Bendit compare Viktor Orbán à Hugo Chavez et Fidel Castro ?

par Philippe Alcoy

Publie le vendredi 20 janvier 2012 par Philippe Alcoy - Open-Publishing
6 commentaires

Source : Fabrica de Hombres Libres

« Un renouvellement (de la Constitution, ndr) peut être dans la bonne ou la mauvaise direction. Et nous vous disons que vous allez dans la direction de MM. Chavez, Castro, et de tous les régimes totalitaires et autoritaires de ce bas monde  »[1]. C’est ainsi que Daniel Cohn-Bendit s’adressait à Viktor Orbán, Premier Ministre de la Hongrie, à la session du 18 janvier du Parlement Européen. Ce n’est pas la première fois qu’il fait une telle comparaison. Il y a un an il avait fait la même remarque à propos de la nouvelle loi hongroise sur les médias.

Mais, alors que le régime politique en Hongrie tend vers le bonapartisme de droite, pourquoi ne l’a-t-il pas comparé avec des régimes plus proches de cette tendance comme le clan Bongo au Gabon ou encore la clique à Álvaro Uribe en Colombie, entre autres ? Pourquoi cet ancien « soixante-huitard », passé avec armes et bagages au camp de la démocratie bourgeoise libérale et au « capitalisme vert », même quand il critique la droite « bonapartisante », se sent obligé d’attaquer ceux qui se situent un peu plus à gauche que lui ?

En effet, le chavisme c’est un projet essentiellement bonapartiste « de gauche » (très molle d’ailleurs) qui en utilisant une rhétorique soi-disant « anti-impérialiste » et s’appuyant (et en canalisant) le mouvement de masse essaye de préserver les intérêts d’une fraction de la bourgeoisie nationale. Le castrisme c’est encore une autre chose : une « variante tropicale » du stalinisme. D’ailleurs, mettre dans le même sac le Venezuela, où règne pleinement le capitalisme (semi-colonial), et Cuba où, même si la bureaucratie castriste est en train de restaurer progressivement le capitalisme, il y reste encore des acquis de la Révolution de 1959 à défendre, relève de la grossièreté pro-capitaliste primitive.

Pou sa part, Viktor Orbán représente une tendance bonapartiste « de droite » qui, même si en ce moment ses relations avec l’UE sont un peu froides, a toujours été un grand ami et (surtout) serviteur des puissances impérialistes. Cela est évident aujourd’hui quand on voit que « le Parti Populaire européen (PPE) qui regroupe le Fidesz, le parti d’Orbán mais aussi l’UMP ou encore des chrétiens-démocrates allemands de la CDU-CSU d’Angela Merkel, fait confiance au Premier ministre hongrois et à ses valeurs européennes pour modifier les lois [qui dérangent] »[2].

En effet, dans les années 1930 Trotsky expliquait que « dans les pays industriellement arriérés, le capital étranger joue un rôle décisif. D’où la faiblesse relative de la bourgeoisie nationale par rapport au prolétariat national. Ceci crée des conditions particulières du pouvoir d’État. Le gouvernement louvoie entre le capital étranger et le capital indigène, entre la faible bourgeoisie nationale et le prolétariat relativement puissant. Cela confère au gouvernement un caractère bonapartiste sui generis particulier. Il s’élève pour ainsi dire au-dessus des classes. En réalité, il peut gouverner, soit en se faisant l’instrument du capital étranger et en maintenant le prolétariat dans les chaînes d’une dictature policière, soit en manœuvrant avec le prolétariat et en allant même jusqu’à lui faire des concessions et conquérir ainsi la possibilité de jouir d’une certaine liberté à l’égard des capitalistes étrangers »[3].

En ce sens, on peut dire qu’aussi bien le chavisme que l’orbanisme constituent deux variantes, très diluées, de ce bonapartisme sui generis : le chavisme correspondrait plutôt au second type et l’orbanisme plutôt au premier type (même si le niveau de répression des masses n’est pas arrivé à ceux que dans d’autres époques on a pu connaitre dans plusieurs semi-colonies). Et pour ce qui est du castrisme, qui est aussi une variante de bonapartisme, la comparaison ne tient même pas la route. Celui-ci apparait dans un pays où l’on a exproprié l’impérialisme et la bourgeoisie nationale et s’exprime à travers d’une couche bureaucratique qui veut représenter un élément de « stabilité et d’ordre », appuyé sur les couches « conformes » avec leur situation, dans un contexte éminemment transitoire et changeant.

