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Jusqu’où ira l’acharnement contre Jean-Marc Rouillan ?

par Paco

Publie le mardi 17 avril 2012 par Paco - Open-Publishing
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Le 16 avril, le tribunal d’application des peines de Paris accordait une libération conditionnelle à Jean-Marc Rouillan. Immédiatement, le Parquet de Paris a suspendu la décision en faisant appel. Selon une logique kafkaïenne, l’ex-militant d’Action Directe - aujourd’hui membre du NPA - qui aurait pu retrouver la liberté le 20 mai pourrait retourner en cellule après un an de semi-liberté.

Après un quart de siècle de prison, des embrouillaminis sans fin avec la justice, de graves ennuis de santé (Jean-Marc Rouillan a souffert du syndrome de Chester-Erdheim quand il était aux Baumettes), l’auteur d’une belle collection d’ouvrages passionnants sur l’univers carcéral et le militantisme clandestin pouvait espérer aller vers une existence moins turbulente à l’approche de ses soixante ans.

Sorti en mai 2011 de prison, Jean-Marc Rouillan goûte à un ersatz de liberté à Marseille. Malgré le maton électronique vissé à son corps, malgré des horaires serrés (sorties de 10h à 20h en semaine pour aller travailler, sorties de 14h à 19h le samedi et sorties interdites le dimanche), le relégué peut mener un semblant de vie sociale et professionnelle. Il a brillamment autopsié ces moments passés dans le Pays du Dehors au fil des pages d’un “carnet d’été” publiés aux éditions Al Dante en mars dernier.

Il faut se méfier des illusions. Ce n’est pas parce Jean-Marc Rouillan commençait à retrouver le sens de l’orientation, qu’il travaillait pour une maison d’édition réputée, qu’il dessinait de nouveaux horizons militants au sein du NPA, qu’il côtoyait artistes, poètes et écrivains... qu’il en avait fini avec les comptes de la justice. Son actuel régime de semi-liberté ayant commencé le 19 mai 2011, Rouillan a logiquement déposé une demande de libération conditionnelle pour le 19 mai prochain. Demande acceptée par le tribunal d’application des peines (TAP) de Paris le 16 avril. Le Parquet avait 24 heures pour faire appel. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour connaître sa décision.

L’avis favorable du TAP n’était pas une victoire, mais une issue normale pour un long, très long parcours carcéral. Ce qui risque d’être moins normal, c’est ce qui attend Jean-Marc Rouillan le 20 mai. “je reste (malgré tout) un numéro d’écrou”, écrivait-il dans Autopsie du dehors. Espérons qu’il n’en soit pas ainsi. La situation est kafkaïenne. L’écrivain maudit pourrait redevenir un maudit taulard jusqu’à ce que la cour d’appel se prononce. Cela peut prendre des mois...

On pourrait rire de cette farce. Il faut bien s’accrocher pour entendre les arguments du Parquet. Ce dernier reconnaît que Jean-Marc Rouillan est employé aux éditions Agone en CDI (statut dont rêvent pas mal de salariés). C’est bien. Le truc, c’est que le chiffre d’affaire d’Agone n’est pas celui d’une multinationale. L’emploi de Rouillan est donc ainsi déclaré précaire ! Lorsque l’on veut tuer un chien, on dit qu’il a la rage. La vérité, c’est que le Parquet n’a aucune envie de voir Rouillan ailleurs qu’à l’ombre. Rappelons que sa période de sûreté s’était terminée en 2005 et que nous en sommes toujours, en 2012, à nous demander – avec une fausse naïveté - si la loi est la même pour tout le monde.

Il y a peu de chance pour que la situation de Jean-Marc Rouillan émeuve les candidats à l’élection présidentielle. Pour le moment, pas de vagues sur le site du NPA auquel Jean-Marc Rouillan a adhéré. Le 16 avril, le blog Linter a publié un article amer. « De nouveau et comme pour Georges Cipriani, la fin de la semi-liberté pourrait signifier un retour en prison pour Jean-Marc Rouillan. Non contents de lui avoir infligé deux années supplémentaires de prison pour une interview, non contents aussi de demander une libération conditionnelle de six ans au lieu de cinq (eh oui, une petite variante versus Jean-Marc Rouillan), la justice et le pouvoir ont en effet inventé ce sinistre paradoxe que la fin de la semi-liberté (qui normalement en cas de réponse favorable devrait aller vers plus de liberté) se transforme en son contraire dans le cas de l’appel. La semi-liberté étant terminée, la liberté conditionnelle gelée par l’appel, ce n’est pas la liberté qui l’emporte jusqu’à la décision, mais le réemprisonnement. Pour un prisonnier politique, décidément les chemins vers la liberté sont interminables. »

En attendant de voir jusqu’où ira l’acharnement contre Jean-Marc Rouillan, on pourra lire les deux derniers excellents livres de son double littéraire Jann-Marc.

- Jann-Marc Rouillan, Autopsie du dehors – Carnet d’été d’un relégué sous surveillance électronique, éditions Al Dante.

- Jann-Marc Rouillan, De Mémoire (3) – La courte saison des GARI / Toulouse 1974, éditions Agone.

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