Ainsi, même si toutes ces tendances sont réactionnaires en fin de compte, il y a des différences évidentes. La comparaison simpliste faite par Cohn-Bendit a un but idéologique évident et puise son « inspiration » directement de la défense inconditionnelle de l’ordre bourgeois et sa démocratie pour les riches. En effet, en ces temps de crise, les masses ne penchent pas seulement vers les discours réactionnaires des partis nationalistes et d’extrême-droite. Comme le montrent les mouvements plus ou moins spontanés contre les mesures d’austérité et la misère qui se développent à travers le monde et en Europe, comme c’est le cas actuellement en Roumanie, les masses cherchent aussi des alternatives à gauche. Les déclarations de Cohn-Bendit révèlent, en dernière analyse, une tentative de créer un « épouvantail » à sa gauche : pour que le mécontentement populaire reste dans le cadre légal bourgeois, tout ce qui peut paraître aux yeux des masses comme plus à gauche doit être renvoyé dos à dos avec les tendances les plus réactionnaires... même les projets nationalistes-bourgeois (dilués) de gauche comme le chavisme !


19/1/2012.


[1] Le Parisien, « Hongrie : Cohn-Bendit compare Orban à Chavez et Castro », 18/1/2012.{{}}

[2] Idem.

[3] Léon Trotsky, « L’industrie nationalisée et la gestion ouvrière », juin 1938.{{}}

Messages

  • Et alors là je trouve que les performances critiques d’après des modèles théoriques face aux exigences pragmatiques de la lutte des Etats populaires dans la mondialisation sont absolument réactionnaires par effet de contre-productivité. Evidemment que si Chavez n’avait pas ménagé d’une certaine façon le droit d’exister à une bourgeoisie dans son pays il n’aurait pas pu aider son peuple parce qu’il serait devenu un dictateur pour y parvenir en le divisant ou lieu d’être soutenu unanimement ou presque, ou il aurait été assassiné. Je trouve ça quasiment négationniste un tel argument qu’en cet article.

  • Le point commun entre la déclaration de Cohn Bendit et ta réponse c’est une référence trotskiste incapable d’analyser une situation sans vouloir lui appliquer les deux modèles de la Révolution française de "réaction thermidorienne"et de "dictature bonapartiste" !

    • référence trotskiste ???

      Je suis pas bien sûr que Trotsky aurait validée la réponse en question.

      Même si personnellement je n’ai pas toujours compris ses intentions profondes, ni lus touts ses écrits... ((- :

      A mon avis Trotsky vaut mieux que ça. Même si ceux qui se revendiquent de sa "pensée" ne sont pas toujours aussi clairs que ce qu’ils le disent.

      Par contre la référence à la Révolution française me semble plus appropriée au sujet des intentions du texte. Mais je pense que "réduire" le clivage entre le fascisme raciste d’Orban et la volonté révolutionnaire "modérée" de Chavez ou Castro me semble particulièrement biaisé.

      Si on applique la preuve par le "pudding" dans le premier cas on voit bien que le pudding bénéficie aux exploiteurs alors que dans les deux autres cas ils transfèrent celui-ci des exploiteurs vers les exploités. D’ailleurs on entend suffisamment gueuler les "exploiteurs" pour comprendre que Chavez et Castro doivent même un peu y réussir.
      Même s’ils ne coupent pas toutes les têtes des exploiteurs dans l’immédiat, à long terme la tendance est totalement inverse de celle de l’exemple hongrois.

      Après, que tout ça se fasse au nom de Dieu, de Marx, ou de Belzébuth, ou qu’on parle de "nation" ou de "patrimoine culturel et ethnique" ça fait pas de Chavez ou Castro des "Bonaparte" ni des "nationalistes" dans le sens péjoratif du mot...

      Bonaparte a été avant tout un traître à la République et le champion des impérialismes, de la Banque Rotschild, et des agressions multiples contre les Peuples ; à commencer par le sien.

      L’idée ne viendrait à personne, ou personne ici en France, n’oserai "comparer", (Pour l’instant), Chavez et Le Pen, par exemple. Il se couvrirait de ridicule.

      Ben, y en a qui en rêvaient, Conh-Bendit l’a fait.

      Mais ça ne peux étonner que ceux qui pensaient qu’il avait pu être un jour un "révolutionnaire". Alors qu’il n’a jamais été que la marionnette des services US qui tiraient les ficelles comme ils l’ont toujours fait avec certains mouvements gauchisants pour déstabiliser les états qui les dérangent.

      Mais c’est sûr que si on pose comme principe que Mai 68 a été une "vraie" révolution, et pas un sursaut populaire de ras le bol, justifié, certes, mais sans réelles convictions révolutionnaires, boosté de l’extérieur pour emmerder le Grand Charles qui ruait dans les brancards atlantistes, ainsi que pour précéder et désamorcer une réelle possibilité de changement révolutionnaire communiste cette fois, on peut pas voir les choses sous le même angle que moi.

      ((- :

      G.L.

    • Seule la vérité est révolutionnaire"
      Oui..mais c’est pas du CHE..!!

      Lénine a utilé la formule , Trotsky aussi et par la suite d’autres révolutionnaires.

      c’est GRAMSCI, qui selon les historiens spécialistesdes "marxistes" ,aurait "inventé" cette formule.

      Complétée par le fameux"La vérité est TOUJOURS REVOLUTIONNAIRE."

      A opposer bien entendu à tout ce qui a visé à se comporter en "révolutionnaires" qui taisent des vérités (en russe PRAVDA)...au prétexte qu’elle "plombe" le débat dans la classe ouvrière, jette la confusion..
      Bref.

      c’est au nom de ce qui conduit au stalinisme de fait- qui demeure aujourd’hui un mode de relation de certains avec les couches populaires..que Sartre déclara "« qu’il ne faut pas "désespérer billancourt".. »

      Si je voulais me livrer à ma dernière pique sur le FDG - demain matin je publierai mon "adieu aux débats sur les Présidentielles"-car je prends une RTT pour éviter deme comporter en curieux intervenant lassant et rabacheur,..qui commente un match auquel il n’assistera pas -..

      .je dirais que c’est en refusant de regarder la VERITE en face, donc d’avoir ce queJaurès appelle le"courage dela dire" qu’on explique à des prolétaires que le seul combatde classe consiste à démasquer la fille le PEN comme adversaire du monde ouvier.
      Ce qui est exact.

      Mais qui permet , en tenant ce créneau (derniers meetings deJLM) de préparer le"Tous ensemble contreles Sarko, le PEN et autres Guéant"..avec le mensonge de faire croire..que ceux qu’on ira seconder au second tour..seront un rempart face au malheur programmé parle K..

      C’est en cela que s’ils revenaient faire un tour en ce bas monde, les Marx, Lénine, Trostsky, Gramsci, Rosa Luxembourg..et le CHE....botteraient pas mal de culs
      En priorité ceux qui sont installés place du Colonel Fabien..

      Parce que les autres, de Conbandit, de Hollande, de JLMpendant le débat sur Maastricht ou quand il insulte un militant PC à La courneuve, , un syndicaliste SUD àla Gare du NORD....
      ............ceux -là,... voilà belle lurette qu’on sait que lorsqu’ils crachent sur Castro ou Chavez, ils ne font que répéter LEUR VERITE............de classe, donc forcèment haineuse contretout cequi, avec des défauts évidents, a cherché à terrasser la pieuvre capitaliste...

      Cra si la VERITE est révolutionnaire, le mensonge est , bien entendu, CONTRE-REVOLUTIONNAIRE...

      Cordialement

      A.C

  • On connaît la collusion de DCB, qui est loin de dater d’hier, avec les tendances les plus réactionnaires de la social-démocratie et de la démocratie chrétienne. Cette opération infâme de dénigrement n’a qu’un but que n’aurait pas renié les "meilleurs" communicants de la peste brune : vomir sur la vérité afin d’instaurer un grand mur de fumée et installer durablement la confusion dans les peuples en usant d’amalgames aussi tordus qu’odieux. M. Daniel Cohn-Bendit ne vaut rien, ce n’est qu’un nauséabond valet du grand capital et un menteur certifié. C’est l’équivalent verdâtre de Bruno Gollnisch.